Essai sur la santé féminine

La vérité sur ce qui nous rend dingues

Maternité, menstruations, ménopause, les femmes sont biologiquement destinées à avoir des sautes d’humeur. Ce désordre biologique a une influence sur la libido, le sommeil, l’appétit, le stress, le poids. Un boulet ? Non, surtout une force, pense l’auteure et psychiatre américaine Julie Holland qui vient de faire paraître le livre Assumons nos humeurs – Sexe, hormones, sommeil, médicaments, la vérité sur tout ce qui nous rend dingues !. Nous l’avons jointe au téléphone à New York.

Les femmes ont-elle été conçues pour être cycliques ?

Oui, nous sommes faites pour avoir des hauts et des bas, ce qui est tout à fait naturel. Selon notre cycle menstruel, il y a des moments où nous sommes plus conciliantes, plus faciles, et d’autres moments où on dit « non », on est plus critiques, plus fermes, plus hargneuses. On a besoin de cet équilibre. Grâce à notre taux élevé d’œstrogènes, nous sommes plus résilientes, plus désinvoltes. On pourrait qualifier les œstrogènes d’hormones « tout ce que tu veux, chéri ». Elles créent un voile de compromis. Heureusement qu’une fois par mois, au moment de nos règles, on est un peu plus tendues et critiques. Ça fait du bien, car on s’aperçoit que certaines choses ne vont pas bien et on décide alors d’apporter des changements. Le mécontentement qui revient tous les mois est une aubaine ! C’est une chance d’opérer des changements nécessaires dans notre façon de vivre. Les pensées et les sentiments qui remontent pendant cette phase de notre cycle sont réels.

La maternité a-t-elle un impact sur notre cerveau ? De quelle façon ?

Il y a beaucoup de changements dans le cerveau à partir du moment où une femme tombe enceinte. La hausse du taux d’œstrogènes pousse la neuroplasticité à mettre les bouchées doubles dans l’hippocampe (qui joue un rôle central pour la mémoire) pendant que nous préparons de nouveaux comportements comme l’allaitement et la protection. La monogamie, l’engagement et le maternage sont tous mus par des changements neuroplastiques favorisés par l’ocytocine, cette hormone qui nous pousse à rester fidèles à notre partenaire et à nous dévouer à nos enfants. Et d’ailleurs, ce niveau élevé d’ocytocine fera en sorte qu’une nouvelle mère ne sera pas très intéressée, par exemple, au sexe. On peut se dire que la nature est bien faite ! Est-ce qu’on veut qu’une nouvelle mère soit très sexuelle ? Je ne pense pas !

La société pousse-t-elle les femmes à être parfaites ?

Oui et les choses ne s’améliorent pas. Car en plus, on doit être parfaites sans faire d’efforts. Pendant des centaines d’années, on a dit aux hommes qu’ils étaient faibles s’ils montraient leurs émotions. Et maintenant, la même chose s’applique pour les femmes, elles n’ont plus le droit de pleurer ou de montrer une émotion. Et ça me préoccupe beaucoup, car cela crée un vrai déséquilibre. Le monde a plus besoin que jamais d’empathie, de sympathie et non d’agression, ou d’énergie proprement masculine. L’énergie féminine est nécessaire. Notre émotivité constitue une véritable force et non une faiblesse et il faut la mettre en valeur.

Vous écrivez que les femmes sont anxieuses, tristes et dépressives. Pourquoi ?

C’est à cause de la façon dont elles vivent ! Elles dorment mal, se lèvent tôt, mangent mal, prennent le métro pour aller travailler, restent toute la journée assises devant un ordinateur, reprennent le métro pour s’enfermer dans un club de gym si elles font de l’exercice, car d’autres n’ont pas le temps d’en faire. Elles rentrent à la maison, stressées, se remettent sur l’ordinateur pour regarder des choses et d’autres sur Facebook. Elles ne sortent pas dehors prendre un peu d’air ou un peu de soleil, elles ne profitent pas de la nature.

Vous dites que trop de femmes prennent des antidépresseurs aux États-Unis.

Beaucoup de femmes prennent des antidépresseurs, prennent aussi des pilules contraceptives ou d’autres médicaments, c’est la nouvelle normalité, mais ce n’est pas naturel, et les effets sont négatifs. Je comprends qu’elles en aient besoin, et je ne les juge pas, mais c’est alarmant, surtout que le marketing autour de tous ces produits est omniprésent aux États-Unis. Que ce soit dans les magazines féminins ou dans les émissions de télévision, les femmes sont bombardées de messages qui leur disent qu’elles se sentiront mieux si elles prennent des antidépresseurs. C’est du capitalisme, c’est de la consommation, ce qui est aux États-Unis quelque chose de normal, car on achète et on consomme pour se sentir mieux. Les médicaments détraquent notre corps.

Les femmes ont-elles besoin de changer leurs habitudes ?

Oui ! Nous prenons une pilule qui nous porte à ne pas ovuler et sommes surprises après de ne pas être excitées. Nous passons nos journées enfermées et nous nous étonnons d’avoir une carence en vitamine D. Afin de combler nos manques, nous avons fini par tout consommer compulsivement, de la nourriture aux médicaments en passant par les partenaires sexuels, sans jamais être satisfaites. Nous avons besoin de changer de cap pour mener une vie en accord avec ce que nous ressentons et, pour y parvenir, nous devons accepter nos humeurs changeantes et comprendre notre corps. Pour la plupart d’entre nous, la meilleure solution est de ralentir, de retrouver le contact avec la nature, loin des écrans, des boutiques et des remèdes psychiatriques. Rappelez-vous qu’en prenant des décisions difficiles sur ce que vous mangez, sur l’heure à laquelle vous vous couchez, sur l’exercice modéré que vous faites, vous prenez soin de vous. Entraînez-vous à dire non. J’ai écrit ce livre pour dire qu’il y a des moyens de ralentir naturellement. Notre corps change, tout comme notre vie, et la manière de prendre soin de nous varie aussi.

Assumons nos humeurs Julie Holland Éditions Robert Laffont 27,95 $

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