Parlons guenilles

Quand Gert et Gayle s’habillent

Parfois, un brin ébaubis devant mes atours, des gens me demandent : « C’est revenu à la mode, ces sandales-là ? » ou, un peu moins subtils : « Ça se porte encore, des jupes de même ? »

J’aime répondre : « Non » et enchaîner avec la bonne nouvelle : « Pas de soucis, aucun règlement n’interdit le port de culottes anciennes et le citoyen, en vertu de nos lois actuelles, n’est pas absolument tenu d’être à la mode. »

Je suis fine. Et trop bien élevée pour dire : « J’m’en crisse un peu de la mode, quessé la mode ? » Moi, j’aime « les modes ».

Tous les corps féminins s’accommodent de ce que leur époque leur propose, mais posez-leur la question : « La mode de quelle période t’émeut particulièrement et te magnifierait, si tu y réfléchis un peu ? »

Les grandes échalotes évoquent souvent le look flapper de l’entre-deux-guerres et les filles avec des courbes savent bien que les robes de Marilyn Monroe les moulent à ravir.

Moi, c’est l’esthétique des années 60, les robes de Dodo et de Denise dans Moi et l’autre, les petites robes graphiques, les teintes vibrantes et les proportions (un peu de jambes, des talons carrés, des lignes trapèzes seyantes à tout coup). Tout ça correspond parfaitement à mes repères visuels et affectifs : comme ils sont colorés, les visiteurs d’Expo 67, allez voir des archives, quelle révolution dans l’histoire du vêtement.

La mode du futur avec les visions des Pierre Cardin, Paco Rabanne ou André Courrèges (songez à Emma Peel, l’héroïne de Chapeau melon et bottes de cuir qui faisait des savates avec ses vêtements de tous les jours, je l’aimerai toujours) et les créations modernes et toujours actuelles d’Yves Saint Laurent, Balmain, entre autres, parce que chez nous aussi c’était foisonnant (petite fleur gratuite à Michel Robichaud ici…).

C’est peut-être un peu pour cette raison que l’été dernier, je me suis trouvé une sœur fictive et un alter ego. Une amie qui compose des chansons et des musiques suaves avec autant d’aisance que je dis des niaiseries : Sylvie Dumontier (alias Shilvi, pop star des tout-petits) devient Gayle Galipeau et j’incarne sa sœur Gert.

Notre duo « Les Galipeau’s » chante sa vie de femme, de mère et d’épouse (le quotidien, en somme) quelque part dans une banlieue de Montréal, en 1969.

Pour ceux qui auraient une corde sensible qui vibre avec cette description, je dirai simplement : c’est une entreprise joyeuse, très joyeuse, même.

Si les chansons des Galipeau’s sont nées récemment, leurs robes étaient, pour la plupart, dans mon coffre de cèdre. Parenthèse ésotérique : depuis longtemps (même avant la série Mad Men), j’achète, parce que je ne peux pas résister, des robes de la fin des années 60. Souvent en double, des robes de tous les jours, des robes cocktail et quelques splendeurs, longues, ornementées et doublées de satin : des robes parfaites pour cruiser John F. Kennedy.

La confection et la qualité de ces petits trésors, déclinés dans tous les tons pastel ou dans des couleurs riches et saturées, laissent l’impression d’un temps révolu, avec tout le mou qu’on nous propose.

Ce n’est pas de la nostalgie absolue. Pour d’excellentes raisons, je ne retournerais certainement pas vivre en 1969. Et les tissus synthétiques font suer. Je me ramène au meilleur de ce temps-là : l’optimisme, la musique incroyable et heureuse, les plateaux de télé d’émissions de variétés avec un décor par chanson et tous les changements, percées et inventions qui donnaient l’impression de vivre « la vie moderne ».

Gert et Gayle ont enfilé les robes de satin rose et jaune, les tenues grands soirs en serge bleu ciel et rose poudre, les petites robes baby-doll, les pantalons capris et les plus larges, tout ça avant de tomber dans le coffre à bijoux pour essayer les boucles d’oreilles architecturales et avant-gardistes, les sautoirs simples et chics et les grosses bagues. Ajoutez à cela la bonne perruque et des faux cils bien installés et vous êtes swell comme les invités de la soirée chez le producteur, dans le film Le party de Blake Edwards.

Vous riez ? Vous êtes en pleines réminiscences ou prenez des notes pour googler quelques références qui vous manquent ? Vous pourriez aller regarder le dernier scopitone des Galipeau’s : Gilles Bisaillon. Il est là, sur Facebook et YouTube.

Salutations à toutes les femmes modernes.

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