Astronomie

Un télescope pour « écouter » le ciel en entier

L’Université McGill inaugure aujourd’hui en Colombie-Britannique un engin unique au monde qui permettra de mieux détecter certains phénomènes rares. Nos explications.

Tout le ciel

« Normalement, un télescope pointe vers un endroit précis du ciel », explique Matt Dobbs, astrophysicien de l’Université McGill qui s’occupe, avec des collèges des universités de Toronto et de la Colombie-Britannique, du radiotélescope « Expérience canadienne de cartographie de l’intensité de l’hydrogène » – CHIME, selon l’acronyme anglais. « Les antennes de CHIME vont regarder partout dans le ciel. Habituellement, les astronomes doivent se chicaner entre eux pour décider où pointer les télescopes. Ce ne sera plus nécessaire. » Les 1000 antennes de CHIME, réparties sur quatre demi-cylindres, vont générer autant de données en une seconde que tous les réseaux de téléphonie cellulaire du monde entier dans toute l’année 2014.

L’évolution de l’Univers

Depuis Einstein, on sait que l’Univers est en expansion. Mais, en 1998, des chercheurs ont découvert que le taux d’expansion de l’Univers est de plus en plus rapide. « Ils ont reçu le Nobel de physique pour ça en 2011, dit Matt Dobbs. Ça remet en cause les équations qui expliquent l’Univers. Les données de CHIME pourraient nous permettre de les ajuster. On saura aussi si l’expansion de l’Univers aura une fin, dans plusieurs milliards d’années. »

L’un des 10 plus rapides

L’ordinateur de CHIME sera l’un des 10 plus rapides au monde. « Mais c’est un peu difficile de faire la comparaison, précise Vicky Kaspi, une autre astrophysicienne de McGill. Normalement, la vitesse des superordinateurs est calculée sur la base d’opérations à 32 nombres, alors que le nôtre est conçu pour des opérations à quatre nombres. Nous l’avons optimisé pour nos besoins spécifiques. Ce n’est pas comme gérer des appels téléphoniques. Nous savons exactement quelle antenne communique avec l’ordinateur en tout temps. » Le projet CHIME a été lancé en 2009, un prototype a été construit en 2013 et la construction du site final a commencé en 2015.

Pas de cellulaires

CHIME a été installé à l’Observatoire du Dominion, à Pentington, parce qu’il est particulièrement bien protégé des ondes. Sur le territoire entourant l’observatoire, les quelques habitations privées ne peuvent pas avoir de four à micro-ondes ni de téléphones cellulaires, par exemple. De plus, le lieu, situé entre Vancouver et les Rocheuses, est entouré par des montagnes.

Sursauts rapides

Vicky Kaspi est une spécialiste des « sursauts radio rapides » (FRB, selon le sigle anglais), qui seront étudiés avec un autre instrument de CHIME, encore en construction. « C’est un phénomène causé par une émission à très haute énergie, qui ne dure que quelques millisecondes, dit Mme Kaspi. Le premier FRB n’a été détecté qu’en 2007. On a plusieurs théories sur ce qui les cause. On s’attend à en voir entre quelques-uns et quelques douzaines par jour. Les FRB ont généralement été observés à des fréquences beaucoup plus hautes, 1,4 GHz. Un seul a été détecté à 800 MHz. » L’ajout de l’instrument de détection des FRB, décidé en 2013, n’a causé que quelques mois de retard au projet CHIME. « On a dû ajouter plus de puissance de calcul pour faire simultanément deux opérations, chercher dans le ciel et créer une image du ciel. »

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