Chronique

Tout allait trop bien

Comme une bonne pluie en été, après des semaines de canicule, le recul boursier vient d’arroser les parquets. Personne ne devrait être surpris aujourd’hui de la baisse de plus de 4 % de la Bourse américaine. Depuis le temps qu’on s’attendait à un repli. Le voilà enfin !

Vous savez, on était dus. L’indice MSCI qui reflète la performance de tous les pays du monde avait grimpé de 17,5 % en 2017, enfilant 14 mois consécutifs de hausse, sans l’ombre d’une séance quotidienne avec un recul majeur. Le calme plat. C’est comme si la volatilité s’était évanouie. Comme si le risque avait déserté la Bourse. Tout allait trop bien.

Il est vrai qu’on profite d’une croissance économique synchronisée à travers le monde comme on n’en avait pas vu depuis 10 ans, que les entreprises font de l’argent comme de l’eau et que les taux d’intérêt demeurent faibles, malgré la normalisation qui a débuté.

Mais après huit ans de hausse, la Bourse était devenue très dispendieuse. Sans oser descendre du train qui roulait à toute vapeur, tout le monde se demandait avec angoisse ce qui pourrait faire dérailler la locomotive. Vendredi dernier, les investisseurs ont trouvé une réponse : l’inflation.

L’inflation

La diffusion de statistiques révélant une hausse de 2,9 % des salaires aux États-Unis leur a flanqué la trouille. « Dans une économie moderne orientée sur les services, les salaires forment une partie importante des coûts de production », explique Benoît Durocher, vice-président exécutif et chef stratège économique chez Addenda Capital.

À moins que les entreprises réalisent des gains de productivité, cette hausse des salaires se traduira bientôt par une augmentation des prix à la consommation.

J’entends certains experts qui croient que l’inflation restera faible en raison des avancées technologiques, notamment du côté de l’intelligence artificielle et de l’automatisation. Je veux bien croire que davantage de robots feront notre boulot un jour. Mais à court terme, il est difficile de nier que la baisse du taux de chômage crée une pénurie de main-d’œuvre qui entraîne à son tour une pression sur les salaires et les prix.

Déjà, l’inflation est à la hausse. Aux États-Unis, l’indice des prix des dépenses des ménages est remonté de 1,4 % en août à 1,7 % en décembre. Cela reste en dessous de la cible de 2 % de la Réserve fédérale (Fed). Mais les baisses d’impôts accordées par le président Trump vont alimenter le brasier. C’est un peu comme si on ajoutait des bûches dans le foyer, alors qu’il fait déjà 30 degrés dans la pièce !

Les taux d’intérêt

Pour contenir l’inflation, la Fed pourrait donc relever son taux directeur dans une zone « neutre » de 2,5 % à 3,5 %, alors qu’il se situe dans une fourchette de 1,25 % à 1,50 % en ce moment.

Une chose est sûre, ce n’est pas Janet Yellen qui prendra la décision. La patronne de la Fed a cédé son siège, hier, à Jerome Powell qui vient d’être nommé par Donald Trump. La première femme à occuper ce poste clé de la finance n’aura donc pas eu droit à un second mandat comme le veut la tradition.

Mais revenons aux taux d’intérêt.

Les marchés obligataires n’attendent jamais les décisions de la Fed pour bouger. Depuis cinq mois, le taux des obligations américaines de 10 ans a bondi de 2,1 % à 2,85 %, avant de se replier légèrement hier.

Or, quand les taux montent, la valeur des obligations baisse. Et vice versa. Gare à ceux qui s’imaginent que leurs fonds d’obligations sont garantis : il y a bien des chances qu’ils se retrouvent dans le rouge.

La remontée des taux d’intérêt n’est pas une bonne nouvelle pour la Bourse non plus. La valeur des actions est fondée sur les prévisions de profits des entreprises. Mais quand les taux d’intérêt augmentent, cela dégonfle la valeur actuelle des profits qu’elles réaliseront dans le futur. C’est le principe de l’actualisation.

Voilà ce qui explique la cuite des marchés boursiers, même si la toile de fond économique demeure très belle.

Votre portefeuille

Alors que la fin de la saison des REER approche, j’espère seulement que ce repli ne découragera personne d’épargner. Si la chute des Bourses vous a refroidi, dites-vous que c’est un mal pour un bien.

Le Dow Jones a cédé presque 9 % depuis son sommet du 26 janvier ? Quoi de mieux ! Cela vous donne la possibilité d’acheter au rabais. Et bien sûr, c’est en achetant bas et en vendant haut qu’on fait de l’argent… même si c’est contre nature.

Mais au lieu de faire une cotisation REER d’un coup sec – et souvent à la dernière minute – une fois par année, pourquoi ne pas procéder par épargne systématique ?

C’est moins douloureux quand l’argent est prélevé directement sur votre chèque de paie ou votre compte bancaire chaque semaine. Et cela élimine votre risque d’investir au mauvais moment.

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