C'EST NORMAL, DOCTEUR ?

Quand la constipation bloque la route des toilettes...

Virus, blessures, infections ou maladies : les enfants connaissent leur lot de petits bobos et de plus grands maux. Chaque deux semaines, Pause éclaire les parents sur la santé des enfants.

Il arrive souvent que les enfants se retiennent d’aller à la selle à la garderie ou à l’école. Est-ce grave ? La docteure Valérie Marchand, pédiatre-gastroentérologue au CHU Sainte-Justine et professeure agrégée au département de pédiatrie de l’Université de Montréal, répond à la question.

D’abord, il faut préciser que beaucoup d’enfants sont constipés. Cette proportion représente 3 % des consultations chez les pédiatres et 25 % des consultations chez les gastroentérologues, souligne la Dre Marchand. « Typiquement, ça peut commencer avec l’introduction d’aliments solides, explique-t-elle. Ou avec l’enseignement de la propreté. Ou encore quand il y a un changement dans leur routine, comme l’entrée à la garderie ou à l’école. »

Même une fois la routine établie dans les services de garde ou les établissements scolaires, il arrive que les enfants se retiennent d’aller à la selle, pour différentes raisons. « Il y a des enfants qui sont trop occupés à jouer pour y aller, souligne-t-elle. Et ça se peut qu’ils ne se sentent pas à l’aise ou en sécurité. Ou qu’ils n’aiment pas s’essuyer tout seuls. » 

« On a des patients qui n’aiment pas que les autres entendent le bruit ou n’aiment pas que les autres sentent les odeurs. Ils sont très self-conscious. Mais il y a aussi des adultes qui ne sont pas à l’aise d’aller à la selle au travail. »

— Valérie Marchand, pédiatre-gastroentérologue au CHU Sainte-Justine

Doit-on s’inquiéter si son enfant ne va jamais à la selle à la garderie ou à l’école ? « S’ils y vont régulièrement à la maison, mais pas à l’école ou à la garderie, ce n’est pas grave. Par contre, si un enfant a envie, il ne faut pas que l’éducatrice ou l’enseignante lui dise de ne pas y aller », répond la pédiatre-gastroentérologue.

Le hic lorsque les enfants se retiennent un peu d’aller à selle pour une raison ou une autre, c’est que lorsqu’ils iront ensuite aux toilettes, « la selle sera dure, ça leur fera un peu mal, alors après, ils se retiendront parce qu’ils ont peur que ça fasse mal, prévient-elle. Et plus ils se retiennent, plus ça va faire mal. Et plus ils ont mal, plus ils se retiennent. Et le cycle est commencé ». Dès 9 mois environ, les tout-petits peuvent se retenir pour éviter d’avoir mal.

Symptômes à surveiller

Ce n’est pas parce qu’un enfant ne va pas à la selle tous les jours qu’il est constipé. Si, par exemple, l’enfant fait régulièrement une selle molle tous les deux jours, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Mais s’il ressent une douleur lorsqu’il va aux toilettes, s’il a mal au ventre, s’il est ballonné ou s’il y a du sang dans ses selles ou sur le papier hygiénique, mieux vaut consulter un médecin, conseille la Dre Marchand.

« C’est très rare que les enfants aient une maladie sous-jacente. La plupart du temps, c’est de la constipation fonctionnelle, dit-elle. Mais ça affecte beaucoup la qualité de vie des parents et des enfants. Plus on prend en charge rapidement et adéquatement, moins le problème va perdurer. »

Trois trucs pour réduire la constipation

L’ alimentation

Lorsqu’un enfant est constipé, la première étape est de modifier son alimentation en introduisant plus de liquides, de fruits, de légumes et de fibres. Le jus de pruneau aide aussi à contrer la constipation. « Mais le problème, c’est que quand on en donne longtemps, le corps s’habitude et ça ne fonctionne plus », avance la Dre Valérie Marchand. Mieux vaut donc en donner ponctuellement.

En faire une habitude

On intègre le fait d’aller à la selle dans la routine quotidienne. Car « on a un réflexe gastro-colique : quand l’estomac se remplit, l’intestin doit se vider. On essaie donc de profiter de ça chez l’enfant. On conseille aux parents d’asseoir l’enfant sur la toilette après le souper, par exemple », explique-t-elle. Et d’en faire une habitude. Astuce : lorsque l’enfant est assis sur la toilette, on veille à ce que ses pieds touchent par terre, sinon « il ne pourra pas bien forcer ». On peut aussi placer un banc sous ses pieds pour l’aider.

La poudre laxative

Si la situation ne change pas, on peut se tourner vers les poudres laxatives. « Le Lax-A-Day [ou son générique PEG3350] fonctionne très bien. C’est une poudre inodore, incolore, qui ne change pas la texture du liquide et ça se lie avec l’eau. On peut en donner sur le long terme. » L’objectif : que l’enfant (ré)apprenne à aller à la selle et ne se retienne pas pour éviter d’avoir mal. Le médicament, qui facilite l’expulsion des selles, est en vente libre. « Mais pour avoir la bonne dose et les conseils, c’est mieux qu’un médecin l’explique aux parents », soutient la pédiatre-gastroentérologue. Pour que le traitement fonctionne, il faut une constance. Plusieurs mois peuvent être nécessaires, quitte à diminuer la dose au fur et à mesure, souligne la Dre Marchand.

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