TENDANCE

La « révolution » des soutiens-gorges

Sans armature, sans coutures, réversible, pour toutes les morphologies, confortable, mais stylé avec un prix concurrentiel : le milieu de la lingerie féminine est en pleine effervescence pour répondre aux besoins intimes des femmes qui peinent à trouver le bon soutien-gorge. Coup de génie ou de marketing ?

Avec sa nouvelle gamme de lingerie Savage x Fenty, lancée au printemps dernier, la chanteuse Rihanna propose un vaste éventail de tailles en offrant des soutiens-gorges allant du 32A au 42DD, du XS au XXXL. Des soutiens-gorges confortables, mais aussi des corsets sexy. Son objectif : offrir une lingerie qui convienne à toutes les femmes, toutes les poitrines, toutes les morphologies, toutes les couleurs de peau et toutes les envies. En moins d’un an, 1,4 million de personnes ont commencé à suivre la marque sur Instagram. Mais la star n’est pas la seule à vouloir révolutionner le monde de la lingerie. Depuis quelques années, une panoplie d’entreprises tentent de conquérir ce marché et de séduire les consommatrices.

La société canadienne Knix, établie à Toronto, a lancé il y a deux ans sa gamme de soutiens-gorges sans armature en se vantant d’offrir le modèle le plus confortable du monde à un prix raisonnable (68 $) : l’Evolution Bra peut être porté de huit façons (réversible, croisé, etc.), se veut performant, antibactérien et sèche rapidement. Le produit a connu un succès monstre avec une campagne des plus lucratives sur la plateforme Kickstarter, amassant 1 million et 55 000 $ en précommandes. Or, en lisant les avis publiés sur leur site, on constate que de nombreuses femmes ayant une poitrine plus forte ne l’ont pas trouvé aussi « magique » qu’elles l’espéraient.

De son côté, Pepper, une entreprise américaine, cible uniquement les petites poitrines avec le Pepper All You Bra, dont les tailles vont du 36AA au B. On promet des soutiens-gorges que les femmes ayant une poitrine menue pourront remplir sans avoir à les bourrer de push-up, tout en se sentant féminines et à l’aise.

À l’opposé, Trusst Lingerie, une société menée par deux ingénieures, veut révolutionner les soutiens-gorges de grande taille, en remplaçant les armatures par des éléments technologiques en 3D, tout en offrant des produits attrayants, avec support et confortables.

Un réel besoin

Pourquoi un tel engouement depuis quelques années dans le monde des dessous féminins ? Tout simplement parce que beaucoup de femmes ne trouvent pas de confort et de maintien dans les modèles existants, estime la corsetière Mélanie Méroz, qui affirme avoir déniché le bon soutien-gorge à plus de 1000 clientes. Qu’est-ce qui cloche dans l’industrie ?

La styliste personnelle et experte en branding personnel Isabelle Gauvin constate qu’en matière de soutiens-gorges, les femmes n’ont pas de repères. Et multiplier les offres ne fait que les mêler davantage, estime-t-elle. Sans oublier qu’excepté dans des boutiques spécialisées en lingerie, dont les produits sont souvent plus chers, les clientes reçoivent peu de conseils. « Mes clientes ne savent pas où aller, ne savent pas quoi acheter, elles sont perdues. Et elles ne connaissent plus leur grandeur parce que des joueurs ont tout mélangé, comme Victoria’s Secret », déplore la styliste. Les femmes savent que le soutien-gorge peut rehausser un vêtement et avantager la silhouette, « mais c’est un casse-tête pour elles », dit-elle. Résultat : elles sont nombreuses à éviter d’en magasiner.

« Beaucoup d’entreprises vont développer un aspect, mais pas toujours en connaissance de cause. Au Québec, on est dans les bralettes depuis quelques années, mais elles n’offrent pas de support. C’est un peu un accessoire. Ça rejoint une niche. »

— Mélanie Méroz, corsetière

Mélanie Méroz constate que les sociétés d’ici innovent moins que les entreprises européennes et américaines. « Ici, je remarque encore qu’une taille banale comme du 32C, on n’en trouve pas facilement dans les magasins, alors qu’on devrait. Aux États-Unis, on trouve du 32DDD, du 34DDD, avec la marque américaine Bali par exemple, mais on n’a pas ces tailles ici. Il faut aussi adapter le marché à une nouvelle réalité : les jeunes filles commencent à avoir des seins plus tôt et, à 15 ans, beaucoup portent déjà du E ou du F. »

La corsetière demeure toutefois critique devant ces nouvelles marques qui prétendent révolutionner le soutien-gorge, comme ceux sans armature. « C’est sûr et certain que ça répond à un besoin. Comme les femmes sont tannées d’acheter un soutien-gorge qui ne fait pas, le sans-armature, c’est l’outil facile vers lequel elles vont se tourner. On cible la masse en simplifiant l’ajustement. C’est du marketing. Mais les modèles de Knix n’ont presque pas de profondeur dans les bonnets. Si le sein est allongé, très profond, il n’y aura pas assez de place. Un soutien sans armature va donner une silhouette plus large et carrée au niveau du buste, parce qu’on uniformise le sein. Et s’il n’y a pas de coutures, ça aplatit les seins, à moins d’une coquille qui donnera une forme. Le principal avantage des modèles sans armature est que ça évite de se retrouver avec une armature sur les côtés et de se sentir comprimée, donc ça va offrir un confort d’une certaine façon. »

Modifiant la manière dont les tailles sont présentées, plusieurs sociétés utilisent une échelle petit, moyen, grand ou 1, 2, 3, 4, 5. Chez Knix, la taille 2 correspond à 32C, 34B et 36A. « On cherche à régler un problème en simplifiant, analyse Mme Méroz. Mais il faudrait un tour et un bonnet qui correspondent à notre morphologie pour être plus performant en ce qui concerne le confort et le fit. Par exemple, si on est 32 de tour, mais forte de poitrine, il faut aller vers les grandes tailles, donc L ou XL. Mais le tour ne sera pas bon, car il sera grand. Quand on essaie de vendre un produit pour trois tailles, il y a une taille qui va écoper. Un produit censé faire du A et du B, ce n’est pas très possible. »

Finis, les push-up ?

Selon Mélanie Méroz, corsetière, le push-up peut être avantageux, mais tout dépend de la façon dont il est conçu. « Beaucoup n’ont pas assez de volume vers le haut. Avoir trop de push-up, coussiné jusqu’en haut, comme on en trouve chez La Senza, ce n’est pas bon. Un push-up progressif peut être une bonne option, c’est un rembourrage de plus en plus petit vers le haut. Victoria’s Secret en fait beaucoup. Mais il faut choisir la bonne taille : si je suis un bon B et que je vais vers un B avec push-up, mon sein va manquer de place, puisque le rembourrage prend de la place dans le bonnet. Il faut alors aller vers un C. Beaucoup de femmes ne savent pas qu’elles doivent augmenter d’une lettre. »

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