De mystérieux sifflements dérangent les usagers du métro

Une centaine de plaintes ont été formulées à la STM

Vous les avez peut-être entendus. Ils sont aigus, agaçants et donnent une vague ambiance de film d’horreur aux trajets de métro. De mystérieux – et dérangeants – sifflements entendus dans les voitures Azur ont généré près d’une centaine de plaintes à la Société de transport de Montréal (STM), qui dit travailler à corriger la situation.

« Depuis plusieurs mois, je remarque un sifflement aigu, puissant et assourdissant dans les nouveaux trains du métro. Je dois me boucher les oreilles lorsqu’on est en mouvement parce que le son est extrêmement fort », affirme Jonathan Jarry, communicateur scientifique à l’Université McGill, qui fait partie de ceux qui ont écrit à la STM pour obtenir des explications.

Cet habitué du métro précise entendre les sifflements sur la ligne verte, entre les stations Lionel-Groulx et McGill, lorsqu’il voyage dans un train Azur. Les sifflements se produisent en queue de train. Il juge le son « extrêmement déplaisant ». Une tournée de La Presse dans le métro a permis de constater que le phénomène est facile à entendre dans la dernière voiture des trains Azur. L’intensité du son y est effectivement forte et dérangeante, même si les usagers y semblent habitués.

gravier dans le métro

La STM est bien au courant du problème, disant avoir enregistré 95 plaintes à ce sujet cette année.

« Le sifflement que l’on peut entendre dans les trains Azur est provoqué par l’évacuation de l’air se trouvant à l’intérieur de celui-ci », explique Isabelle Alice Tremblay, conseillère en affaires publiques à la STM. Elle assure que le bruit « n’a aucune incidence sur la sécurité du système roulant ».

Ironiquement, ce problème a été créé par des initiatives visant à en régler un autre.

L’hiver dernier, les trains Azur ont connu des problèmes à cause du gravier utilisé comme abrasif sur les trottoirs. Ces petites roches se fixent aux bottes des usagers, qui les font entrer dans le métro. Elles peuvent finir par bloquer les portes des nouvelles voitures en se coinçant dans leur mécanisme.

Le consortium Bombardier-Alstom, qui a construit les trains Azur, est intervenu en modifiant les patins situés au bas des portes. La stratégie a permis de réduire significativement la fréquence des blocages.

« Par contre, nous avons remarqué […] qu’avec les nouvelles pièces sur les portes, il y a une restriction d’air qui fait en sorte qu’il y a un sifflement parce que l’air a de la difficulté à sortir du train », explique la porte-parole Isabelle Alice Tremblay.

Dérangements hors pointe

Le phénomène s’explique simplement. Les trains Azur sont de type « boa », c’est-à-dire que l’air circule librement d’une voiture à l’autre. Lorsque le train accélère, l’air se retrouve poussé en queue de train. Le hic est que les nouveaux patins contre le gravier nuisent à son évacuation. Lorsque l’air sous pression finit par s’échapper, il crée les fameux sifflements.

« Lorsqu’il y a moins de gens à bord du train, on entend ce phénomène davantage, et pas du tout lorsque le train est bondé, en pointe. »

— Isabelle Alice Tremblay, conseillère en affaires publiques à la STM

Cela s’explique par le fait que les usagers font obstacle au flot de l’air vers la queue du train.

La STM affirme que le consortium Bombardier-Alstom a été mis au courant de la situation et a même déjà trouvé une solution. « Ils doivent revenir à la STM pour l’implantation de cette solution sur l’ensemble du parc », dit Mme Tremblay, qui n’a pu fournir de détails sur la solution en question ni d’échéancier pour son application.

Au pic de la sensibilité de l’oreille

À l’aide de l’application mobile Decibel X, La Presse a observé qu’un métro peu bondé génère approximativement entre 80 et 82 décibels (dB) lorsqu’il est en mouvement. Quand les sifflements se font entendre, l’intensité sonore grimpe jusqu’à 88 dB (soit un peu moins que le bruit d’une tondeuse à gazon). « Il s’agit d’une augmentation significative », commente Benoît Jutras, directeur des programmes en audiologie à l’Université de Montréal. L’expert rappelle que les décibels se mesurent sur une échelle logarithmique ; chaque augmentation de 3 dB signifie que l’intensité sonore a doublé. Notons que les sifflements se font surtout entendre lors de l’accélération du train, ce qui fait qu’il est difficile de distinguer le niveau de bruit attribuable à l’accélération normale de celui attribuable aux sifflements. 

Les sons se produisent entre environ 2200 et 3000 Hz, selon les mesures fournies par l’application Decibel X. Or, ces fréquences correspondent au pic de sensibilité de l’oreille humaine.

« L’oreille est sensible à ces fréquences, confirme Sylvie Hébert, professeure à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal. De plus, la fréquence de résonance du canal auditif est autour de 3500-4000 Hz, ce qui amplifie la perception autour de ces fréquences. »

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