ÉDITORIAL ARIANE KROL

Carambolage mortel à LavaL
Un cocktail explosif

Quatre morts, une quinzaine de blessés, des carcasses de véhicules calcinés, des témoins sous le choc : aussi horrible soit-il, le carambolage meurtrier qui a paralysé un tronçon de l’autoroute 440 Ouest lundi après-midi n’a pas causé de grande surprise à ceux qui connaissent le secteur. Des remises en question s’imposent.

Les circonstances exactes restaient encore à préciser en fin de journée hier, mais en attendant de pouvoir dire ce qui, exactement, a déclenché cet accident, on a déjà une bonne idée des conditions dans lesquelles il s’est produit.

Automobilistes et camionneurs qui empruntent régulièrement cette section de l’A440 Ouest, travailleurs qui ont une vue imprenable sur les environs : rarement a-t-on vu autant de gens se manifester si rapidement pour témoigner des dangers d’une portion du réseau routier.

Les accrochages ne sont pas rares sur ce tronçon qui précède la sortie pour l’autoroute 15. Et c’est sans compter les collisions évitées de justesse, entend-on de toutes parts.

En seulement quatre ans, de 2014 à 2018, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a recensé 40 accidents avec blessés légers et 117 autres impliquant uniquement des dommages matériels.

L’endroit n’est toutefois pas considéré comme accidentogène par le MTQ, car celui-ci tient compte d’autres facteurs dont la fréquence des collisions par rapport à la circulation et leur gravité.

Or, il s’agit de l’échangeur le plus achalandé du Québec avec un trafic équivalent à celui de l’échangeur Turcot, et même plus élevé par moments. On parle de 300 000 véhicules par jour au total pour les deux autoroutes en cause (440 et 15) dans les deux directions, et en incluant l’ensemble des voies de desserte. Et les collisions sont plus souvent le fait de véhicules qui se tamponnent que de face-à-face – dont une seule mortelle et deux autres avec blessures graves en quatre ans, fait valoir le MTQ.

N’empêche, le drame de lundi a beau compter pour un seul évènement dans les statistiques et impliquer « seulement » des véhicules qui se tamponnent, il a fait quatre morts et au moins 15 blessés.

Ça ne peut pas être considéré comme un malheureux accident. On est plutôt devant un cas probable qui n’attendait qu’une occasion pour se produire.

En attendant les rapports d’enquête de la Sûreté du Québec (SQ) et du coroner, la ligne pleine qui interdit de changer de voie sera rapidement prolongée afin d’inciter les conducteurs à se ranger à droite plus tôt avant la sortie, a annoncé François Bonnardel hier. Le Ministère souhaite également une surveillance accrue de la SQ pour faire respecter ce marquage.

Les changements de voie hasardeux de la part des automobilistes, effectués à la dernière minute ou en empiétant sur la zone de freinage des camionneurs, sont effectivement fréquents sur ce tronçon.

Mais il ne faut pas oublier que les comportements routiers sont souvent influencés par la configuration des lieux. Si les automobilistes disposent d’une trop courte distance pour se rendre à leur sortie et que la densité du trafic réduit encore davantage leur marge de manœuvre, les probabilités qu’ils coupent les autres augmentent considérablement.

Penser qu’il suffira de les raisonner pour changer le comportement de la majorité d’entre eux est aussi irréaliste qu’improductif.

Québec peut bien affirmer que ce n’est pas l’aménagement de cet échangeur, mais le trafic accru qui pose problème, ça n’avance à rien. Le volume de circulation devrait en effet continuer à augmenter au cours des prochaines années, estime la firme WSP dans un rapport publié l’an dernier.

Un secteur surchargé qui fait grimper le niveau d’impatience tout en laissant moins de place à l’erreur ? Le cocktail est tout simplement explosif.

Que faire pour rendre cette zone sécuritaire ? C’est la question que Québec ne peut plus se permettre d’ignorer et à laquelle il devra bientôt fournir de vraies réponses.

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