Trouble déficitaire de l’attention

Prescription : bouger

De nombreux enseignants le savent d’instinct : un enfant qui fait régulièrement de l’activité physique sera plus réceptif, plus concentré. N’empêche, les études sérieuses sur le sujet sont rares. Des chercheurs québécois se sont donc penchés sur la question, et ils sont formels : si le sport bénéficie à tous, à l’école, les avantages sont encore plus grands pour les enfants avec un trouble du déficit de l’attention.

Voilà la conclusion à laquelle en est venu Philippe Simard, étudiant à la maîtrise en kinésiologie à l’Université Laval, soutenu dans son travail par la Dre Leila Ben Amor, pédopsychiatre à l’hôpital Sainte-Justine et professeure à l’Université de Montréal. L’ambitieux programme : faire bouger 141 enfants pendant 30 minutes, trois fois par semaine, pendant trois mois.

Dans le gymnase de leur école, sur l’heure du dîner, ces jeunes participaient à des jeux très actifs et structurés. L’étudiant a ensuite évalué les effets du sport sur des critères précis, paramétrés, comme le comportement, la mémoire et la concentration. Les résultats de l’enquête, qui a eu lieu en 2012 et 2013, sont sur le point d’être publiés.

« Ce qu’on a vu, c’est que tous les enfants s’améliorent après avoir fait du sport, qu’ils aient eu un diagnostic ou non, mais que l’effet est plus important chez ceux qui ont un TDAH. »

— Philippe Simard, étudiant à la maîtrise en kinésiologie à l’Université Laval

Après avoir intégré l’activité physique intense de façon régulière, ces enfants contrôlaient mieux leurs mouvements, et étaient plus en mesure de se concentrer, preuves à l’appui. Que ces jeunes prennent des médicaments ou non pour leur TDAH, les résultats sont tout aussi convaincants.

LE SPORT, UN REMÈDE ?

En classe, certains bougent constamment. Ou ils font du bruit. Ils rêvassent, loupant du coup la théorie sur les nombres premiers. « Les nombres quoi ? Mais vous avez vu les oies dans le ciel ? Dites, ces oies, elles mangent quoi ? »

Les enfants atteints du trouble déficitaire de l’attention ont chacun leur histoire, mais pour plusieurs, la vie scolaire, c’est un défi. 

« Les enfants avec un TDAH, ils bougent aussi pour se stimuler, pour être concentrés, explique Louise, mère de deux garçons diagnostiqués. Pour eux, l’école, ce n’est pas toujours évident. »

Pendant des années, la mère de famille a intégré, avec succès, le sport dans la vie familiale. Matin, midi et soir.

« C’est intuitif [de penser] que l’exercice, c’est bon pour des jeunes hyperactifs, mais il faut quand même le valider au plan scientifique, explique Martin Gignac, médecin et secrétaire de la CADDRA, une association canadienne de médecins impliqués dans le traitement du TDAH. Après ça, on pourra parler de programmes qui seraient plus structurés dans les écoles, et peut-être même de stratégies pour aider les parents à la maison. »

Le médecin se réjouit de voir de nouvelles études sur le sujet.

« Faire de l’exercice, ça ne touchera pas seulement les fonctions scolaires. Ça va probablement engager ces jeunes avec d’autres jeunes. On va travailler leurs habiletés sociales, leur estime personnelle, parce que s’ils performent bien, ils vont se valoriser. »

— Martin Gignac, médecin spécialisé dans le traitement du TDAH

L’idée n’est toutefois pas de remplacer la prise de médicaments par une demi-heure de sport. « Ça ne veut pas dire qu’il faut exclure du tableau thérapeutique le fait que la médication, ça demeure quand même une option intéressante pour plusieurs jeunes, précise Martin Gignac. Il y en a plusieurs qui en ont besoin. J’ai tendance à penser que ça va venir en traitement d’appoint, et peut-être que ça va nous permettre, pour certains jeunes, de diminuer la médication. »

L’EXPÉRIENCE AMÉRICAINE

Une équipe de chercheurs de l’Université du Vermont et de l’Université Michigan State a justement étudié l’impact du sport chez les jeunes « à risque » d’être diagnostiqués d’un TDAH. Des enfants qui présentent plusieurs symptômes (grouillants, impulsifs, inattentifs…), mais qui n’ont pas été évalués par un professionnel.

L’étude, publiée en septembre, révèle là aussi que l’activité physique a des impacts positifs chez tous les enfants, mais de façon encore plus prononcée chez ceux dont les comportements laissent croire à un TDAH.

« C’est le fruit de six ans de collecte de données, explique Betsy Hoza, professeure de psychologie à l’Université du Vermont et auteure de plusieurs études sur le TDAH. Et en résumé, on vient de prouver que l’attention est l’une des variables les plus améliorées chez les enfants qui font régulièrement de l’exercice. Chez tous les enfants, mais particulièrement chez ceux qui pourraient recevoir un diagnostic de trouble déficitaire de l’attention. »

Un des éléments intéressants de l’étude, précise-t-elle, c’est la valeur de l’exercice physique sur une base régulière. Ainsi, les effets ne sont pas qu’immédiats, dans les heures qui suivent une période de sport. Les répercussions se font sentir même les jours où aucune activité physique n’est au programme.

ET APRÈS ?

Le défi, maintenant, est de détailler quel type d’activité physique est bénéfique, à quelle intensité et à quelle fréquence, soutient la Dre Ben Amor. Si la communauté scientifique arrive à trouver des réponses à ces questions, c’est tout le traitement des enfants avec un TDAH qui pourrait être touché.

« L’activité physique est importante, mais si on veut l’utiliser comme un traitement, il faut déterminer à quel dosage, et à quelle fréquence. On ferait pareil avec un nouveau médicament. »

— Dre Leila Ben Amor, pédopsychiatre à l’hôpital Sainte-Justine

Il est permis de croire, acquiesce-t-elle, qu’un jour le diagnostic de TDAH soit accompagné, pour certains enfants, d’une prescription d’activité physique bien précise.

L’étude de Philippe Simard se poursuivra d’ailleurs à Montréal au cours des prochains mois. L’équipe de chercheurs est à la recherche d’écoles où implanter un bref programme d’activité physique.

Avec un programme sportif spécifique, intégré à la vie scolaire, « on a à la fois une action préventive et une action thérapeutique, conclut la Dre Ben Amor. L’enfant qui n’a rien va en bénéficier, l’enfant qui est à risque va s’améliorer, et finalement, ceux qui ont un diagnostic de TDAH vont en profiter. Les bénéfices surpassent largement les coûts d’un programme comme celui-là ».

LE TDAH, C’EST QUOI ?

L’existence du trouble déficitaire de l’attention n’a plus besoin de preuves scientifiques. Le cerveau de ceux qui en sont touchés fonctionne bel et bien différemment. Chez eux, certains neurotransmetteurs, comme la dopamine et la noradrénaline, ne feraient pas totalement leur boulot. Ces neurotransmetteurs ont, entre autres, un rôle à jouer dans l’organisation des idées, le contrôle des pensées, et la régulation du comportement. Dans certains cas, le trouble de déficit de l’attention peut être accompagné d’hyperactivité, d’impulsivité, d’opposition ou d’anxiété. Le diagnostic de ce trouble doit toutefois être posé après une investigation rigoureuse. Au Québec, les psychologues peuvent se prononcer sur la présence, ou non, de ce trouble neurologique. On ignore avec certitude ce qui cause le TDAH, mais souvent, il serait d’origine héréditaire. Les chiffres varient, mais entre 5 et 8 % des enfants pourraient être touchés, ainsi que 4 % des adultes.

Sources : www.attentiondeficit-info.com et www.douglas.qc.ca/info/trouble-deficit-attention

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.