Deux matchs en deux soirs

Mission impossible ?

Les partisans du Canadien ont assisté à un phénomène rare cette fin de semaine : Carey Price a disputé deux matchs en 24 heures. Avec l’historique de blessures du gardien du Tricolore, on peut comprendre l’équipe de le ménager. Cela dit, ces séquences de deux matchs en deux jours sont-elles vraiment si difficiles pour les gardiens ? Épreuve des faits.

Guillaume Lefrançois La Presse

Méthodologie

Pour Price, nous avons amorcé notre recension au début de la saison 2013-2014, qui coïncide avec l’arrivée de Stéphane Waite comme entraîneur des gardiens du CH. Pour les autres gardiens de la LNH, nous avons seulement retenu les statistiques de la présente saison. Nous nous sommes limités aux cas où le gardien amorce les deux matchs. De cette façon, nous évitons les situations où le gardien numéro 1 devait avoir congé, mais a été appelé dans la mêlée en cours de match à la suite d’une contre-performance de son adjoint ou de l’équipe.

Corpus

Au cours des quatre dernières saisons, Price a donc amorcé deux matchs en deux soirs à huit reprises. Cette fin de semaine était une deuxième séquence du genre pour lui cette saison, mais il y avait des circonstances atténuantes la première fois : Michel Therrien l’avait retiré en milieu de match, ce qui avait donné lieu au regard-vu-partout-dans-le-monde. Bref, cette fin de semaine marquait donc la première fois que Price disputait en entier deux matchs en 24 heures. Sept des huit cas se sont produits en saison. L’autre a eu lieu lors des séries éliminatoires de 2015 contre le Lightning de Tampa Bay. Ailleurs dans la LNH, six gardiens ont disputé au moins cinq séries de deux matchs en 24 heures. Nous nous sommes donc concentrés sur ces gardiens.

Résultats

Les statistiques de Price sont excellentes lors d’un deuxième match en 24 heures. Son efficacité de ,935 est même supérieure à ses performances générales pendant la période étudiée (,928). Price présente aussi une fiche victoires-défaites positive (5-3-0) et il a remporté cinq de ses six derniers départs du genre. Curieusement, son efficacité est nettement plus basse dans le premier de deux matchs en 24 heures (,892).

Ailleurs dans la LNH

Si on se fie aux données de la saison en cours, Price n’est pas le seul gardien capable de livrer de solides performances avec un repos minimal. Connor Hellebuyck (Jets de Winnpeg) et Cory Schneider (Devils du New Jersey) ont excellé dans leurs cinq départs disputés le lendemain d’un match. Idem pour Cam Ward (Hurricanes de la Caroline), qui est d’ailleurs le gardien le plus souvent sollicité deux fois en deux soirs dans la LNH cette saison. Steve Mason (Flyers de Philadelphie) est celui dont le rendement a le plus souffert, mais il demeure une exception parmi nos six gardiens retenus.

Explication

Quand Jim Corsi était entraîneur des gardiens des Sabres de Buffalo, il s’était mis à calculer les tirs hors cible et les tirs bloqués par des défenseurs pour bien mesurer le volume de travail de ses protégés. Le concept lui a été emprunté et est devenu un outil de statistiques avancées, mais peu importe : Corsi avait justement élaboré cette mesure pour prendre une décision éclairée, par exemple, dans les cas de deux matchs en deux soirs. « Ça dépend de plusieurs facteurs, explique Corsi, qui était entraîneur des gardiens des Blues de St. Louis jusqu’au congédiement de Ken Hitchcock le mois dernier. Si tu es dans les 30 premiers ou les 30 derniers matchs de la saison, il y a une grosse différence. Si le match est aussi le troisième en quatre soirs, si tu voyages entre les deux matchs... » Corsi accorde beaucoup d’importance à ce dernier facteur. « On a l’avion nolisé, on mange bien, tout est première classe. Mais la plus grande difficulté aujourd’hui, ce sont les voyages. À la fin de la saison, quand le gardien a 75 000 km de déplacements en avion dans le corps, ça peut faire une différence. » D’ailleurs, en 2014, Price avait disputé deux séries de deux matchs en 24 heures, tout juste avant de s’envoler pour les Jeux olympiques. Coïncidence ou pas, il avait ramené une blessure comme souvenir de Sotchi.