Berce du Caucase

Une plante vénéneuse causant de graves brûlures prolifère au Québec

Des horticulteurs amateurs se l’arrachent pour ses belles fleurs blanches et sa grande taille. Or sa sève peut entraîner de graves brûlures au simple contact. Sans tambour ni trompette, la berce du Caucase, une plante exotique très vénéneuse, prolifère dans diverses régions du Québec, surtout près des cours d’eau. Explications de Claude Lavoie, professeur de biologie à l’Université Laval et spécialiste de cette plante envahissante.

Quelles blessures cette plante peut-elle causer ?

Sa sève contient des molécules chimiques qui, lorsqu’elles entrent en contact avec la peau après une exposition aux rayons du soleil, vont provoquer des brûlures du deuxième degré et même, dans de rares cas, du troisième degré. Ces brûlures peuvent être assez sévères, notamment chez les jeunes enfants. Ça ne se manifeste pas tout de suite. Si je touche une ortie, par exemple, je vais faire un bond, mais pas si je suis en contact avec la sève de la berce du Caucase. La réaction met de 24 à 48 heures à se manifester. Les cicatrices peuvent rester des années durant. On recommande aux gens en contact avec la sève de se laver immédiatement et de recouvrir ensuite leur peau pour ne plus être exposés aux rayons UV pendant au moins une semaine.

Comment est-elle arrivée au pays ?

Elle provient du Caucase, plus précisément de la Géorgie et d’une partie de la Russie. Elle n’a pas une très grande aire de répartition, c’est une plante de montagnes. Elle est très certainement arrivée au Québec à des fins ornementales. C’est une plante spectaculaire, de cinq mètres de haut et de plusieurs mètres de large. On a de forts indices que ce sont des horticulteurs amateurs qui se sont passé des graines, parfois d’une région à l’autre.

Où se trouve cette plante au Québec ?

Il y en a dans toutes les régions du sud du Québec, de Gatineau jusqu’à La Malbaie, et de la frontière ontarienne jusqu’à Rimouski, et une poche à Saguenay. Si on avait à cibler des régions, c’est nettement la région de Québec, de Chaudière-Appalaches, de l’Estrie et quelques endroits au Bas-Saint-Laurent, où il y en a davantage qu’ailleurs. Elle est très, très peu présente à Montréal.

Comment prolifère-t-elle ?

C’est une plante qui a une maturité sexuelle assez tardive. Une graine va germer, et le plant va produire des graines, mais pas avant trois à cinq ans. Les invasions sont donc longues à se bâtir, sauf que quand le plant va fleurir, il va produire de 14 000 à 16 000 graines. Vous voyez l’effet multiplicateur. Il faut un certain temps pour que les populations atteignent une masse critique, mais une fois que c’est le cas, le phénomène s’amplifie rapidement.

Est-elle en expansion au Québec ?

Depuis le milieu des années 2000, il y a une forte expansion des populations. Mais c’est peut-être dû au fait qu’on la repère plus facilement. Mais de toute évidence, il y a plus de plantes en nature qu’il y en avait dans un passé somme toute assez récent. On était rendu à 275 populations en 2015 [contre 169 en 2012]. La nouveauté, ce n’est pas la population, mais l’ampleur de certaines invasions. On a des invasions en règle le long des rivières en Estrie, peut-être une population d’un million d’individus. Le long du ruisseau Fourchette, en Beauce, j’ai vu des centaines de milliers d’individus. Mais on est rendu à presque 0 [plant] après quatre ans de lutte.

Il est donc possible d’éradiquer cette plante ?

Oui. En Estrie, on est vraiment en pleine expansion, mais dans d’autres régions : Beauce, Appalaches, Lévis, Québec, Bas-Saint-Laurent, il y a vraiment des campagnes d’éradication assez soutenues. Des municipalités comme Lévis, Québec, Sherbrooke, Saint-Augustin-de-Desmaures prennent la chose très au sérieux et ont des équipes qui repèrent et éliminent les plants. Les populations [de berce] sont potentiellement en réduction en raison de ces efforts-là. On peut faire quelque chose. De toutes les plantes envahissantes, c’est potentiellement celle dont il est le plus facile de se débarrasser.

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