Montréal veut le « gros lot »
Les villes de partout en Amérique du Nord, dont Montréal, ont été invitées hier par Amazon à participer à un concours dont le prix, véritable « gros lot », sera un investissement pouvant aller jusqu’à 5 milliards de dollars pour la création d’un nouveau siège social.
Le géant du monde technologique a suscité la frénésie dans les bureaux d’institutions gouvernementales partout aux États-Unis, au Canada et probablement même au Mexique, hier matin, en rendant publique son intention d’investir dans la création d’un second siège social dans la ville nord-américaine qui se rendrait la plus désirable.
Amazon avance que ce nouveau siège, baptisé « HQ2 » pour l’instant, pourrait employer jusqu’à 50 000 personnes d’ici 10 ou 15 ans et qu’elle pourrait investir jusqu’à 5 milliards de dollars américains dans sa construction. Ce siège social serait l’égal, en taille et en importance stratégique, de celui d’où elle dirige actuellement ses activités, à Seattle. Les gestionnaires de chacune de ses divisions auraient la liberté de s’installer dans l’un ou l’autre.
Pour le vice-président, Investissement Grand Montréal de Montréal International, Stéphane Paquet, l’appel d’offres lancé hier par Amazon représente un véritable « gros lot ».
« C’est un peu comme quand le 6/49 est rendu à 52 millions de dollars, illustre-t-il. Est-ce que tu dépenses un 2 $ pour participer ? C’est un projet qui pourrait changer la face de l’économie des technologies de l’information à Montréal. »
Le maire de Montréal, Denis Coderre, a quant à lui écrit en après-midi, sur Twitter, qu’il avait « bien l’intention » de convaincre Amazon de s’établir chez lui, tout comme celui de Toronto, John Tory.
Déjà hier, Montréal International était à pied d’œuvre pour préparer une réponse.
« On a de bonnes relations avec Amazon, indique M. Paquet. C’est très vaste comme entreprise, mais nous avons de très bonnes relations avec leurs gens de centres de données, ce qui nous a ouvert des portes dans d’autres divisions. »
L’an dernier, Amazon a choisi Montréal pour y implanter son cinquième centre de données en Amérique du Nord, son premier au Canada.
Le délai imposé pour le dépôt des candidatures est court. Les régions désireuses de soumettre un projet ont jusqu’au 19 octobre, dans six semaines, pour le faire. Une liste de finalistes devrait ensuite être établie et une décision sera prise quelque part en 2018.
L’appel d’offres d’Amazon établit une longue liste de critères auxquels satisfaire. Il faudra d’abord offrir un terrain capable d’accueillir 8 millions de pieds carrés d’espace de bureaux. À titre de référence, l’ensemble des cinq édifices qui constituent la Place Ville Marie totalisent environ 2,6 millions de pieds carrés.
Amazon se dit ouverte à toutes les options, du terrain vague d’environ 4,3 millions de pieds carrés à des terrains comportant déjà des édifices qui pourraient être réaménagés. En revanche, ledit terrain devra se trouver tout près d’une autoroute, être accessible directement en transports en commun et ne pas être éloigné de plus de 45 minutes de l’aéroport.
Des terrains de ce genre existent-ils dans le Grand Montréal ? « Oui, mais il n’y en a pas 250 », affirme M. Paquet.
L’entreprise fondée par Jeff Bezos établit aussi une liste de critères touchant l’agglomération : environnement d’affaires stable et abordable, disponibilité de la main-d’œuvre, qualité des universités, présence d’incitations fiscales, qualité de vie, etc. Ce sont pour la plupart des critères pour lesquels Montréal est généralement bien classé.
Il y a une exception : Seattle est mentionnée comme la première ville vers laquelle il serait « important » d’avoir des vols directs quotidiens, ce que n’offre pas Montréal-Trudeau pour le moment.
« C’est l’ensemble de Québec inc. qui va déposer un projet, estime M. Paquet. Nous allons parler aux gens qui peuvent offrir des dessertes aériennes. »
L’appel public de candidatures lancé par Amazon survient par ailleurs au moment où les crédits d’impôt offerts à des entreprises étrangères de technologies sont remis en question au Québec, note M. Paquet.
« Voilà un cas concret où une entreprise met des pays, des villes ou des régions en concurrence et demande : “Qui veut m’avoir ?” Là, c’est public, mais dans d’autres dossiers, privément, c’est la même chose. Le moment est bon pour illustrer le débat dans lequel certains veulent nous lancer. »