finances publiques

Objectif péréquation zéro

« Ce que je veux dire aux Québécois, c’est qu’un gouvernement de la CAQ va viser la péréquation zéro, a déclaré François Legault. Un gouvernement de la CAQ va éliminer l’écart de richesse avec le reste du Canada. » 

Vous souvenez-vous de la dernière fois qu’un politicien québécois a demandé moins d’argent d’un programme fédéral et non plus ? Probablement pas. Parce que cela arrive très rarement. C’est pourtant ce qu’a fait François Legault, chef du deuxième groupe d’opposition à l’Assemblée nationale. 

Dès ces paroles prononcées, le chef caquiste s’est attiré les moqueries du gouvernement Couillard et même de certains chroniqueurs politiques. Comme si la dépendance chronique du Québec envers ses partenaires de la fédération était inéluctable. Comme si c’était une fatalité à laquelle les Québécois ne pouvaient pas échapper. 

Et s’il existait un exemple d’une province, à quelques milliers de kilomètres à l’ouest, qui s’était récemment affranchie de cette dépendance ? Ce cas de figure existe bel et bien, il s’agit de la Saskatchewan. 

Avant de se pencher sur la réussite économique de cette province, faisons un portrait rapide de la péréquation. 

La péréquation est un programme fédéral qui sert à envoyer l’argent des provinces plus riches – historiquement l’Alberta et l’Ontario – aux gouvernements des provinces plus pauvres, comme le Québec et les provinces de l’Atlantique. Ce programme s’inscrit dans l’engagement énoncé dans la Constitution canadienne de donner à tous les gouvernements provinciaux les moyens « d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable ». 

Le Québec, en raison de sa relative pauvreté, a reçu des paiements de péréquation de 91,6 milliards de dollars au cours de la dernière décennie. Les 11 milliards de dollars versés au gouvernement du Québec cette année correspondent à 10 % de ses revenus totaux. À la lumière de ces données, peut-on vraiment concevoir un Québec économiquement autonome ? 

Il n’y a pas si longtemps, il était encore plus difficile de s’imaginer une Saskatchewan autonome. En effet, de 1988-1989 à 2007-2008, cette province a été considérée comme une province pauvre 19 années sur 20. 

Les dirigeants de la province acceptaient leur sort, déclarant en haussant les épaules que leur situation financière serait toujours précaire. 

En 1993, 10 % des revenus du gouvernement saskatchewanais provenaient de la péréquation. Les journaux avaient rapporté que la province n’arriverait peut-être même pas à honorer sa dette. Roy Romanow, alors premier ministre de la Saskatchewan, a compris qu’il fallait agir. 

Le premier ministre a décidé de prendre des mesures décisives. De 1991-1992 à 1993-1994, il a réduit les dépenses de 3,5 % en moyenne par année. Bref, une véritable austérité. Ce ne fut d’ailleurs pas une tâche facile. 

Les coupes budgétaires avaient permis de résorber le déficit et de stabiliser la crise, mais c’est à la mesure prise par la suite que la province doit sa croissance de la dernière décennie. La Saskatchewan a fait passer le taux d’imposition des sociétés de 17 à 12 % dans le budget 2006-2007. 

Le PIB de la Saskatchewan a d’ailleurs connu une hausse de 60 % entre 2006 et 2011. Les réductions d’impôt massives ont fait croître l’économie et rempli les coffres du gouvernement. Les recettes fiscales des sociétés de la province ont explosé de près de 168 % au cours de cette même période (ajustées en fonction de l’inflation). 

Évidemment, les prix élevés du pétrole et de la potasse ont joué un rôle important dans cette première phase de croissance, mais malgré les récentes chutes de prix, la Saskatchewan a su faire preuve de résilience et demeurer autonome. Mais le fait demeure, la Saskatchewan avait fait le choix de la richesse en développant ses ressources naturelles. 

En 1993, tout discours suggérant que la Saskatchewan puisse survivre sans péréquation aurait été qualifié d’insensé. Aujourd’hui, cela fait plus de dix ans que cette province des Prairies ne reçoit plus aucun paiement de péréquation. 

Aujourd’hui, les Saskatchewanais jouissent d’un rapport de force renforcé au sein de la fédération en profitant de toute la fierté et la dignité de leur autonomie.

Pourquoi pas le Québec ? Après tout, son budget de fonctionnement est équilibré. Des compressions de dépenses modérées suffiraient à alléger le fardeau fiscal et ainsi à créer de l’emploi et à renforcer l’économie. Malgré les récentes baisses d’impôts du gouvernement Couillard, le Québec demeure bien au-delà de la moyenne canadienne en ce qui a trait au poids du fardeau fiscal sur les contribuables. 

Finalement, peut-être que l’objectif de M. Legault n’a rien d’insensé. Peut-on croire que le Québec puisse être aussi prospère que les autres provinces, que les Québécois puissent être aussi productifs que leurs voisins ? L’ambition du chef de la CAQ de libérer le Québec de sa dépendance à la péréquation n’est que l’expression d’une confiance justifiée envers sa province et en ses compatriotes québécois.

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