Le courrier de la sommelière

Savoir boire les bulles

« Venez vite, je bois des étoiles ! » Ce sont les mots de dom Pérignon la première fois qu’il a trempé ses lèvres dans un vin mousseux. Le moine bénédictin, de l’abbaye de Hautvillers en Champagne (1668-1715), exprimait déjà de façon très juste la sensation que peut procurer un bon vin effervescent.

Les champagnes et les vins mousseux ont en effet un charme indéniable. Les bulles leur donnent un air de fête, mais leur confèrent aussi légèreté et élégance. Vins de célébration par excellence, ils se déclinent dans de nombreux styles et prix, du plus simple au plus complexe. Le champagne reste bien sûr une référence, même si, comme pour toutes les appellations, le nom en soi n’est pas toujours garant de qualité. Il existe aussi de très bons vins mousseux un peu partout ailleurs en France et dans le monde.

Les vins effervescents sont des vins à part entière : les considérations que nous avons par rapport aux autres vins (température, verres, etc.) sont aussi valables pour les bulles.

Nous avons abordé le sujet des verres dans la chronique du 12 décembre, mais, en gros, voici ce qu’il faut retenir : utilisez un verre à vin blanc pour une appréciation optimale.

Comme pour tout vin blanc, si le vin mousseux est servi trop froid, ses arômes ne s’exprimeront pas pleinement et son acidité sera exacerbée. Servi trop chaud, ses arômes disparaîtront et le vin manquera de tonus. La majorité des mousseux secs seront au mieux servis autour de 8 °C à 10 °C. Gardez en tête que la température d’un frigo est autour de 4 °C. Mais il vaut toujours mieux servir le vin un peu trop froid : il se réchauffera rapidement dans le verre. Et il est toujours intéressant de voir comment un vin évolue en se réchauffant. Trop chaud ? Plongez la bouteille dans un seau à glace (moitié glace, moitié eau) une trentaine de minutes.

Les vins effervescents très simples, les moins chers – des cavas et des proseccos, par exemple –, ainsi que tous les mousseux à petits prix seront au mieux servis bien frais, autour de 6 °C à 8 °C. Plus le vin est riche et complexe, plus il méritera une température élevée, sachant qu’en général, on dépasse rarement les 12 °C.

Que faire avec une bouteille entamée qu’on ne finit pas ? Le vieux truc de la cuillère en argent qu’on met dans le goulot ne sert strictement à rien. Par contre, il existe de très bons bouchons pour conserver les vins effervescents entamés. Vous les trouverez dans toutes les bonnes boutiques d’accessoires de vin autour de 10 $ à 20 $. Ils fonctionnent à merveille et permettent de conserver les bouteilles au moins un jour, sinon deux. Bien sûr, comme pour tous les vins, moins il en reste dans la bouteille, moins bien ils se conservent. Plus de raison de se passer d’un verre de bulles si vous êtes seul à en boire !

SERVIR DU MOUSSEUX À TABLE

Les vins mousseux secs sont parfaits pour l’apéritif : leur acidité généralement élevée fait saliver et ouvre l’appétit. De plus, leurs saveurs délicates sont idéales pour ouvrir le bal : elles ne satureront pas le palais avant de commencer le repas.

Mais les champagnes et les bons mousseux sont aussi parmi les plus grands vins de gastronomie qui soient. Leur faible taux d’alcool (ils dépassent rarement les 12,5 % d’alcool) et leur grande fraîcheur en font des vins très polyvalents à table.

Ils accompagnent avec bonheur les poissons et les fruits de mer. Selon l’intensité et la richesse du vin, on servira ces mets simplement poêlés ou grillés, avec un jus aux agrumes, un beurre blanc ou une sauce à la crème. Ils sont aussi parfaits pour accompagner de nombreux plats de légumes, comme plusieurs autres aliments qu’on qualifie parfois d’« ennemis » du vin : les salades, les plats qui contiennent des œufs ou de la vinaigrette. Ils font aussi merveille avec ce qui est gras, frit ou salé. Poissons, fruits de mer ou légumes en tempura ? Délicieux avec des bulles ! En toute honnêteté, un de mes plaisirs coupables est de boire du champagne avec des croustilles nature : gras, frit et salé.

J’aime beaucoup ce mariage d’un produit luxueux avec un produit qui l’est beaucoup moins. Mais on peut aussi lui donner un peu plus d’élégance en mélangeant des œufs de poisson à de la crème fraîche pour faire une trempette pour les chips.

Les bulles sont aussi un partenaire de choix pour des ris de veau, un poulet à la crème, des pâtes au saumon fumé. Il est donc tout à fait possible de faire un repas entier au vin mousseux. Même avec certaines viandes rouges : un magret de canard, surtout apprêté avec des griottes, des canneberges ou tout autre petit fruit rouge aigrelet, peut être renversant avec un bon champagne rosé.

Un vin mousseux riche et plus vineux sera tout à sa place avec le fromage. Privilégiez alors des pâtes molles à croûte fleurie ou des pâtes semi-fermes. Et quelle belle façon de terminer le repas sur une note fraîche et vivifiante, plutôt qu’avec un vin lourd et sucré !

Les possibilités d’accords sont très nombreuses, n’hésitez pas à expérimenter. Il faut simplement éviter, avec un vin mousseux sec, les saveurs sucrées et épicées. Un champagne sec pour accompagner le dessert ? Vraiment pas une bonne idée…

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