Bibliothèques publiques

Témoignages d’amour

Robert Lepage, India Desjardins ou Samian : 25 personnalités publiques diront haut et fort leur affection pour les bibliothèques publiques dans une nouvelle campagne qui sera diffusée essentiellement sur les réseaux sociaux à compter du mois de novembre. « Au primaire, la professeure avait annoncé : “Les élèves qui réussiront moins bien la dictée iront passer l’après-midi à la bibliothèque.” Je m’étais donc appliquée… à rater ma dictée ! Pour moi, la bibliothèque a toujours été une récompense », dira par exemple l’auteure India Desjardins dans son témoignage. Cette campagne s’inscrit dans la foulée de la Déclaration des bibliothèques québécoises, qui a été lue mercredi matin à l’Assemblée nationale par le ministre de la Culture. — Josée Lapointe, La Presse

Serge Lamothe

Le passeur

Automne occupé pour le poète, romancier et dramaturge Serge Lamothe qui publie un huitième roman (Mektoub) et un troisième recueil de poésie (Ma terre est un fond d’océan).

Serge Lamothe mène toujours de front deux projets de livre et un autre (théâtre, cinéma ou opéra) en même temps. C’est une question de nourriture philosophique, poétique, dramatique. Il est ce passeur entre les mondes et les modes d’expression.

Son roman Mektoub (« C’était écrit » en arabe) sort en même temps que son recueil de poésie Ma terre est un fond d’océan. Dans les deux cas, l’écrivain invite le lecteur à réfléchir à la condition humaine à une époque où le superficiel l’emporte sur le fond.

« On peut tartiner en surface tant qu’on voudra, il y aura toujours des gens pour se questionner et aller sous la surface. Si on ne publiait plus du tout de poésie, il se trouverait encore des gens pour en écrire sur des bouts d’écorce ou dans la pierre. Je garde foi en cette humanité qui sera toujours en quête d’elle-même et d’un sens à donner à l’expérience humaine. »

Mektoub

Dans son roman Mektoub, l’auteur nous ramène à l’année 1976, celle des Jeux olympiques, de l’élection du Parti québécois. Une année où il était encore permis de rêver. Tout le roman se passe comme dans un rêve, celui d’une rencontre impossible entre un homme et une femme. Entre destin et libre arbitre autour d’un accident fatal.

« Comment rendre une histoire très crédible même si, sur le fond, il y a des choses carrément impossibles ? Elle meurt dans son monde à lui et il meurt dans son monde à elle. Comment peuvent-ils se rejoindre ? On sait que c’est impossible, mais on y croit. C’était le défi que je me suis posé au départ. »

L’individuel et le collectif sont impliqués dans le questionnement de l’auteur qui avoue ne pas avoir de réponse. Il suggère des possibilités, mais laisse la décision au lecteur.

« Il y a une vraie quête de sens, sur le destin et le sens de la vie dans le livre. Apparemment, notre civilisation s’en va dans le mur, est-ce qu’on peut changer les choses ? Je n’ai pas vraiment de réponse, mais je crois que la question mérite qu’on s’y arrête. »

L’amour

« C’est aussi l’histoire d’un amour impossible, poursuit-il, comme le sont tous les grands amours romantiques. J’ai essayé de traduire dans cette histoire d’amour impossible une réalité contemporaine, celle de l’immense solitude dans laquelle on vit. » 

Les relations humaines, donc. Mais l’avenir aussi de la planète l’intéresse vers la fin du livre.

« Ça fait partie de la trame narrative, mais c’est comme une pause dans le roman. Pour voir ce que le siècle nous réserve quant au réchauffement climatique, la démographie, l’économie… C’est un exercice périlleux. Dans 50 ans on pourrait dire que Lamothe a un peu dérapé, mais je n’invente rien là-dedans. Les défis qui attendent l’humanité sont colossaux. »

Poésie

La première partie de son recueil de poésie, Ma terre est un fond d’océan, se veut d’ailleurs engagée, voire enragée.

« Le roman, c’est prendre quelqu’un par la main et, sans tout lui dire parce qu’il doit faire son travail aussi, l’amener quelque part. La poésie, c’est un espace de liberté différent. »

— Serge Lamothe

« Je peux envoyer un crochet du gauche au lecteur et lui donner une petite caresse en passant. On peut être plus direct avec le lecteur de poésie qui s’attend à des images-chocs. »

La poésie permettrait de « matérialiser les choses ». « Il y a deux manières dans le recueil : une partie engagée et une autre qui aborde le rapport à l’autre. À la fin survient une sorte d’apaisement d’inspiration bouddhiste. Je renonce à la rage. Je crois que chaque individu peut donner un sens à sa vie sans se le faire imposer. »

Vases communicants

Serge Lamothe parle de vases communicants. Entre poésie et prose. Entre les mondes du rêve et la réalité.

« La vie est un songe. Est-ce qu’on rêve notre vie ou est-ce que la vie est un rêve ? Quand on meurt, est-ce qu’on se réveille ou on s’endort pour de bon ? L’instant présent a une qualité d’éternité. Il n’est présent que de manière relative. L’instant a toujours été là et on peut présumer qu’il le sera toujours dans une certaine dimension. »

Il cherche à « déjouer l’usure des mots ». Dans la multitude de livres qui se publient, il veut « aller au-delà de la mode pour garder sa voix, sa manière ».

Mektoub

Serge Lamothe

Alto

194 pages

EXTRAIT

« Nos vies, nos mondes à nous. Des vies possibles, des vies pleines et sans retour. Nos cathédrales de papier bruissant comme des feux de paille. Nos voyages immobiles sur le radeau du temps perdu, à nous chercher dans le regard de l’autre.

« Aimer et être aimé. Juste ça. Comme une chose inscrite dans le tout premier atome de la dernière envolée. C’est toute la joie retrouvée par mégarde, tout le bonheur échappé de nos mains déchirées. Revenus de tout, des méandres de nos solitudes et des soifs sauvages de nos corps. »

Ma terre est un fond d’océan

Serge Lamothe

Mémoire d’encrier

78 pages

EXTRAIT

« la mer intérieure n’a plus de secret / au-delà du bleu perce le sang fugitif / auquel ton cri ne répond plus »

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