Réseau de l’Université du Québec
« Les recteurs sont très nettement sous-payés » dit Lise Bissonnette
La Presse
« Quand on détermine la rémunération des recteurs, il y a vraiment un deux poids, deux mesures, et ça c’est flagrant », soutient Lise Bissonnette. Pour les 10 établissements du réseau de l’Université du Québec et de son siège social, le salaire des recteurs est fixé par le gouvernement avec l’adoption d’un décret du Conseil des ministres. « Si je voulais augmenter le salaire de mon recteur de 1 $, je ne pourrais pas, ce serait interdit », a-t-elle illustré. Mais dans le cas des universités à charte (Montréal, Concordia et McGill, par exemple), ce sont les conseils d’administration qui fixent la rémunération. Ainsi, le recteur de l’UQAM (43 000 étudiants), Robert Proulx, gagne 197 000 $, contre 297 000 $ pour son homologue de Bishop’s (2300 étudiants) et 439 000 $ pour celui de Concordia (46 000 étudiants), l’université considérée comme son pendant anglophone.
Pour Lise Bissonnette, les tableaux suivants montrent bien que la rémunération des recteurs « ne tient pas debout ». Le haut du classement est dominé largement par les universités à charte. « Il y a un tel déséquilibre qu’il doit être corrigé », selon elle. « Ça ne veut pas dire que je veux que le recteur de l’UQAM gagne une fortune [...]. Mais il y a quelque chose de tout à fait anormal » avec les règles actuelles. Les recteurs du réseau de l’UQ n’ont pas droit à des allocations, contrairement à leurs homologues des universités à charte. Ils se font toutefois rembourser des dépenses. Pour Robert Proulx, « c’est moi qui signe ses comptes de dépenses, et je peux vous dire que c’est ridicule », a noté M
Bissonnette.CONCORDIA : 439 385 $
MONTRÉAL : 418 018 $
McGILL : 404 129 $
LAVAL : 328 367 $
SHERBROOKE : 300 239 $
BISHOP’S : 297 113 $
HEC : 284 114 $
POLYTECHNIQUE : 260 822 $
ETS : 210 237 $
UQ (SIÈGE SOCIAL) : 207 857 $
INRS : 204 396 $
UQAM : 197 275 $
UQTR : 191 820 $
UQAC : 191 225 $
UQAR : 176 987 $
UQO : 174 523 $
TELUQ : 167 060 $
ENAP : 166 678 $
UQAT : 165 642 $
McGILL : 48 361 $
INRS : 42 067 $
CONCORDIA : 40 231 $
ENAP : 34 129 $
HEC : 33 822 $
UQAC : 32 473 $
POLYTECHNIQUE : 30 900 $
TELUQ : 28 426 $
UQ (SIÈGE SOCIAL) : 16 064 $
UQAR : 14 435 $
UQO : 13 777 $
ETS : 13 495 $
LAVAL : 11 840 $
UQAM : 9808 $
BISHOP’S : 9371 $
UQAT : 3184 $
UQTR : 2926 $
SHERBROOKE : 2430 $
MONTRÉAL : 2382 $
*SOURCE : Ces données sont tirées des états de traitement du personnel de direction supérieure pour 2014-2015, déposés par chaque université auprès du Ministère.
Comment le gouvernement détermine-t-il le salaire du recteur d’un établissement du réseau de l’Université du Québec ? C’est plutôt simple : les recteurs sont intégrés à l’échelle salariale des sous-ministres adjoints du gouvernement. « Ça, c’est extraordinaire ! » a lancé Lise Bissonnette. Le raisonnement derrière cette décision demeure un mystère. Mais c’est ce qui explique en partie « l’iniquité » avec le réseau des universités à charte selon elle. Il faut aussi ajouter à cette règle une politique interne de l’Université du Québec, qui fait en sorte que la rémunération varie d’un établissement à l’autre. « Cette politique, j’aurais envie de la contester aussi », a-t-elle lâché. Elle trouve « assez incroyable » que le salaire soit plus élevé au siège social de l’Université du Québec qu’à l’UQAM. Autre constat : la rectrice de l’UQAT, qui ferme la marche en ce qui concerne la rémunération, a un salaire un peu plus élevé qu’un professeur de la même institution au sommet de son échelle (163 000 $ comparativement à 143 000 $).
En entrevue à
plus tôt cette semaine, la ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, annonçait son intention de fixer des normes quant aux émoluments des hauts dirigeants des universités. « Ça ne me fait pas peur. On est déjà entièrement normées ! » a réagi M Bissonnette. Hélène David a rencontré récemment tous les présidents de conseil des universités – une première de la part d’un ministre, confirme la présidente de l’UQAM. M David avait alors espoir que les présidents conviennent entre eux de règles communes sur la rémunération des recteurs. « Mais c’est très difficile, presque impossible » tant les positions divergent entre les universités à charte et celles de l’UQ, a soutenu M Bissonnette. Selon elle, l’encadrement à venir doit être « le même pour tout le monde ». Elle ne croit pas à l’argument invoqué par des présidents de conseil d’université à charte selon lequel « si on ne paie pas les recteurs autant qu’au Canada anglais, on va avoir de la difficulté à attirer des gens ». « Moi, j’ai un motif différent, celui de dire que l’écosystème dans lequel on est, c’est celui du Québec, et c’est celui du Québec qui est déficient. »La « déficience » du système québécois va bien au-delà de la rémunération des recteurs, croit Lise Bissonnette. « Le fond de la question, c’est la nécessité d’une loi-cadre sur les universités. Il y a plusieurs lois qui encadrent des morceaux de nos activités, mais pas de loi-cadre. C’est ça qui manque et c’est ça qu’on demandait dans un rapport », en 2013, a-t-elle fait valoir. Elle a coprésidé un groupe de travail avec John Porter – à l’époque président du conseil d’administration de l’Université Laval, un établissement à charte. Leur rapport intitulé
accumule la poussière sur les tablettes du ministère de l’Éducation. Mais Lise Bissonnette persiste et signe : « Ce n’est pas normal que les universités qui ont accès aux mêmes fonds publics ne fonctionnent pas selon les mêmes règles. Il faut en finir avec cette idée qu’il y a deux systèmes universitaires. Toutes les universités sont publiques à mes yeux dans la mesure où leur budget vient en majorité du gouvernement québécois, qu’elles aient été fondées par l’Église au XIX siècle ou qu’elles aient été créées par l’État québécois en 1969 comme c’est le cas pour l’Université du Québec. »Canada
326 118 $
Il s’agit de la moyenne du salaire et des avantages sociaux dans 60 des 97 universités canadiennes en 2012, selon l’Almanach de l’Association canadienne des professeurs d’université. Seules deux universités québécoises (McGill et Sherbrooke) font partie du calcul. On peut conclure que quatre recteurs québécois se situent au-dessus de la moyenne canadienne. L’Université de Calgary est en tête du classement (557 000 $), celle de Hearst, seul établissement uniquement francophone en Ontario, est dernière (105 000 $).
UNIVERSITÉ DE CALGARY (ALBERTA) : 557 000 $
UNIVERSITÉ DE L’ALBERTA : 529 000 $
UNIVERSITÉ DE WESTERN ONTARIO : 521 000 $
UNIVERSITÉ DE GUELPH (ONTARIO) : 491 000 $
UNIVERSITÉ YORK (ONTARIO) : 486 000 $
UNIVERSITÉ RYERSON (ONTARIO) : 464 000 $
UNIVERSITÉ DE NIPISSING (ONTARIO) : 463 000 $
UNIVERSITÉ MEMORIAL DE TERRE-NEUVE : 460 000 $
UNIVERSITÉ DE TORONTO (ONTARIO) : 441 000 $
UNIVERSITÉ DE COLOMBIE-BRITANNIQUE : 438 000 $
États-Unis
428 000 $
en moyenne
Source : Chronicle of Higher Education, 2014
France
De 91 000 à 221 598 $
Source : Groupe AEF, agence d’informations spécialisées, 2014
Allemagne
De 185 000 et 195 000 $
Source : AEF ; il s’agit du salaire que l’on retrouve dans le land le plus peuplé (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), 2014