Soins dentaires

Des soins plus abordables avec des hygiénistes autonomes pour

Le Québec pourrait épargner 1 milliard en 10 ans en dépenses publiques et privées pour les soins bucco-dentaires si les hygiénistes dentaires pouvaient pratiquer de façon autonome et si le gouvernement investissait dans la prévention, plaide l’Ordre des hygiénistes dentaires du Québec.

« Le coût élevé des soins dentaires empêche 2 millions de Québécois de consulter le dentiste », dit Diane Duval, présidente de l’ordre, s’appuyant une vaste étude dévoilée hier et qui calcule les conséquences économiques et sur la santé de cette situation.

Les hygiénistes dentaires revendiquent depuis longtemps le droit de pratiquer sans être sous l’autorité d’un dentiste, comme c’est le cas dans les autres provinces canadiennes (sauf à l’Île-du-Prince-Édouard). Des services préventifs à moindre coût seraient bénéfiques pour la santé de la population, pour leur portefeuille ainsi que pour les finances publiques, disent-elles.

Un comité d’experts mandaté par l’Office des professions s’est déjà prononcé en faveur de ce changement. La suite dépendra des élus.

PEUR DU DENTISTE

Les Québécois fréquentent moins le dentiste que les autres Canadiens. Pourtant, ils dépensent plus en frais dentaires.

PERSONNES DE 45 ANS ET PLUS AYANT CONSULTÉ UN PROFESSIONNEL DES SOINS DENTAIRES AU COURS DES 12 MOIS PRÉCÉDENTS 

56 % au Québec

71 % dans le reste du Canada

DÉPENSES MOYENNES EN SOINS DENTAIRES 

406 $ au Québec

307 $ en Ontario

350 $ au Canada

CARIES COÛTEUSES

Le Québec est la province canadienne détenant le plus haut pourcentage de caries dentaires : 42 % des enfants québécois présentent au moins une carie lorsqu’ils commencent la maternelle.

Selon l’Ordre des hygiénistes dentaires, 5700 enfants subissent annuellement une intervention chirurgicale dentaire sous anesthésie générale à l’hôpital pour des caries multiples. Coût pour l’État : 16,5 millions, sans compter les opérations en cliniques privées payées par le système public, pour lesquelles les parents doivent payer de 250 à 300 $ en plus. Les enfants des quartiers pauvres subissent quatre fois plus d’interventions chirurgicales que ceux des quartiers plus aisés.

Seulement le tiers des enfants du primaire à risque élevé de carie ont reçu des agents de scellement sur leurs dents permanentes, grâce au programme de santé dentaire en milieu scolaire. Pour les 10 prochaines années, s’il investit 14,5 millions en prévention dans les écoles, le gouvernement pourrait épargner 82,5 millions.

MINORITÉ ASSURÉE

Pour les familles recevant de l’aide sociale, les soins dentaires sont payés par l’État. Certaines assurances collectives remboursent une partie des frais de dentiste, mais les Québécois sont moins nombreux que les autres Canadiens à bénéficier de tels régimes.

ASSURANCE COUVRANT LES FRAIS DENTAIRES CHEZ LES 45 ANS ET PLUS 

39 % au Québec

61 % au Canada 

8,1 milliards

Dépenses consacrées aux dentistes par les compagnies d’assurance au Canada 

Les travailleurs à faible revenu ne sont pas admissibles aux soins dentaires gratuits comme les bénéficiaires de l’aide sociale, mais ils occupent rarement des emplois qui offrent une assurance dentaire. Ou alors, l’écart entre le coût total d’un service dentaire et la partie remboursée par l’assureur dépasse leur capacité de payer. Le taux de caries des enfants des familles aux revenus les plus faibles est deux fois et demie plus élevé que celui des familles mieux nanties.

62 100

Nombre de journées d’absence au travail chaque année au Québec dû aux maladies dentaires, ce qui entraîne des pertes économiques de 12,2 millions

DES CLINIQUES MOBILES

Il existe 400 bureaux privés d’hygiène dentaire au Canada, dont 200 en Ontario. Près de la moitié de ces cabinets offrent des services mobiles à domicile ou dans les résidences pour personnes âgées.

Leurs tarifs seraient 30 % inférieurs à ceux des bureaux de dentistes.

130 $/heure

Frais moyens pour les services rendus par l’hygiéniste dentaire dans un cabinet privé de dentiste, contre 87 $/heure en moyenne pour une hygiéniste dentaire indépendante 

Le Bureau de la concurrence s’était prononcé en faveur de ce changement, il y a 10 ans : « L’instauration de la concurrence sur un marché jusque-là monopolistique entraînera une diminution des prix, soulignait-il. Les services d’hygiène dentaire génèrent des revenus qui sont largement supérieurs à leurs coûts pour le dentiste. Les revenus nets générés par les hygiénistes dentaires qui travaillent chez des dentistes représentent un puissant incitatif économique pour les dentistes de restreindre la capacité des hygiénistes dentaires de leur livrer concurrence sur le marché. »

INVESTIR POUR MIEUX SOURIRE

Selon l’Ordre des hygiénistes dentaires, l’État et la population profiteraient largement d’investissements dans des programmes de prévention et d’une plus grande indépendance des hygiénistes pour qu’elles offrent des services indépendants.

256,5 millions

Investissements sur 10 ans dans divers programmes de prévention

402,5 millions

Bénéfices pour l’État

474,2 millions

Bénéfices pour la population

88,8 millions sur 10 ans

Bénéfices pour la population de la présence d’hygiénistes dentaires indépendantes, ce qui pourrait aller jusqu’à 254 millions si on calcule que des soins préventifs éviteront ensuite des traitements curatifs plus coûteux

Entre 965,5 millions et 1,1 milliard

Bénéfices totaux pour l’État et la société de ces deux propositions

LES DENTISTES EN DÉSACCORD 

Un comité d’experts, mandaté par l’Office des professions pour suggérer des modernisations aux soins bucco-dentaires, a recommandé de permettre aux hygiénistes dentaires de pratiquer sans la supervision d’un dentiste dans son rapport dévoilé en 2012.

L’Association des chirurgiens dentistes du Québec (ACDQ) a vertement critiqué cette suggestion. Il s’agit d’un « recul marqué et inacceptable en regard de la qualité des soins auxquels a droit la population. En plus, elle compromet l’efficacité des cabinets dentaires privés », a écrit l’ACDQ dans un document remis à l’Ordre des dentistes.

Selon l’association, « l’accès aux soins dentaires pour l’ensemble de la population est exemplaire », sauf pour les personnes en perte d’autonomie. Des publicités de l’ACDQ diffusées actuellement à la télévision insistent d’ailleurs sur le rôle central du dentiste.

Le ministre de la Santé et la ministre de la Justice, responsable de l’Office des professions, doivent faire connaître leurs orientations à ce sujet au cours des prochains mois.

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