L’étoile qui clignote refait des siennes

C’est reparti : l’étoile la plus mystérieuse de toute la galaxie a recommencé à clignoter, amenant les astronomes du monde entier à y braquer leurs instruments. Au Québec, l’Observatoire du Mont-Mégantic en a profité pour sortir son nouveau jouet – une caméra spéciale capable de prendre des clichés du ciel à une cadence folle. Mais entre les nuées de comètes, les planètes géantes à anneaux et les incontournables extraterrestres, la cause du phénomène continue de confondre les scientifiques.

Intrigantes fluctuations

Tout commence le 5 mars 2011, quand le télescope spatial Kepler détecte une baisse brutale de la luminosité d’une étoile appelée KIC 8462852, située dans notre Voie lactée. Il arrive qu’en passant devant son étoile, une planète bloque un peu de lumière, ce qui entraîne des baisses de luminosité d’au plus 2 %. Mais cette fois, la baisse atteint 15 %. Les scientifiques sont pantois. Le 28 février 2013, une nouvelle baisse survient, cette fois de 22 %. En fouillant dans les données historiques, on découvre d’autres baisses plus faibles. Puis d’autres surviennent. Contrairement aux fluctuations dues aux passages des planètes, qui se répètent régulièrement à chaque orbite, les baisses de luminosité ne semblent ici obéir à aucune séquence logique. « C’est un cas absolument unique. Des centaines de milliers d’étoiles ont été observées avec Kepler et d’autres télescopes, et on n’a jamais vu ça », commente Robert Lamontagne, astrophysicien à l’Université de Montréal.

Hypothèses en tous genres

Artéfact dû aux instruments ? Nuées de comètes qui passent devant l’étoile et en bloquent la lumière ? Disque de matière qui tourne autour d’elle ? Dans la communauté scientifique, les hypothèses fusent, mais aucune ne convainc vraiment. Jason Wright, de l’Université d’État de Pennsylvanie, frappe l’imaginaire en avançant que des civilisations extraterrestres ont peut-être entouré l’étoile pour en capter l’énergie avec ce qu’on appelle une « sphère de Dyson » – mégastructure imaginée pour la première fois en 1960. L’institut de recherche de vie extraterrestre SETI tente de capter d’éventuels signaux radio extraterrestres émanant de la région, en vain. Bientôt, KIC 8462852 est surnommée « étoile de Tabby » en l’honneur de l’astronome Tabetha Boyajian, de l’Université d’État de Louisiane, qui l’étudie.

Alerte sur Twitter

Afin de confondre encore davantage les scientifiques, l’étoile de Tabby se calme et n’affiche rien d’anormal à partir de mai 2013. Puis, la semaine dernière, elle recommence à faire des siennes. Une baisse de luminosité de 2 % est détectée.

« APPEL À L’ACTION ! ! », lance le 19 mai sur Twitter Tabetha Boyajian. « L’ÉTOILE DE TABBY DIMINUE ! OBSERVEZ ! ! ! », enchaîne-t-elle. Partout dans le monde, des télescopes se braquent sur l’étoile la plus intrigante de la galaxie.

Mont-Mégantic dans la mêlée

Parmi ceux qui voient le message de Tabetha Boyajian se trouve Lison Malo, astronome de soutien à l’Observatoire du Mont-Mégantic. Elle réagit rapidement. « La météo s’annonçait extrêmement belle pour la nuit à l’Observatoire du Mont-Mégantic, raconte-t-elle. On s’est dit : Go. Quand on a des occasions comme ça de collaborer internationalement, il faut les prendre. » Il faut dire que l’Observatoire a le jouet parfait pour scruter l’étoile de Tabby : une caméra toute neuve, appelée PESTO (pour Planètes extra-solaires en transit et occultations), capable de mesurer la luminosité d’une étoile 20 fois par seconde. L’équipe la braque sur KIC 8462852 pendant cinq heures et demie, dans la nuit du 19 au 20 mai, ce qui lui permet d’accumuler une quantité folle d’information qui n’a pas encore pu être analysée.

« Je n’ai pas vu d’autres équipes qui ont pu travailler avec une telle cadence temporelle, et nous sommes en contact avec l’équipe de Tabetha Boyajian pour lui acheminer les données », dit Lison Malo.

Nouvelle hypothèse

Dans tout le brouhaha causé par la récente baisse de luminosité de KIC 8462852, une nouvelle hypothèse a été lancée il y a quelques jours par une équipe espagnole. Sa théorie : la baisse de luminosité serait provoquée par une grosse planète entourée d’un imposant système d’anneaux et qui traînerait dans son orbite deux nuages d’astéroïdes, appelés « astéroïdes troyens ». En passant devant l’étoile, cet imposant bataclan masquerait la lumière de façon à expliquer les nombreuses fluctuations observées. « Ça a l’avantage de faire intervenir des phénomènes connus qui ne sont pas farfelus », commente Robert Lamontagne, de l’Université de Montréal. Si l’explication est bonne, une nouvelle baisse importante devrait survenir autour de 2021, quand la planète repassera devant l’étoile. À suivre.

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