Éditorial Mise à jour économique

On peut parler d’éducation, maintenant ?

Une baisse d’impôt et un chèque de 100 $ aux parents.

Le gouvernement s’est adressé aux « payeurs de taxes » que nous sommes, hier, en nous offrant un allègement fiscal supplémentaire. C’est de bonne guerre, car c’est vrai que de nombreux électeurs se considèrent comme surimposés.

Mais maintenant qu’on a droit à cette sixième baisse d’impôt en 25 ans, selon les calculs du collègue Francis Vailles, peut-on collectivement souhaiter autre chose qu’un énième allègement fiscal ? Peut-on demander au gouvernement de mettre enfin de côté l’obsession des impôts au profit d’une priorité plus substantielle ? Comme l’éducation, par exemple ?

Par la faute des partis politiques, mais aussi, beaucoup, des électeurs, avouons-le, le débat public au Québec tourne autour de questions pécuniaires depuis des années. Comme si nous abordions la politique en simple contribuable. Comme si nous n’étions que des payeurs de taxes dont l’aspiration se limite à une bonification du pouvoir d’achat.

Maintenant que le gouvernement a répondu à ce besoin maintes fois répété, maintenant qu’il a aussi fait le ménage dans les finances publiques et que l’économie tourne à plein régime, le temps serait venu de s’occuper des véritables « vraies affaires », des enjeux qui nous définissent comme société, qui nous projettent dans l’avenir, non ?

Plusieurs questions significatives profiteraient de notre attention collective, mais dans le lot, l’éducation s’impose plus que toutes les autres au Québec. 

Il n’y a qu’à jeter un œil au rattrapage nécessaire en matière de diplomation, aux immenses besoins en main-d’œuvre ou encore aux transformations en cours de l’économie pour comprendre que l’éducation mériterait de se hisser au sommet des priorités de l’État.

C’est d’ailleurs ce que promettent de faire tous les partis, en discours à tout le moins. Le premier ministre Couillard en parle en effet comme de son « grand projet collectif ». Et chacune des grandes formations politiques en fait une « priorité », en mettant de l’avant leur champion respectif : Sébastien Proulx (PLQ), Alexandre Cloutier (PQ), Jean-François Roberge (CAQ).

Mais si le passé est garant de l’avenir, l’éducation disparaîtra bientôt des discours et plateformes… au profit, justement, d’une nouvelle ronde de promesses fiscales, de bonbons financiers et de baisses supplémentaires de taxes.

« Chaque fois, c’est la même chose, confirme le professeur Égide Royer, de l’Université Laval. L’éducation fait partie de tous les discours à Québec, mais à la seconde où des élections sont déclenchées, plus personne n’en parle vraiment. »

Les formations politiques évoqueront certes l’école du bout des lèvres, comme ils le font habituellement. Ils traceront peut-être les grandes lignes d’une réforme de structure. Ils iront peut-être même jusqu’à promettre plus d’études, de réflexions et de comités pour aider notre belle jeunesse…

Mais ils se garderont bien de transformer ces paroles en une série d’engagements précis avec budgets et échéanciers clairs. 

Ils se garderont, par exemple, de dire quand, exactement, ils vont appliquer l’école obligatoire à 18 ans ? Quand ils vont étendre la maternelle à 4 ans pour tous ? Quand ils comptent créer un ordre professionnel d’enseignants ?

Ils se garderont surtout, en fait, de transformer l’éducation en engagement prioritaire sur lequel ils sont prêts à jouer leur élection. Soit par manque de courage et de volonté d’affronter lobbys et syndicats, soit par crainte que les électeurs réagissent à cette priorité… avec un simple haussement d’épaules.

Car avouons-le, le gouvernement répond à ce qu’il perçoit être une demande des électeurs, ou plus fréquemment, des contribuables. Il s’engage sur des terrains où il calcule qu’il fera plus de gains électoraux que de pertes.

Ce qui nous ramène aux questions de départ : peut-on maintenant exiger autre chose que des allègements fiscaux ? Peut-on forcer les partis politiques à se concentrer sur un enjeu plus structurant ? Peut-on démontrer qu’on valorise assez l’éducation pour en faire, collectivement, un véritable enjeu électoral cette fois ?

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