Décès en motoneige

Quand les vacances au Canada virent au cauchemar

L’industrie de la motoneige attire chaque année des dizaines de milliers de touristes, mais pour une poignée d’entre eux, le voyage peut parfois tourner au cauchemar.

Selon les rapports du coroner, une moyenne de deux motoneigistes par année, venus principalement d’Europe ou des États-Unis, perdent la vie dans la province depuis 2005.

À ce chapitre, 2005 a été la plus meurtrière des 12 dernières années sur les sentiers québécois : 7 personnes venues de l’extérieur ont ainsi perdu la vie, soit 4 Américains et 3 Français.

C’est le cas de Danièle Baillet, une Française de 62 ans qui participait à une excursion guidée de huit jours avec un groupe de touristes dans Lanaudière. « Le but de leur voyage était de visiter la grande nature québécoise et de profiter des paysages d’hiver tout en prenant des photographies », a écrit le coroner Paul Dionne dans son rapport.

Le troisième jour, alors que le groupe se dirigeait vers Saint-Zénon, Mme Baillet a perdu la maîtrise de sa motoneige dans une courbe et été projetée au sol. Elle s’est plainte de douleurs au thorax et du froid dans une température de - 40 ºC pendant plus d’une heure et demie, jusqu’à ce que les premiers secours arrivent d’une pourvoirie voisine et qu’ils constatent qu’elle était morte.

« À la revue du dossier, le soussigné s’interroge sur la sécurité qu’on offre aux touristes qui, sans formation prolongée et sans expérience pratique, utilisent ce moyen de transport dans des conditions difficiles. Il y avait certaines règles de sécurité dont les participants devaient se soumettre durant le transport. Ces règles de sécurité étaient connues des participants, mais jusqu’à quel point étaient-elles suivies et respectées », a écrit le coroner.

« Quelques participants à l’expédition souhaitaient, selon le dire du conjoint, enfreindre les règles de vitesse pour pousser au maximum ces “petits bolides” », a-t-il ajouté.

Soif de vitesse

Encore aujourd’hui, les touristes peuvent avoir la réputation d’avoir le « pouce pesant » et de laisser libre cours à leur soif de vitesse sur les sentiers du Québec.

Avec une mauvaise saison de motoneige dans le nord des États-Unis et une année que l’on décrit comme étant particulièrement mortelle sur les sentiers du Québec, la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec (FCMQ) voit avec une certaine appréhension les adeptes de l’extérieur débarquer en grand nombre sur les sentiers de la province.

« J’étais à Québec avant-hier et juste [dans le stationnement de l’hôtel] Four Points, les remorques qui étaient là… Il y avait plein d’Américains, plein d’Ontariens. Et c’est un secteur qui a été touché par le verglas. C’est dangereux… », a lancé en entrevue le directeur général de la FCMQ, Stéphane Desroches.

« Les Américains, dans leurs propres sentiers, sont habitués de rouler plus vite que chez nous, a ajouté M. Desroches. Parce que nous, chez nous, on a une limite de vitesse à 70 km/h, selon où on est situé. Eux, ils n’en ont pas de limite de vitesse. »

Selon lui, la solution repose sur une forte présence de patrouilleurs bénévoles et d’agents de la Sûreté du Québec pour faire respecter les règles routières.

« Mais encore là, ce n’est pas des Américains qui sont morts, c’est des Québécois ! », a lancé M. Desroches en faisant référence au bilan de plus d’une quinzaine de morts depuis le début de la saison au Québec. Toutes les victimes déclarées jusqu’ici cette année sont en effet originaires de la province.

Question de maîtrise

La perte de maîtrise dans une courbe, parfois suivie d’un impact avec un obstacle (comme un arbre ou un rocher), reste la cause la plus fréquente d’accident mortel chez les touristes, en particulier chez les Européens. La conduite en état d’ébriété semble moins répandue, si on se fie aux informations contenues dans les rapports du coroner depuis 2005 – du moins chez les Européens. Parmi les 24 morts répertoriées entre 2005 et 2017, seulement deux personnes étaient en état d’ébriété, et une avait un taux de seulement 37 mg/dL (la limite est de 80).

Chez Location de Motoneiges Haute-Matawinie, à Saint-Michel-des-Saints, dans Lanaudière, on affirme que ceux qui ont recours à leurs services reçoivent une formation de sécurité avant de commencer leur randonnée accompagnés d’un guide et que l’entreprise a une politique de tolérance zéro par rapport à la consommation d’alcool durant la journée. L’entreprise exploite aussi Canada Aventures Motoneige et Aventures Nouvelle-France, et vend jusqu’à 2000 forfaits par année, à 90 % à des Européens.

Il demeure qu’aucune compétence particulière n’est requise pour louer une motoneige au Québec à l’heure actuelle, malgré quelques recommandations à cet égard par des coroners au fil des ans. La loi n’exige de certificat de compétence que pour les conducteurs de moins de 18 ans et un permis de conduire n’est exigé que si le véhicule traverse un chemin public.

Certains touristes ont tout de même l’habitude des espaces québécois : Dale Gonyo, un Américain qui vit tout juste au sud de la frontière, en était à sa troisième excursion au Québec cette année lorsque La Presse l’a croisé près de Portneuf, où il débarquait des motoneiges de remorques avec un groupe de six personnes. Il espérait se rendre à Chicoutimi en soirée, mais il ne prévoyait pas prendre un verre avant d’être arrivé à destination. « Les sentiers sont beaux au Québec, a-t-il dit. C’est assez glacé en ce moment, mais ça reste mieux que chez nous. »

Morts de touristes en motoneige

2005 : 7

2006 : 2

2007 : 3

2009 : 1

2013 : 2

2014 : 2

2015 : 4

2016 : 3

Américains : 10

Belge : 1

Britannique : 1

Français : 10

Suisses : 2

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