Chronique

Le Québec, champion de la redistribution

Récemment, on apprenait que le Québec avait le plus faible revenu après impôts par habitant des provinces canadiennes. Cette statistique peu enviable s’explique par notre plus grande pauvreté relative, mais aussi par notre filet social plus étendu qu’ailleurs, rendu possible par des prélèvements fiscaux plus importants.

Le plus récent budget du Québec comprend justement un fascicule fort intéressant qui fait état de nos politiques de redistribution de revenus. Et à ce chapitre, le Québec se classe devant toutes les autres provinces, ce qui témoigne bien de notre système clairement distinct.

Le document de 73 pages, intitulé Régime québécois de soutien du revenu, dresse le portrait de l’ensemble des programmes gouvernementaux de redistribution du revenu. Les mesures visent notamment les personnes seules, les familles monoparentales et les couples avec enfants. Tout y passe : aide sociale, crédits d’impôt pour la solidarité (TVQ, logement, etc.), prime au travail, bouclier fiscal, soutien aux enfants, alouette.

Le fascicule donne des cas types avec l’effet net des mesures, ce qui démontre éloquemment notre redistribution plus généreuse.

Par exemple, non seulement une mère seule avec un enfant qui gagne 25 000 $ en 2016 ne paie pas d’impôts, mais encore, son revenu disponible équivaut plutôt à quelque 31 700 $. Dans le cas d’un couple avec deux enfants dont les revenus totalisent 35 000 $, le revenu disponible après impôts est en fait de 46 014 $, soit un gain de plus de 9000 $. Enfin, autre exemple : un couple sans enfant qui fait 35 000 $ paie environ 2500 $ d’impôts nets, tout pris en compte, soit un faible taux d’imposition réel de 7,3 %.

L’ensemble des mesures au Québec, tant provinciales que fédérales, fait en sorte que les indicateurs d’inégalités sociales sont plus beaux qu’ailleurs. Ainsi, c’est au Québec que l’écart entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres est le plus petit parmi les régions canadiennes. Ce rapport entre les revenus après impôts des plus riches et des plus pauvres est de 3,9 au Québec, contre 4,5 pour la moyenne canadienne et 4,8 en Ontario.

Autre indicateur : la proportion de personnes vivant sous le seuil de faible revenu, tel qu’établi par Statistique Canada. Cette proportion était de 10,8 % au Québec en 2013, contre 13,2 % au Nouveau-Brunswick et 14,0 % en Ontario. La moyenne canadienne est de 12,1 %. L’Alberta est la province qui comptait la plus faible proportion de personnes de faible revenu en 2013, à 7,4 %, chiffre qui devrait toutefois changer un peu avec l’effondrement du prix du pétrole.

L’indicateur le plus couramment utilisé pour mesurer les inégalités est le coefficient de Gini. Ce coefficient mesure la dispersion des revenus après impôts et transferts gouvernementaux. Une population où les citoyens gagneraient tous le même revenu aurait un coefficient de Gini de 0, tandis qu’une population parfaitement inégalitaire aurait un coefficient de 1. Dit autrement, plus le coefficient est bas, plus la justice sociale est grande.

Or, au Québec, le coefficient est de 0,292, comparativement à 0,320 en Colombie-Britannique et 0,328 en Ontario. La moyenne canadienne est de 0,319.

En comparaison, ce coefficient est de 0,29,1 en Allemagne, de 0,309 en France, de 0,320 en Italie, de 0,389 aux États-Unis et de 0,457 au Mexique (1). Dit autrement, le Québec est autant sinon plus égalitaire que toutes ces régions. Il est par contre moins égalitaire que la Suède (0,273), la Finlande (0,264) ou la Norvège (0,250).

Ces chiffres en disent long sur le modèle québécois. Notre système économique est certes imparfait et il souffre d’un manque chronique de productivité, entre autres, mais les citoyens vivent dans un environnement plus équitable.

30 MILLIARDS DE DOLLARS

Notre système distinct est évidemment fort coûteux. Globalement, l’ensemble des mesures de soutien au revenu versées aux Québécois s’élève à 30 milliards de dollars : 19 milliards viennent du fédéral et 11 milliards, du gouvernement du Québec. La plus grande part de l’aide d’Ottawa, soit 12,5 milliards, est orientée vers les aînés sous la forme des prestations de la sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti. En excluant cette somme, le Québec verse environ les deux tiers du soutien au revenu et le fédéral, un tiers.

Certains pourraient avancer – non sans raison – que le fascicule du budget est un document politique, qui vise à démontrer que le Québec n’a plus besoin de redistribuer davantage les revenus, qu’il faut plutôt se consacrer désormais à réduire les impôts.

Il reste que la réalité est bien celle décrite par les chiffres, qui proviennent pour l’essentiel de Statistique Canada : le Québec est plus égalitaire qu’ailleurs. Et qu’il est bon de garder ce constat à l’esprit quand vient le temps de critiquer.

1 - Pour les comparaisons internationales, les chiffres sont tirés des données de l’OCDE pour l’année 2011 ou 2012.

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