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Grande table pour petits cœurs sensibles

Il y avait dans l’air plus que de la magie de Noël au restaurant Europea, dimanche matin. Le chic établissement a accueilli près de 75 enfants suivis par la direction de la protection de la jeunesse (DPJ), le temps d’un brunch des Fêtes. Au menu : distribution de cadeaux, photobooth et repas trois services, au grand plaisir des jeunes invités pour qui le temps des Fêtes peut être une période difficile, passée loin de leur famille.

Dimanche matin, l’une des tables les plus courues de la métropole avait laissé de côté son ambiance feutrée et sophistiquée pour une atmosphère bien différente, placée sous le signe de la générosité. L’évènement annuel, un partenariat entre le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et Jérôme Ferrer, du restaurant Europea, en est à sa quatrième année d’existence.

Des friandises Kinder Surprise, des tonnes de chocolats et une avalanche de bonbons recouvraient le bar du spacieux restaurant, connu pour sa cuisine haut de gamme. On avait troqué le caviar et le homard à la truffe pour des viennoiseries, des pizzas et des plats débordant d’une recette de poutine réinventée par Jérôme Ferrer et son équipe.

Plusieurs invités, des jeunes peu susceptibles de passer le réveillon en famille, lançaient des regards ébahis autour d’eux à leur entrée. Tous avaient les yeux pétillants.

« Venir ici, c’est énorme. On m’annonce du jour au lendemain que je suis invitée dans un grand restaurant et que je vais recevoir des cadeaux », a dit Zoé, rayonnante de bonheur.

« J’avais les larmes aux yeux en rentrant, parce que ça ramène beaucoup de souvenirs, la période des Fêtes. Mais ça, c’est un souvenir heureux. »

— Zoé

Peu d’adultes présents ont pu contenir leurs émotions. Jérôme Ferrer le premier. Ému aux larmes, le chef était ravi de démocratiser la haute gastronomie pour l’intégrer dans la vie de ceux qui en profitent le moins.

Depuis quatre ans, il ouvre les portes de son restaurant. « Le temps des Fêtes, c’est le moment de penser aux autres, aux gens qui n’ont pas eu les mêmes chances que nous dans leur début de vie. Ça fait du bien de recevoir ces jeunes. Je ne demande rien, c’est mon cadeau », explique-t-il.

Gabriel, un des jeunes placés en unité d’hébergement, caresse l’ambition de devenir chef cuisinier. Hier, une surprise l’attendait. L’adolescent passera une journée complète dans les cuisines du restaurant Europea, où M. Ferrer et son équipe lui apprendront les rudiments du métier. « Je suis tellement heureux. Je ne m’y attendais pas. Que ma passion pour la cuisine se soit rendue jusqu’aux oreilles de Jérôme, c’est extraordinaire », a-t-il dit, l’air radieux.

Donner au suivant

Pour la plupart de ces enfants, un sentiment d’abandon refait surface pendant la période des Fêtes. « Ça peut leur rappeler des moments difficiles dans leur famille. Aujourd’hui, les enfants sont à leur place. Tout ce qu’ils font, c’est sourire et être heureux », a souligné Annie Bastien, directrice adjointe du programme jeunesse du CIUSSS du Centre-Sud.

Tous les jeunes, âgés de 5 à 17 ans, ont écrit une lettre au père Noël, en incluant une liste de cadeaux. La distribution de présents est l’œuvre de Michaël Maltais et de son conjoint Mike Keating. Ils ont célébré leur union en septembre dernier. Au lieu de cadeaux de mariage, ils ont demandé des dons en argent, amassant environ 15 000 $. Cette somme a financé l’achat de cadeaux personnalisés cette année.

« Est-ce que je peux l’ouvrir ? » demande une fillette de 9 ans d’un ton hésitant, l’air timide. On lui répond que oui, l’immense paquet emballé avec soin placé devant elle lui est destiné. Lorsqu’elle découvre la poupée qu’elle désirait, un immense sourire se forme sur son visage.

Peu après, les cris d’une jeune fille ont résonné jusqu’aux cuisines. Le sourire aux lèvres, elle admire une paire d’Air Max Thea rouge flambant neuve. Un modèle prisé de chaussures Nike qu’elle espérait recevoir.

Lettres touchantes

Michaël Maltais a adopté sa fille il y a presque 10 ans, par l’entremise des services sociaux. Elle aurait pu faire partie, elle aussi, des enfants présents hier.

Il a lu toutes les lettres adressées au père Noël. Il se rappellera longtemps celle d’un petit garçon venu de Russie, abandonné par son père à son arrivée au Québec. Une fillette lui a fait le récit troublant de son père qui s’est donné la mort et de sa mère alcoolique.

« C’est vraiment venu me chercher. J’emballais les cadeaux avec ma fille pour des enfants qui n’allaient pas passer Noël en famille. »

— Michaël Maltais

Il a parcouru pendant des semaines les grandes surfaces pour être certain de tout avoir, des chaussures Vans aux jeux vidéo en passant par les Lego et les mini-consoles de jeu.

« Tout le monde est très touché de partager ce moment avec les enfants. On veut faire en sorte qu’ils célèbrent. Cette occasion est une chance de leur faire sentir qu’ils sont l’objet d’une attention particulière », explique Assunta Gallo, directrice de la protection de la jeunesse du CIUSSS du Centre-Sud.

Une matinée où l’esprit des Fêtes n’était pas défini par les cadeaux aux dimensions impressionnantes ou les tables bien garnies, mais par le fait qu’aucun des jeunes ne tenait ce moment pour acquis.

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