Production vinicole

Un métier passionnant, mais exigeant

Au tournant des années 2000, les vignobles se sont multipliés au Québec. Plusieurs nouveaux vignerons étaient de jeunes retraités au début de la cinquantaine qui rêvaient de mettre leur nom sur une bouteille de vin québécois. Quinze ans plus tard, ils sont prêts à passer le flambeau. Le métier est difficile. La relève est souvent absente, et les acheteurs se font parfois attendre.

Yvon Roy a toujours rêvé de posséder son vignoble. Adolescent, il préparait du vin maison dans le sous-sol de ses parents. Après une carrière en gestion, il a acheté le vignoble Morou à Napierville comme projet de retraite en 2003.

Le vigneron, âgé aujourd’hui de 71 ans, rêve d’une vraie retraite. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Son vignoble est en vente depuis deux ans.

« Je travaille de 60 à 70 heures par semaine dans le vignoble durant l’été. Le reste de l’année, il y a la paperasse à faire et le vin à terminer. Ça laisse juste un peu de temps pour se reposer. »

— Yvon Roy, du vignoble Morou

Au cœur de la petite municipalité de Dunham, le vignoble du Centaure est aussi à vendre depuis deux ans. Des problèmes de santé ont eu raison du rêve viticole de Robert Boulais et Nancy Violi.

« C’est une déception pour nous de vendre, confie M. Boulais, après tous les efforts que nous avons mis dans le projet. On les voit s’éteindre. »

Un métier difficile

Des cas semblables se reproduisent un peu partout au Québec. Et ça n’étonne pas Charles-Henri de Coussergues. L’homme de 56 ans est un pionnier de la viticulture dans la province. Il avait 22 ans lorsqu’il a lancé l’Orpailleur en 1982. Selon lui, les nouveaux producteurs ne réalisent pas l’ampleur du travail avant de créer et d’exploiter leur vignoble.

« Ce n’est pas un projet de retraite, planter un vignoble, dit-il. C’est un drame quand j’entends ça ! Il faut être conscient qu’on fonde une entreprise à 60 ans. »

Véronique Hupin est du même avis. Elle et son conjoint, Michael Marler, sont parmi les plus jeunes vignerons du Québec. Ils avaient respectivement 26 et 27 ans quand ils ont acheté le vignoble des Pervenches à Farnham. Le couple passe un temps fou à bichonner ses vignes.

« Il n’y a pas de métier plus ingrat que celui d’agriculteur, dit-elle. Mais c’est aussi le plus beau. C’est paradoxal. »

Outre le travail dans le champ, M. de Coussergues croit que les nouveaux vignerons sous-estiment un aspect important : la vente des bouteilles.

« Trop de gens pensent qu’en plantant de la vigne et en mettant une fleur de lys sur l’étiquette, ça va se vendre. Oh, là, là. La première bouteille est facile à vendre, mais la deuxième est très dure. […] Pour que les gens reviennent, il faut qu’ils aient aimé l’expérience, le vin. »

— Charles-Henri de Coussergues, du vignoble l’Orpailleur

M. de Coussergues juge que la commercialisation des vins québécois est plus facile qu’il y a 30 ans. Il précise cependant qu’il faut investir beaucoup de temps pour écouler ses produits.

Trouver un acheteur

Le Domaine des météores à Ripon, en Outaouais, était en vente jusqu’à tout récemment. Après deux démarches d’achat avortées, André Cellard et Chantale Ippersiel ont décidé de retrousser leurs manches et de garder l’entreprise.

« Les gens qui ont l’expertise au Québec, ils ont déjà leur vignoble, explique M. Cellard. Les autres n’ont souvent pas les moyens. »

André Cellard croit qu’il est plus facile de commencer à zéro que d’acheter un vignoble établi, car il s’écoule au minimum trois ans entre le moment où le producteur plante ses premières vignes et celui où il commercialise ses premières bouteilles. Ce laps de temps permet, selon lui, d’apprendre le métier.

Richard Messier à Drummondville ne partage pas entièrement cet avis. L’agronome de 58 ans a mis en vente son vignoble Domaine des 3 fûts le printemps dernier. Il croit que l’achat d’un vignoble en exploitation réduit le risque d’erreur, comme le choix de l’emplacement des vignes, et permet de réaliser plus rapidement les premières ventes. La vente de son entreprise est assortie d’une offre de transfert de connaissance.

De retour à Napierville, Yvon Roy n’a qu’un regret : ne pas avoir créé son vignoble plus tôt. Il aurait eu davantage de temps pour peaufiner ses vins et profiter de leur succès.

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