Chronique

On jase, là…

Difficile de dire, de classer exactement, ce qu’est le nouveau groupe Faut qu’on se parle, lancé mercredi, mais Jean-Martin Aussant, un des instigateurs du projet, a tenu hier à préciser ce que ce n’est pas et ce que ça ne deviendra pas, du moins en ce qui le concerne.

« Est-ce que c’est le germe d’un nouveau parti politique ? Je ne parlerai pas pour mes quatre collègues qui ont chacun leur plan de vie, mais pour ma part, c’est clairement non. Je n’ai absolument aucune intention autre qu’une discussion ouverte, la plus créative possible, avec nos concitoyens. J’ai déjà donné dans la construction d’un parti politique », a-t-il écrit hier matin sur sa page Facebook, dissipant ainsi un doute entretenu, notamment, par les déclarations d’un autre fondateur de FQSP, Gabriel Nadeau-Dubois.

M. Nadeau-Dubois a déclaré à plusieurs reprises, mercredi, que son groupe « ne fermait la porte à rien », ce qui laissait entendre que la création d’un nouveau parti politique, au terme des consultations populaires, était du domaine du possible.

Sur Twitter, il a ajouté « que ce n’est pas notre intention », mais mercredi soir encore, dans les bulletins de nouvelles, le flou persistait dans ses réponses.

Chose certaine, s’il veut se lancer dans cette avenue, Jean-Martin Aussant ne le suivra pas. Est-ce à dire que l’ex-député du Parti québécois, devenu par la suite fondateur d’Option nationale, rentre dans les rangs péquistes, lui qui vient de reprendre sa carte de membre ?

Si oui, sa démarche parallèle semble pour le moins contradictoire. Lorsqu’il a pris la parole, en juin 2015, aux funérailles de Jacques Parizeau, il avait plaidé pour la « fin des exils, de tous les exils », ce qui avait été interprété comme un appel à l’unité des forces souverainistes, vraisemblablement au sein du Parti québécois. Il a récemment repris une carte de membre du PQ et aurait cité en privé certaines paroles de feu Jacques Parizeau sur les vertus de la patience dans la marche vers l’indépendance. (Il est vrai qu’il avait pris sa carte l’été dernier dans le but d’appuyer Véronique Hivon, qui a dû se retirer pour des raisons de santé.)

Pourquoi, alors, ne pas profiter de sa notoriété et de son ascendant sur le PQ et dans le mouvement souverainiste (ascendant que plusieurs députés péquistes mettent en doute, cela dit) pour tenter d’influencer les débats et de changer le parti de l’intérieur, plutôt que d’emprunter une voie parallèle ? Le moment est propice : le PQ se cherche un nouveau chef et une nouvelle identité.

De toute évidence, Jean-Martin Aussant, comme les quatre autres fondateurs de FQSP, ne voit pas dans le PQ le véhicule progressiste capable de faire avancer les causes de la gauche québécoise.

En soi, la création de FQSP n’est pas une bonne nouvelle pour le PQ puisqu’elle démontre, encore une fois, la désaffection de l’élite progressiste à son endroit. Voici un groupe de cinq personnalités connues, sympathiques à la souveraineté ou militant carrément pour elle, progressistes, qui cherchent le chaînon manquant (« Il manque quelque chose », a dit Gabriel Nadeau-Dubois, mercredi) entre les décideurs et la population, entre les partis politiques et les citoyens qui les boudent.

Martine Ouellet a probablement raison lorsqu’elle dit que FQSP est « peut-être un signal que le Parti québécois […] ne s’assume pas assez et justement n’est pas assez rassembleur actuellement ».

Par ailleurs, il y a aussi une mauvaise nouvelle pour le mouvement souverainiste dans la création de FQSP : voici des indépendantistes (quoique ce n’est pas clair dans le cas de Maïtée Labrecque-Saganash) qui placent la défense des politiques progressistes bien avant l’option. Un Québec progressiste d’abord, un pays après, peut-être.

Il y a bel et bien un volet sur l’indépendance dans les 10 questions soumises à la population aux fins de discussion, où on critique notamment l’approche de la stratégie identitaire.

La réponse (ou le désintérêt) des participants aux rencontres de FQSP au volet souveraineté sera en soi un bon indicateur de l’état de l’option. M’est avis qu’on va surtout entendre parler d’éducation, de justice sociale, de lutte contre la pauvreté, de partage de la richesse, des familles et de l’urgence d’insuffler une bonne dose d’intégrité au gouvernement.

PQ : PLUS QUE SEPT DODOS…

Dans une semaine, le PQ aura un nouveau chef, mais les membres du parti pourront commencer à voter par téléphone dès mercredi.

Des sources bien branchées dans les clans Cloutier et Lisée me confirment que c’est très serré entre les deux. Dans ce cas, la clé pourrait venir des deuxièmes choix des partisans de Martine Ouellet.

Le scrutin se déroulera ainsi : les membres votent pour leur premier choix et peuvent ajouter (ce n’est pas obligatoire) un deuxième et un troisième choix. Après le premier décompte, si aucun candidat n’a récolté plus de 50 %, on élimine le dernier et quiconque n’a pas atteint 10 % et on reporte leurs deuxièmes choix sur les candidats choisis. Si, après cela, il n’y a toujours pas de gagnant, on ne garde que les deux candidats ayant le plus de votes, le troisième est donc éliminé et on redistribue ses votes de deuxième choix.

On s’attend à ce que Paul St-Pierre Plamondon fasse entre 5 et 8 %, ce qui veut dire que ses votes de deuxième choix ne suffiront vraisemblablement pas à départager MM. Cloutier et Lisée. D’où l’importance du choix préférentiel des électeurs de Martine Ouellet.

Les adversaires de Jean-François Lisée l’accusent de brasser la soupe identitaire pour attirer, en deuxième choix, les partisans de Martine Ouellet, réputés plus purs et durs sur ces questions. On dit même qu’il pourrait fort bien gagner son pari.

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