Casier judiciaire ? Voici votre arme

Il est interdit aux citoyens américains ayant un casier judiciaire d’acheter une arme à feu. Mais la présence de la juge Amy Coney Barrett à la Cour suprême pourrait bientôt faire changer la loi. Explications.

Criminels armés

Un criminel devrait-il pouvoir acheter une arme à feu ? Une loi fédérale aux États-Unis l’en empêche. La nouvelle supermajorité de 6-3 des juges dits conservateurs à la Cour suprême des États-Unis pourrait bientôt changer la donne. Confirmée par le Sénat en octobre, Amy Coney Barrett s’est dite opposée à cette loi lorsqu’elle siégeait à la Cour d’appel des États-Unis pour le septième circuit, et s’y opposera sans doute également lorsque la question sera posée à la plus haute cour du pays, ce qui pourrait arriver assez vite par l’entremise de l’affaire Lisa M. Folajtar.

Trois contre deux

La citoyenne américaine Lisa M. Folajtar aimerait acheter une arme à feu. Or, elle a été reconnue coupable d’évasion fiscale, ce qui fait d’elle une criminelle et, donc, une personne à qui l’achat d’une arme est interdit. La Cour d’appel fédérale de Philadelphie vient de rejeter sa demande, dans une décision à trois contre deux, alléguant qu’en commettant un crime sérieux, elle s’exposait à des conséquences. Des observateurs de la Cour suprême notent que ce cas pourrait très bien être réexaminé par la plus haute cour, avec des conclusions différentes.

Pas de vote

Dans son opposition à un cas analogue en 2019, Amy Coney Barrett écrivait qu’avoir un casier judiciaire n’était pas suffisant pour se voir refuser l’accès aux armes à feu : il fallait que la personne soit considérée comme étant dangereuse, et ce, même si les données compilées par le gouvernement fédéral montrent que les personnes condamnées pour des crimes non violents sont davantage susceptibles de commettre des crimes violents à l’avenir. Très à droite, l’opinion a été perçue comme l’une des raisons expliquant que l’administration Trump ait choisi Mme Coney Barrett pour siéger à la Cour suprême. Parallèlement, Amy Coney Barrett soutient qu’elle est d’accord avec le fait qu’une personne avec un dossier criminel ne puisse pas voter, comme c’est le cas dans une minorité d’États.

« Boîte de pandore »

Ed Scruggs, président du conseil de direction de l’organisation Texas Gun Sense, note que les prochaines années seront « inquiétantes » pour les défenseurs du contrôle des armes à feu. « Comment faire la distinction entre des criminels dangereux et des criminels non dangereux, comme le suggère la juge Barrett ? Les gens coupables d’un délit d’agression conjugale pourront-ils avoir accès à leurs armes ? On ouvre une boîte de Pandore ici. Même le département de la Justice de Donald Trump croit que la loi devrait rester intacte », dit-il en entrevue, ajoutant que la Cour suprême pourrait réexaminer d’autres enjeux, comme la vérification des antécédents ou encore l’obligation d’avoir un permis de port d’armes dans certains États. « Les crimes violents augmentent, nous avons plus de 40 000 morts par armes à feu par année, et on parle d’ouvrir encore plus l’accès aux armes ? Cette nouvelle ère a le potentiel de redéfinir l’ensemble du débat sur les armes à feu aux États-Unis, et c’est très inquiétant », dit-il.

« Assez radical »

L’opinion de la juge Amy Coney Barrett la place à la droite des membres les plus conservateurs de la Cour suprême, dont son maître à penser, Antonin Scalia, mort en 2016. « Elle est extrême sur cette question », a déclaré cet automne le sénateur démocrate Richard Blumenthal, membre du Comité judiciaire du Sénat. « Elle irait beaucoup plus loin que son mentor Scalia ne l’a fait en annulant des mesures sensées. » Or, Mme Coney Barrett ne s’en cache pas : elle sait que son point de vue est hors norme. « Cela semble assez radical, dire que les criminels peuvent avoir des armes à feu », a-t-elle déclaré l’an dernier lors d’une conversation avec des étudiants du collège Hillsdale, établissement conservateur du Michigan. Elle a ajouté que son analyse de la loi n’avait révélé « aucune autorisation générale de prendre des armes » sans pouvoir démontrer que leur propriétaire posait un danger.

Les ventes en ligne attendues en forte hausse pour le Cyberlundi

Après leur bond vendredi et samedi, les ventes sur l’internet aux États-Unis devraient aussi grimper lundi à l’occasion du Cyberlundi, dopées par la frénésie d’achats en ligne pendant la pandémie. Selon des données diffusées par Adobe Analytics, les dépenses électroniques devraient s’établir dans une fourchette comprise entre 10,8 et 12,7 milliards de dollars américains lors de cette journée d’activités promotionnelles, soit une hausse de 15 % à 35 % par rapport à l’an dernier.

— Agence France-Presse

Recensement et sans-papiers

une requête de Trump désarçonne La Cour suprême

Washington — Les juges de la Cour suprême des États-Unis ont affiché lundi frustration et confusion face à une requête aux contours flous formulée par Donald Trump, qui espère peser avant son départ de la Maison-Blanche sur le nombre d’élus au Congrès attribués à chaque État pour la prochaine décennie.

La cause porte sur le recensement de la population américaine qui, selon la Constitution, doit se tenir tous les 10 ans, et conditionne l’allocation de subventions fédérales et le nombre de sièges à la Chambre des représentants dévolus à chaque État.

En juillet, alors que le recensement était en cours, Donald Trump a donné l’ordre à son administration de retrancher les sans-papiers au moment de l’allocation du nombre d’élus.

Le républicain, qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un des marqueurs de sa présidence, avait expliqué ne pas vouloir « donner une représentation parlementaire à des étrangers » en situation irrégulière.

Plusieurs États qui abritent de nombreux migrants, comme la Californie, pourraient perdre au moins un siège. Ils avaient rapidement saisi la justice et obtenu des victoires en première instance.

L’administration Trump a alors demandé à la Cour suprême d’intervenir en urgence, puisque Donald Trump est censé transmettre début janvier au Congrès les résultats du recensement de 2020 et le nombre de sièges attribués à chaque État.

« Liens forts »

Les neuf sages ont entendu lundi par téléphone, à cause de la pandémie, les arguments des deux parties.

« Le président dispose du pouvoir discrétionnaire pour déterminer que certains immigrants irréguliers, a minima, n’ont pas de liens stables avec les États », a plaidé Jeffrey Wall pour l’administration républicaine.

« Cette politique ignore les millions de migrants en situation irrégulière qui vivent ici depuis des décennies et ont des liens forts avec leurs communautés », a rétorqué Barbara Underwood pour l’État de New York.

Les trois juges progressistes de la Cour (sur neuf) ont semblé sensibles à cet argument, tout comme la magistrate conservatrice Amy Coney Barrett, tout juste nommée par Donald Trump.

« Les preuves historiques et une pratique bien établie contredisent votre position », a-t-elle dit au représentant de l’administration. « Les sans-papiers n’ont jamais été exclus du recensement. »

« Attendre ? »

Plus globalement, les neuf sages ont tenté de percer les nombreuses incertitudes pesant sur le dossier, à commencer par le nombre de sans-papiers concernés.

L’avocat du gouvernement s’est dit incapable de savoir si la mesure porterait uniquement sur les quelque 60 000 migrants en centre de rétention, sur les 200 000 menacés d’expulsion ou sur les quelque 10 millions présents sur le sol américain.

Il a également reconnu que le ministère du Commerce, responsable du recensement, ne serait sans doute pas en mesure de transmettre les données le 31 décembre, comme prévu, à cause d’obstacles posés par la COVID-19.

« C’est frustrant, c’est peut-être un dossier très important, ou beaucoup de bruit pour rien », a déclaré le conservateur Samuel Alito.

« On ne sait pas ce que le secrétaire du Commerce va faire, ce que le président va faire, combien d’étrangers vont être exclus et l’effet de leur exclusion » sur le Congrès, a renchéri le chef de la Cour John Roberts.

« Nous serions peut-être avisés d’attendre que l’allocation des sièges ait eu lieu avant de nous prononcer », a-t-il conclu.

Si la haute cour s’en tenait à cette posture attentiste, cela pourrait servir Donald Trump, qui est libre d’agir en l’absence d’un nouvel arrêt et jusqu’à la prise de fonction de son successeur, le démocrate Joe Biden, le 20 janvier.

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