Transports

Des chauffeurs sourds craignent le départ d’Uber

Ils sont plus d’une quarantaine à Montréal. Des chauffeurs d’UberX sourds ou malentendants, qui se servent d’une version adaptée de l’application d’Uber pour faire leur travail, demandent au ministre des Transports de tenir compte de leur réalité avant d’adopter son projet de loi 100.

« Il faut qu’Uber reste à Montréal, insiste Benoît Landry, un Montréalais de 53 ans sourd de naissance, devenu chauffeur d’UberX il y a un an. Il n’y a vraiment pas beaucoup d’entreprises qui ont une technologie permettant aux personnes sourdes comme moi de travailler », dit-il.

C’est sur Facebook qu’il a découvert l’an dernier qu’Uber permet aux personnes sourdes de travailler sur sa plateforme. La multinationale de San Francisco a même apporté quelques modifications l’année dernière au fonctionnement de son application pour leur rendre la vie plus facile (voir le reportage vidéo).

« Je fais toujours un petit signe de la main aux clients lorsqu’ils montent à bord. Ils comprennent immédiatement que je suis sourd, et on arrive assez vite à se comprendre, explique M. Landry. Dans le pire des cas, on peut s’envoyer des textos grâce à l’application. »

Le client a toujours le loisir de refuser le chauffeur qui lui est proposé. Mais dans les faits, la quarantaine de chauffeurs d’UberX sourds actifs à Montréal se font rarement rejeter par les clients. « Ces chauffeurs ont systématiquement des notes d’évaluation plus élevées que la moyenne de nos chauffeurs », assure Jean-Nicolas Guillemette, directeur général d’Uber Montréal.

« On reçoit beaucoup de commentaires. Les clients qui embarquent avec eux prennent la peine de nous écrire pour nous dire qu’ils trouvent ça vraiment cool qu’on les accommode. »

— Jean-Nicolas Guillemette, DG d’Uber Montréal

ÉCARTÉS D’EMBLÉE PAR LA SAAQ

Benoît Landry, qui travaille dans une banque pendant la semaine, craint maintenant que le projet de loi 100 sonne le glas du service d’UberX et de son boulot d’appoint. « Jamais je ne pourrais obtenir le permis de classe 4C que le gouvernement veut imposer, dit-il. La SAAQ exige qu’on passe un examen médical. Je serais écarté d’emblée », croit-il. L’organisme gouvernemental confirme d’ailleurs que les personnes souffrant de surdité complète ne sont pas admissibles au permis 4C. « À la rigueur, une personne souffrant d’une surdité partielle, qui entendrait environ 40 décibels, répondrait aux exigences », affirme le porte-parole Mario Vaillancourt.

Francis Patenaude, un autre chauffeur sourd d’UberX, s’inquiète aussi des répercussions du projet de loi 100 à l’étude à l’Assemblée nationale. « Uber pense beaucoup à nous, les personnes sourdes et malentendantes. C’est une entreprise qui m’aide à m’épanouir. Ça me donne un salaire d’appoint qui me permet de faire beaucoup de choses qui étaient impossibles dans le passé, à cause de l’accessibilité au marché du travail », dit-il.

Le taux de chômage est généralement assez élevé parmi les personnes souffrant d’une déficience auditive. Près d’une personne malentendante sur deux occupe un emploi, selon des données de la plus récente Enquête sur la formation et l’emploi en déficience auditive du Québec. Leur salaire moyen annuel oscillait autour de 19 000 $ en 2006.

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