Consommation

Voudriez-vous plus ou moins de taxes ?

Êtes-vous trop taxé, ou pas assez ? Au moment de régler un achat, bien des consommateurs maugréent et penchent pour la première option, même si les Québécois paient moins de taxes que dans la moyenne des pays industrialisés. Mais de plus en plus d’experts en fiscalité prônent plutôt un rehaussement des taxes à la consommation, assorti de baisses d’impôts, comme ce que vient d’annoncer la Saskatchewan. Tour d’horizon d’un sujet incontournable… qui fait jaser depuis la Nouvelle-France.

De la Nouvelle-France au régime britannique

Dès les balbutiements de la Nouvelle-France, les habitants de la colonie doivent verser un cens – ou redevance – au seigneur qui possède leurs terres. Après le traité de Paris de 1763 et l’avènement du régime britannique, les autorités commencent à recourir aux droits de douane sur les produits manufacturés, ainsi qu’à des taxes sur l’alcool et le tabac, pour garnir ses coffres. Sans trop de surprise, le Québec est la première province canadienne à exercer son droit de taxation directe en 1882, par l’entremise d’une taxe sur le capital payé et sur les établissements commerciaux, rappelle un document d’information du ministère des Finances.

Multiplication des taxes

La première taxe de vente formelle – sur l’essence – remonte à 1924 dans la province, précise ce document. Suivent une taxe sur les repas au restaurant en 1926, un impôt sur le revenu des sociétés en 1932 et un autre sur les dividendes en 1939. L’impôt provincial sur le revenu des particuliers, instauré en 1940, est suspendu dès l’année suivante en raison de la Seconde Guerre. Le gouvernement libéral d’Adélard Godbout crée néanmoins cette année-là une première taxe de vente de 2 %, qui fluctuera pendant les décennies suivantes. Il faudra attendre 1954 pour que Maurice Duplessis rétablisse l’impôt provincial – et oblige les Québécois à remplir deux déclarations distinctes. La taxe sur les produits et services (TPS), fixée à 7 %, est créée par le gouvernement fédéral de Brian Mulroney en 1991.

5 % Taux actuel de la taxe de vente du Canada (TPS)

9,975 % Taux actuel de la taxe de vente du Québec (TVQ)

Produits exempts de TPS et TVQ

Produits alimentaires de base

Services de santé (transports en ambulance, consultations, diagnostics, etc.)

Droits et frais de scolarité

Location d’un logement

Achat d’une maison existante

Livres papier (la TPS s’applique toutefois)

Accro aux impôts

Des données publiées en janvier 2017 par la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke ont confirmé ce que bien des Québécois soupçonnaient : la province est littéralement accro aux impôts. Après le Danemark, le Québec arrive au second rang des États qui recourent le plus à l’impôt sur le revenu pour garnir leurs coffres. En revanche, ses taxes à la consommation sont inférieures à la moyenne des pays de l’OCDE. Un véritable déséquilibre qu’il faudrait corriger, dit le professeur de fiscalité Luc Godbout, qui a présidé la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, mise sur pied à la demande du gouvernement de Philippe Couillard en 2014.

« Il y a une trop forte dépendance à l’impôt sur le revenu. Dans la mesure où le gouvernement du Québec veut offrir plus de services publics, ou maintenir ses services, la Commission arrivait avec l’idée d’un redosage des impôts. On propose de diminuer les impôts sur le revenu et d’augmenter les taxes à la consommation. »

— Luc Godbout, directeur du département de fiscalité de l’Université de Sherbrooke

Pourquoi hausser les taxes ?

Parmi ses principales recommandations, la Commission pilotée par Luc Godbout suggère à Québec de faire passer le taux de la TVQ de 9,975 à 11 %, ce qui donnerait un taux global de 16 % avec la TPS. Le groupe de travail suggère aussi de hausser les taxes sur l’alcool, le tabac, les assurances et l’essence, ainsi que les droits d’immatriculation. En contrepartie, la province devrait accorder des baisses d’impôts de plus de 4,4 milliards aux particuliers et de 1,1 milliard aux sociétés. « Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’impôt sur le revenu a des effets sur le marché du travail, sur la volonté d’aller au travail, avance le fiscaliste. C’est ça que les taxes à la consommation corrigent. »

Effets concrets

Selon le rapport final remis au gouvernement Couillard en mars 2015, le « rééquilibrage » des taxes et des impôts aurait un effet dynamisant sur l’économie québécoise. La réforme pourrait permettre de créer 20 000 emplois et ajouter 2 milliards au PIB de la province, prévoit-on. Les Québécois seraient plus encouragés à rejoindre le marché du travail et les entreprises, plus enclines à créer des postes grâce à un fardeau fiscal moindre, fait-on valoir en somme. « Aussi étrange que cela puisse paraître », la réforme pourrait aussi permettre de régler une partie du problème du travail au noir, dit Luc Godbout. Car davantage de recettes du gouvernement proviendraient des taxes sur des produits que tous doivent inévitablement acheter, que leurs revenus soient déclarés ou pas. À ce jour, les travaux de la Commission sur la fiscalité n’ont pas entraîné de chambardement au ministère des Finances, selon le professeur.

« On ne peut pas dire que le rapport est “tabletté”. Il est encore une source d’inspiration à l’occasion pour les ministres des Finances, mais on peut dire que le cœur de la réforme n’a pas été abordé à ce jour. »

— Luc Godbout

Réponse de Québec

Au cabinet du ministre Leitão, on a fourni à La Presse un tableau montrant de quelle façon ont été implantées – ou pas – les 71 recommandations de la Commission sur la fiscalité. Certaines ont été mises en œuvre ou le seront bientôt, notamment certaines baisses d’impôts, l’élimination de la contribution santé ou encore la réduction de 11,9 à 10 % du taux d’imposition des sociétés. La proposition de rehausser la TVQ pour diminuer plus substantiellement les impôts est toutefois en suspens. « À la suite du dépôt du rapport, des consultations publiques ont été tenues en commission parlementaire et, au terme de ces dernières, nous avons pu constater qu’il n’y avait pas de consensus qui se dégageait pour la mise en place de cette recommandation », a souligné Audrey Cloutier, attachée de presse de Carlos Leitão.

À suivre : la Saskatchewan

La Saskatchewan a annoncé dans son budget 2017-2018 une mesure fort similaire à celle prônée par la Commission sur la fiscalité québécoise. La province réduira graduellement de 1 point de pourcentage le taux de l’impôt sur les sociétés et l’impôt des particuliers, tout en augmentant de 1 point sa taxe de vente provinciale, en plus d’éliminer certaines exemptions fiscales. Les économistes s’attendent à des effets positifs sur le PIB à terme… expérience qui pourrait peut-être servir de référence pour le Québec.

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