THÉÂTRE Critique

Un Macbeth jouissif à l’Usine C

Macbeth

De William Shakespeare, traduit par Michel Garneau. Mise en scène d’Angela Konrad.

À l’Usine C jusqu’au 10 octobre.

Quatre étoiles

Comme elle l’avait fait plus tôt cette année avec Richard III, qui avait pris les traits d’une metteure en scène tyrannique, Angela Konrad prend Shakespeare à bras-le-corps pour nous emmener sur de nouvelles terres. Cette fois, elle nous propose un Macbeth néo-baroque (le terme vient d’elle) jouissif, subversif, avec une touche punk, qui s’attarde entre autres au couple formé de Macbeth et Lady Macbeth.

Le spectateur commencera par froncer les sourcils à l’écoute des premières répliques de ce Macbeth très « québécois » : la metteure en scène d’origine allemande a en effet choisi la traduction de Michel Garneau (de 1978), qui a écrit ce texte dans une langue vernaculaire. Une fois passé le choc de cette « parlure », où Macbeth, par exemple, lance : « Faut que je me harnache ben raide pour venir à boutte de cet acte-là ! », on finit par se laisser porter par sa poésie.

On retrouve bien sûr les trois sorcières qui annoncent cette prophétie au général Macbeth : il sera le nouveau roi d’Écosse.

Émoustillée par cette prophétie, l’ambitieuse Lady Macbeth poussera son amoureux à assassiner le roi Dunan (son cousin) pour que son destin s’accomplisse. Puis, les assassinats se multiplieront jusqu’à ce que notre couple royal sombre dans la folie. Même si on pense souvent à père et mère Ubu, imaginés par Alfred Jarry pour parodier Macbeth et sa femme, Angela Konrad n’a pas choisi la voie de la farce, même si, par moments, elle effleure volontairement le genre.

Par exemple, nos trois sorcières prennent les traits de trois hommes en kilt, qui nous accueillent dès notre entrée en poussant des cris, en lançant des coussins et en faisant des courbettes. Gaétan Nadeau, Alain Fournier et Olivier Turcotte, qui interprètent une foule d’autres personnages, dont le chien Rex et même un rôti de porc (!), forment un trio infernal des « Sœurs fatales ». Tout le spectacle est construit autour d’eux.

TABLEAU VIVANT

Dans les rôles de Macbeth et de Lady Macbeth, Philippe Cousineau et Dominique Quesnel sont tout aussi efficaces. Cette dernière, toujours aussi glaçante dans des rôles dramatiques, illustre parfaitement toute l’ambition et la malveillance de cette femme de pouvoir. Dans une scène magnifique, elle prend même le micro pour chanter un hymne rock pendant que Macbeth, à l’arrière-scène, assassine son cousin.

La mise en scène d’Angela Konrad est inventive et traversée d’une multitude de fins détails qui contribuent à la création de cet immense tableau vivant, rempli de surprises.

La captation et la projection des scènes qui se passent dans les coulisses (derrière le mur du fond) sont particulièrement bien réussies. Le délire du couple royal, hanté par tous ses morts, dont celui des enfants et même d’un fœtus, est d’ailleurs assez dérangeant.

La scène finale est brillante. On ne vous révélera pas tous les détails, mais Angela Konrad crée une mise en abyme majestueuse (du théâtre dans le théâtre). La metteure en scène montréalaise confirme ici son talent d’adaptatrice en s’illustrant comme l’une des rares artistes capables de revisiter une œuvre totalement sans la trahir. Sans compromis non plus.

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