Opinion 

Vive le mot-clic #MoiAussi !

Au moment où les affaires Salvail et Rozon font les manchettes, la section Débats a demandé à des experts de préciser où, en 2017, se situent les limites à ne pas dépasser dans les milieux de travail.

La solidarité qui en émerge est fort salutaire pour plusieurs victimes.

Je me spécialise dans le traitement de victimes de traumas divers, dont les traumatismes secondaires au harcèlement et les traumatismes sexuels.

Les personnes qui consultent sont de tout milieu social, majoritairement des femmes, vivant les conséquences de sévices subis parfois plusieurs années auparavant. Sont présents divers symptômes persistants, comme l’insomnie ou de l’anxiété, qui ont des conséquences également sur la santé physique. Les difficultés relationnelles secondaires à ces traumas sont parfois dévastatrices.

On peut pose un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique, mais aussi de dépression, d’anxiété généralisée, de troubles de panique, entre autres. Une personne peut être asymptomatique des années, puis présenter des symptômes à la suite d’un déclencheur, par exemple les situations dévoilées récemment par des personnalités publiques.

La détresse déjà importante est donc ravivée par la médiatisation et les processus judiciaires.

Sans compter que la personne est parfois exclue de la famille à la suite d’une dénonciation.

La route est très difficile pour ces victimes ; peu de gens saisissent l’importance incroyable du soutien qu’ils peuvent leur offrir. 

Reconnaître la douleur de leur situation, la peur qui ronge les victimes, les émotions qui jaillissent à des moments inopportuns est important : le reconnaître et soutenir, pas juste une fois, plusieurs fois. Il est maladroit, sinon toxique, de supposer que la victime l’a cherché, qu’elle n’aurait pas dû faire ceci ou cela.

REPENSER LES RELATIONS 

Suivant les dénonciations actuelles, comment penser le futur de nos relations ?

La question est délicate et la réponse ne peut être universelle.

Nos sensibilités sont hétérogènes, multiples, selon la personnalité, l’éducation sexuelle (absente de nos écoles) et les expériences de chacun.

Les hommes et femmes qui sont déjà respectueux et sensibles le demeureront et seront même plus attentifs aux messages non verbaux de leur interlocuteur, interlocutrice, si le refus n’est pas verbalement explicite.

Pour ceux qui ont de la difficulté à faire respecter leurs limites, il faudra prévoir du soutien sous diverses formes, des messages clairs et répétés de la part de tous les employeurs et de la société en générale.

Tous, hommes et femmes, peuvent et doivent participer au message et aux dénonciations : le harcèlement et l’agression sous toutes formes sont, seront intolérables.

Des cours ciblés (conséquences traumatiques, offerts entre autres en France) aux personnes en autorité, par exemple aux magistrats et aux avocats aideraient sans doute à l’amélioration des services aux victimes*.

Par ailleurs, la responsabilité des événements sexuels non désirés de tous ordres est entre les mains du harceleur ou de l’agresseur. Quelqu’un pour qui « NON » n’est pas une réponse, qui refuse de reconnaître les malaises qu’il provoque, qu’il soit sobre ou non, est responsable. 

Souvent, sa cible, surprise, sera sidérée et ne pourra pas se défendre. C’est une des réactions biologiques normales possibles en cas d’agression.

REPRENDRE LE POUVOIR

Il est important finalement de préciser qu’on peut reprendre le pouvoir sur son parcours. Selon la situation, le diagnostic, divers traitements (psychothérapeutiques et pharmacologiques) sont indiqués.

Les psychothérapies des états de stress post-traumatiques recommandées par les guides de pratique sont la thérapie cognitive comportementale avec accent sur le trauma et l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing.)

La psychothérapie peut être accessible (elle devrait l’être bien davantage) dans divers services du réseau de la santé.

Il faut vous s’adresser au besoin aux services psychosociaux de votre CLSC, à votre médecin.

Ou, pour éviter les (trop) longues listes d’attente, aux services privés de psychologues ou autres thérapeutes accrédités. Les traitements cités plus haut sont habituellement des thérapies de courte durée (environ douze semaines). Si cela vous est possible, faites-vous ce cadeau.

(Sur le site de l’ordre des psychologues, on peut trouver les personnes qui pratiquent ce genre de thérapies, ou encore via le site emdr.com)

Enfin, il y a aussi les services du CAVAC (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels).

Je le répète : le soutien de l’entourage est primordial, entre autres par la reconnaissance du tort subi.

Toute la communauté gagne – économiquement mais encore davantage par l’intégrité de son tissu social  – à prévenir avec vigueur la survenue de traumatismes.

Toute la communauté gagne aussi à soutenir et aider les personnes qui vivent avec les conséquences d’un trauma, que celles-ci participent à un mouvement de solidarité public ou non.

La bonne santé émotionnelle est une partie essentielle d’une bonne santé globale.

Aux victimes et à leur réseau de soutien, je souhaite courage et détermination.

Vous n’êtes plus seuls.

* (Je me rends disponible !)

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