À l’étude

Dépister la fibrose kystique dès la naissance

Jusqu’à cet été, le Québec était le seul territoire en Amérique du Nord à ne pas faire de dépistage néonatal de la fibrose kystique. Cette nouveauté améliore la qualité et la durée de la vie des 30 à 40 Québécois qui naissent chaque année avec cette maladie. La Presse s’est entretenue avec un pneumologue de l’Hôpital de Montréal pour enfants qui a publié en 2016 l’étude ayant mené à la décision d’approuver le test néonatal ici.

Le contexte

En 2007, l’Alberta est devenue la première province à dépister systématiquement la fibrose kystique. Depuis 2015, quand les Maritimes ont mis sur pied un programme commun de dépistage, toutes les provinces ont emboîté le pas. Toutes, sauf le Québec, qui vient cette année de lancer son programme de dépistage néonatal de cette maladie. « Nous étions les derniers au Canada et aux États-Unis, explique Larry Lands, de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Nous avions publié en 2016, dans le Journal of Cystic Fibrosis, une étude sur les bénéfices du programme canadien en Alberta et en Ontario. Mais l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a tenu à faire sa propre étude, alors le dépistage n’a été autorisé qu’en 2017. Le programme a été lancé cette année. »

La genèse

« Plus on traite tôt, plus on améliore l’espérance de vie et la qualité de vie, explique le pneumologue montréalais. On commence à voir les premiers médicaments qui corrigent le problème de base et il y en a d’autres en développement. On va commencer à traiter à moins de 2 ans, c’est vraiment une bonne nouvelle. À la naissance, on peut détecter les cas les plus sévères avec une goutte de sang prise dans le talon du bébé. On mesure le taux d’une enzyme appelée IRT (trypsine immunoréactive) produite par le pancréas. Si le pancréas est bouché à cause de la fibrose kystique, il y a plus d’enzyme. Avec un test positif, on fait un deuxième test, un panel génétique utilisé depuis une quinzaine d’années au Québec quand on soupçonne qu’un enfant est atteint de fibrose kystique. On vérifie 72 mutations, dont celles qui sont les plus courantes au Québec. Si je compare avec d’autres programmes de dépistage, qui généralement incluent de 40 à 50 mutations pour le panel génétique, on couvre un plus grand spectre ici. Il y a 300 mutations liées à la maladie, mais la plupart sont très, très rares. » La fibrose kystique touche 1 personne sur 3000 à 4000 et attaque notamment les poumons. Un diagnostic génétique est parfois offert durant la grossesse aux couples qui ont des cas de fibrose kystique dans la famille, ou si certains signes de la maladie, des intestins bouchés par le méconium, sont visibles à l’échographie.

Ce que révèle l’étude

L’étude de 2016 du Dr Lands a suivi pendant six ans 300 enfants nés entre 2008 et 2013 en Alberta et en Ontario. Ils étaient tous atteints de fibrose kystique et les deux tiers avaient reçu leur diagnostic juste après la naissance. Après six ans, jusqu’à deux fois plus d’enfants qui n’avaient pas eu de diagnostic à la naissance avaient eu une infection bactérienne grave et avaient été hospitalisés chaque année. La taille et le poids des enfants qui avaient reçu un diagnostic à la naissance étaient également beaucoup plus proches de ceux des enfants non malades. « Avant le dépistage néonatal, seulement 15 % des patients avaient un diagnostic durant la grossesse ou à la naissance, à cause d’un problème intestinal important », explique le Dr Lands.

Et maintenant ?

« Pour le dépistage, il y a des études sur une option de rechange à l’IRT qui s’appelle PAP (protéine associée à la pancréatite), une autre enzyme pancréatique qui est possiblement plus sensible que l’IRT, dit le Dr Lands. Du point de vue du traitement précoce de la fibrose kystique, pour ceux qui ont deux copies de la mutation de lF508 (50 % portent deux mutations), une étude avec le médicament correcteur Orkambi chez les enfants ayant 1-2 ans commencera plus tard à l’automne. Les autres correcteurs et traitements pour le défaut fondamental sont à un stade moins avancé. »

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