Des experts en santé publique préviennent que la Chine ne réussira peut-être pas, malgré les efforts draconiens en cours, à contenir la propagation du nouveau coronavirus apparu dans le pays en décembre.
Gaston De Serres, médecin épidémiologiste rattaché à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), a indiqué mardi en entrevue qu’il existe un risque « élevé » que ce scénario se matérialise et débouche à terme sur une pandémie rappelant celle provoquée en 2009 par le virus A (H1N1).
Selon une étude parue dans The Lancet en 2012, cette pandémie a tué 285 000 personnes dans le monde. À titre comparatif, 650 000 décès découlent chaque année de troubles respiratoires dus à la grippe saisonnière, selon l’Organisation mondiale de la santé.
Si le coronavirus « n’est pas contrôlé là-bas, il va frapper à la grandeur de la planète », souligne le Dr De Serres, qui s’inquiète notamment de l’augmentation rapide du nombre de cas recensés sur le territoire chinois.
Chaque fois qu’une personne est contaminée, il faut la placer en isolement, identifier ses contacts et les alerter par rapport aux risques encourus, une tâche qui devient rapidement « monstrueuse » à mesure que le nombre de cas augmente, relève-t-il.
Une augmentation prolongée du nombre de cas en Chine permettrait au virus de déborder largement les frontières, malgré les mesures de contrôle mises en place par plusieurs pays, ajoute le spécialiste.
Les questions qui demeurent relativement aux caractéristiques du virus, incluant sa durée d’incubation et la facilité avec laquelle il peut se transmettre, compliquent l’analyse de la situation, prévient-il.
« C’est prématuré de lancer la serviette », prévient le Dr De Serres, qui fait écho, par ses mises en garde sur les risques de propagation à grande échelle du virus, à d’autres chercheurs.
« Malgré les efforts énormes et admirables en Chine et ailleurs sur la planète, il faut prévoir la possibilité que le virus ne puisse être contenu », a indiqué il y a quelques jours sur Twitter Neil Ferguson, qui modélise la propagation de maladies infectieuses à l’Imperial College de Londres.
En entrevue avec le quotidien The Guardian dimanche, le chercheur a indiqué qu’il y avait probablement déjà 100 000 personnes contaminées à l’échelle de la planète.
Les autorités chinoises, dans leur plus récent décompte, parlaient hier de 5974 cas de contamination et de 132 morts. La vaste majorité de ces cas ont été recensés en Chine. Une quinzaine d’autres pays ont signalé au total une soixantaine de cas.
Le nombre d’infections par le nouveau coronavirus (2019-nCoV) en Chine continentale a dépassé celui de l’épidémie de SRAS dans le pays en 2002-2003, selon les chiffres officiels publiés mercredi.
Optimisme
Le Dr Karl Weiss, microbiologiste rattaché à l’Hôpital général juif, est résolument plus optimiste quant aux chances de succès du gouvernement chinois.
« Ils ont décidé de tout mettre en œuvre pour réussir. Seront-ils capables de contenir le virus à la longue ? Je pense que oui », a indiqué mardi le spécialiste, qui met en garde contre les analyses « alarmistes ».
Le fait que la plupart des cas recensés en Chine demeurent concentrés dans la région de Wuhan, où la crise a débuté, et qu’un nombre limité de cas ont été recensés à l’étranger démontrent que les mesures donnent des résultats, dit-il.
L’évolution de la situation dans les deux prochaines semaines sera cruciale, ajoute le Dr Weiss, qui s’attend, si les contrôles fonctionnent, à ce que le nombre de cas recensés commence à plafonner durant cette période.
Mardi, un scientifique chinois cité par l’Agence France-Presse, Zhong Nashan, a déclaré que l’épidémie pourrait atteindre un pic « d’ici à environ une semaine ou dix jours ».
Le gouvernement chinois a demandé mardi à la population de reporter les voyages à l’étranger, alors que plusieurs pays touchés par la crise annonçaient leur volonté de renforcer les contrôles frontaliers.
Hong Kong a notamment annoncé une fermeture partielle de sa frontière et la réduction de moitié des vols en provenance de la Chine continentale.
Les préoccupations sur les risques de propagation à l’étranger ont été renforcées par la détection des premiers cas de transmission entre humains survenant hors de Chine. Ils ont été signalés par le Japon et l’Allemagne.
La Colombie-Britannique a indiqué mardi qu’un homme d’affaires de Vancouver ayant récemment séjourné à Wuhan avait été contaminé par le coronavirus, devenant le troisième cas confirmé au Canada. Un couple vivant dans la région de Toronto a aussi été touché.