VALEURS MOBILIÈRES

Le ministre Carlos Leitao tient aux documents en français

Les entreprises qui émettent de nouvelles actions en Bourse devront continuer de produire leurs documents en français, selon un engagement du ministre des Finances, Carlos Leitao, lors de la commission parlementaire chargée d’étudier les crédits de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Le ministre a pris cet engagement à l’invitation du député péquiste Nicolas Marceau.

« On n’a aucune intention de rouvrir la loi, a-t-il dit le 21 avril. Ce qui doit être traduit selon les termes de l’article le sera », a soutenu le ministre.

L’article 40.1 de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM) prévoit que les documents d’importance comme un prospectus ou une circulaire lors d’une offre publique d’achat doivent être produits en français ou en français et en anglais.

Cette question est revenue dans l’actualité avec la vente de Rona à Lowe’s. Le quincaillier québécois a publié une circulaire de direction dont une portion n’avait pas été traduite en français. Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) a alors mis en demeure Rona et Lowe’s de faire traduire l’entièreté du document. Le reste du document a finalement été traduit en toute hâte.

L’article 40.1 de la LVM est défendu bec et ongles par l’Association canadienne des juristes-traducteurs (ACJT), qui a alerté les médias dans le passé quand elle croyait que l’article était menacé.

TRADUIRE COÛTE CHER

Publier des documents en français au Québec semble aller de soi, mais des voix ont réclamé dans le passé que l’exigence soit assouplie de façon à permettre aux émetteurs de déposer de simples résumés et non plus des traductions complètes des documents.

L’actuel PDG de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Me Louis Morisset, s’est déjà montré ouvert à faire évoluer l’article 40.1 dans le sens du modèle européen.

« En Europe, on est capable, dans le système de passeport européen, une entreprise allemande peut placer [des titres] en France avec un prospectus en anglais, mais avec un résumé en français, a-t-il expliqué en 2012 dans un colloque, alors qu’il occupait le poste de surintendant des marchés de valeurs de l’AMF. L’idée, c’est d’offrir une opportunité d’investissement. […] Les coûts associés à la traduction ont décuplé au cours des dernières années. […] Donc, le prospectus qui coûtait 10 000 $ à traduire il y a 10 ans en coûte 50 ou 60 000 $ aujourd’hui. Ça devient mathématique : si ça coûte trop cher de placer au Québec, on ne place plus au Québec. »

Une position analogue a été défendue par le cabinet d’avocats Dentons, qui a demandé des assouplissements à l’article 40.1 aux parlementaires en 2013, lors de l’étude d’un projet de loi modifiant la Charte de la langue française.

Les documents relatifs aux positions de Dentons et de Me Morisset sur cette question sont diffusés sur le site internet de l’ACJT.

Les opposants à l’article 40.1 font valoir que la traduction coûte cher sans procurer d’avantages. Selon eux, les sociétés évitent le Québec quand vient le temps d’émettre de nouvelles actions par souci d’économie. Dans sa présentation en commission parlementaire en 2013, Dentons soutenait que les exigences linguistiques expliquaient pourquoi la proportion de prospectus canadiens déposés au Québec était passée de 53 à 48 % de 2009 à 2012.

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