Théâtre

Jeunesse d’aujourd’hui

Critique
Fiel 
Texte et mise en scène : Marilyn Perreault
Au Théâtre Aux Écuries jusqu’au 27 octobre
3 étoiles et demie

Marilyn Perreault réussit avec intelligence son projet probablement le plus ambitieux jusqu’ici. Dans une magnifique mise en scène, elle nous parle – en suggérant plutôt qu’en montrant – d’un sujet brûlant : le viol collectif.

Un bal des finissants. Tout le monde le sait, mais personne n’en parle. Après.

Dans Fiel, Marilyn Perreault décrit, à l’aide de flash-back, l’une de ces soirées qui tournent mal, très mal. Le pire cauchemar que peuvent imaginer des parents d’adolescents. Des parents qui ne le sauront peut-être jamais en raison de la violence des gestes, de la honte, des regrets des uns, du blocage des autres. 

Les jeunes, eux, en parlent durant des semaines, voire des mois à l’avance. Ils s’y préparent, préoccupés, jaloux, angoissés même. Il y aura de l’alcool, de la drogue et du sexe. 

C’est un rituel millénaire de passage à l’âge adulte qui prend pour arène l’école secondaire.

Les beaux smokings et les robes longues n’y changeront rien. Les bonnes intentions céderont vite le pas aux apparences, aux préjugés et, disons-le, aux pires clichés du mâle en rut. Le ballon adoré des gars, le football, prendra la forme d’une jeune fille aux cheveux noirs et à l’accent prononcé qui a le malheur d’être « bonne » à l’école.

La dramaturge et metteure en scène aborde la question avec délicatesse. En danse plutôt qu’en caractères gras. En mots chargés d’allusions plutôt qu’en discours grossiers. Ça fait d’autant plus mal. La violence suggérée s’insinue souvent plus profondément que l’horreur exhibée.

Elle dirige avec doigté six jeunes interprètes qui ont tous les talents, mais qui gagneront en assurance et en précision au fil des représentations. 

La partition physique est difficile, parsemée d’embûches, exigeante.

Avec très peu de moyens, chaises, écran, vidéo et quelques costumes, Marilyn Perreault nous fait entrer dans la tête de ces jeunes désœuvrés, dans leur petit cœur fragile, avec leurs mots et leurs questionnements existentiels. En termes de mise en scène, c’est du travail admirable.

Les effets de longueurs qu’on peut ressentir durant la pièce sont dus, selon nous, à des redondances entre le texte affiché sur l’écran et les actions ou les chorégraphies exécutées par les interprètes, ce qui pourrait facilement être gommé.

Quelques jeux de mots nous apparaissent superflus à certains moments. La musique de Laurier Rajotte, pour sa part, ne résonne pas toujours, non plus, au diapason de la tragédie qui se déroule sous nos yeux.

Mais il y a tant et tant dans ce spectacle souvent vertigineux, par sa forme et son contenu, que nous ne pouvons qu’applaudir la dramaturge-metteure en scène et sa troupe pour leur courage et la pertinence du portrait qu’ils brossent de la jeunesse d’aujourd’hui. On ne saurait assez recommander cette pièce au public adolescent.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.