Séries LNH  Sénateurs d’Ottawa

« On a le cœur brisé »

OTTAWA — Il y a de ces journées où, même dans un aréna, le hockey passe en deuxième. Hier était l’une d’elles.

Les Sénateurs se sont certes entraînés ; une dernière séance avant d’amorcer la série de premier tour contre le Canadien. Mais dans les entrevues avec les joueurs, avec l’entraîneur-chef Dave Cameron, avec le directeur général Bryan Murray, il y avait un seul sujet de discussion : Mark Reeds, entraîneur adjoint de l’équipe, dont on a annoncé le décès hier matin après un long combat contre la maladie. Il avait 55 ans.

« C’est une journée difficile, a répondu un Cameron aux yeux bouffis, hier midi. Quand on a su que Mark était malade, on avait le cœur gros. Maintenant, on a le cœur brisé. C’était tout un père, un homme, un mari.

« C’est difficile, a-t-il ajouté, avant de prendre une longue pause, incapable de fixer son auditoire. C’est difficile. »

Drôle, mais discret, Reeds était aussi louangé pour sa grande compréhension du hockey. On a pu le constater dès sa première saison comme adjoint, en 2011-2012. Paul MacLean, entraîneur-chef à l’époque, l’avait mandaté de s’occuper des défenseurs. Au terme de la saison, Erik Karlsson remportait le trophée Norris.

« Il m’a changé dans plusieurs aspects. Il m’a vraiment aidé à devenir un meilleur défenseur », a commenté Karlsson, aujourd’hui capitaine des Sénateurs.

INSPIRATION

La fin de saison qu’ont connue les Sénateurs dépasse l’entendement. Leur fiche de 21-3-3 dans le dernier tiers de la saison en dit long.

Reeds a quitté l’équipe à la fin de février, quand cette folle séquence commençait. Son combat a-t-il servi de source d’inspiration ?

« C’est dur à mesurer, mais les gars étaient conscients de ce qui se passait, s’informaient presque tous les jours pour savoir comment il allait, a raconté Murray. On ne le sait pas. Mais évidemment, il y a eu de la magie ici en fin de saison. Pour jouer de la façon dont on a joué, on a eu plusieurs grandes performances de plusieurs joueurs. La famille est devenue très serrée, et le respect pour Mark était un élément. »

« Je crois que [Mark] s’accrochait jusqu’à ce qu’on assure notre place en séries et ensuite, il a pu se reposer. Il ne manquait pas nos matchs, même à l’hôpital. »

— Chris Neil

Et avant de partir, Reeds avait rendu une dernière visite à son équipe, le temps de s’adresser aux joueurs une dernière fois.

« Il nous a dit de tout gagner, se souvient le défenseur Marc Méthot. Il ne faut pas arrêter maintenant, juste parce qu’on vient de rentrer en séries. Notre but, c’est de gagner la Coupe Stanley. Dans les deux derniers mois, on a démontré qu’on a une bonne chance, une bonne équipe. »

Reste à voir comment les Sénateurs canaliseront l’émotion sur la patinoire. L’an passé, les Rangers de New York ont atteint la finale de la Coupe Stanley, et il était dur d’ignorer l’impact de la mort de la mère de Martin St-Louis, survenue pendant le deuxième tour. L’équipe s’était soudée, et St-Louis a joué du hockey inspiré.

MURRAY AUSSI…

La journée d’hier était particulièrement triste, comme c’est le cas quand la maladie emporte une personne trop jeune pour partir. Mais la situation était doublement triste pendant le point de presse de Bryan Murray.

C’est que le directeur général des Sénateurs se bat à son tour contre la maladie, lui qui est atteint du cancer du côlon. Malgré son combat, malgré les livres en moins, Murray poursuit son travail. Encore lundi, il était assis dans les gradins du Centre Canadian Tire, au milieu des journalistes, pendant l’entraînement de son équipe. Et hier, il a été le premier à s’adresser aux médias pour réagir à la mort de son ami.

« C’est la journée de Mark [hier], mais c’est difficile [pour moi]. Il a reçu le diagnostic un peu avant moi, et ça ne s’annonçait pas aussi grave. »

— Bryan Murray, directeur général des Sénateurs

« Il était demeuré très positif quand il avait été informé de la situation. On réalise à quel point chaque journée est précieuse. »

« C’est incroyable, tu vois rentrer Bryan dans le vestiaire, il est toujours positif, a raconté Méthot. Ça te fait réaliser que quand tu es blessé un peu, tu te fais mal un peu, ce n’est rien, c’est juste un jeu. On est vraiment chanceux d’être en santé et de faire ça chaque jour. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.