Chronique

Très chers courtiers immobiliers…

Très chers courtiers immobiliers,

Je sais que vous travaillez fort pour vos clients. Je sais que plusieurs d’entre vous ne roulent pas sur l’or. Mais avec l’envolée du prix des maisons depuis une décennie, votre commission de 5 à 7 % fait souvent tiquer le public… et même les notaires dont les honoraires sont pressés comme des citrons.

Dois-je vous rappeler que le prix des résidences a presque doublé sur l’île de Montréal au cours de la dernière décennie ? La maison médiane qui valait 258 000 $ il y a 10 ans en vaut aujourd’hui 415 000 $. À 5 % de commission, cela signifie qu’un courtier recevra 20 750 $, alors qu’il aurait gagné 12 900 $ il y a 10 ans.

Ne me dites pas qu’il y a deux fois plus de travail à faire !

Je sais bien que la réglementation a évolué. « Les courtiers ont beaucoup plus d’obligations qu’avant. Les responsabilités sont plus grandes », m’a fait falloir Patrick Juanéda, président de la Fédération des chambres immobilières du Québec.

Je comprends aussi que le courtier ne met pas toute la commission dans ses poches. Il doit généralement en verser la moitié au courtier qui représente l’acheteur, ce qui lui laisse tout de même plus de 10 000 $ pour une maison médiane à Montréal. Puis, il doit remettre de 100 à 2000 $ à l’enseigne pour laquelle il travaille. Enfin, il doit payer les dépenses de mise en marché de la propriété, ses frais de formation, de bureau, d’assurances, etc.

D’accord, d’accord. Mais pour le vendeur qui paie la commission (plus les taxes), ça reste dur à avaler.

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Plus la maison vaut cher, plus la commission est indigeste, car le taux reste le même peu importe la valeur de la maison. C’est comme s’il n’y avait pas d’économie d’échelle.

Je suis prête à concevoir qu’il est plus difficile de vendre une résidence qui vaut 1,5 million de dollars qu’une maison qui en vaut 150 000 $. Mais est-ce que ça exige vraiment 10 fois plus de temps, d’effort et de labeur ? Est-ce que ça justifie une commission 10 fois plus élevée ? Pas sûre.

À Vancouver, où je suis allée en reportage cet hiver, les courtiers immobiliers ont une grille de commission progressive. Ils exigent 7 % sur la première tranche de 100 000 $, puis 2,5 % sur le reste de la valeur de la maison.

Cette tarification est bien plus avantageuse que la nôtre. Sur une maison de 400 000 $, par exemple, la commission serait de seulement 14 500 $ en Colombie-Britannique, contre 20 000 $ au Québec. Sur une maison de 1,5 million, l’écart est encore plus large. La commission de 75 000 $ à Montréal est pratiquement deux fois plus élevée qu’à Vancouver (40 000 $).

Il est vrai que les maisons valent trois fois plus cher sur la côte Ouest, si bien que les courtiers empochent quand même des commissions plus élevées qu’ici. N’empêche, cette tarification à paliers a du bon.

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Il faut quand même dire que les commissions ont baissé au Québec, avec l’arrivée de nouveaux concurrents.

Officiellement, la commission reste entre 5 et 7 %, mais en réalité, les clients paient maintenant autour de 4 ou 5 %, m’ont confirmé différents experts. On voit même des courtiers offrir des commissions à 2,9 % sous de grandes enseignes.

« Ça a énormément évolué sur le terrain. Aujourd’hui, il y a différents modèles d’affaires qui offrent différentes gammesde services. L’écart est énorme.La rémunération est différente aussi. »

— Patrick Juanéda

Le vendeur autonome peut désormais vendre sa maison tout seul en faisant appel à une entreprise d’assistance comme DuProprio qui lui demandera une somme forfaitaire de 700 $ à 1000 $ pour afficher sa maison sur le web, et certains extras par la suite.

Certains courtiers comme Proprio Direct offrent une commission réduite (par exemple : 1 ou 2 %) si le propriétaire déniche l’acheteur lui-même.

D’autres fournissent des garanties aux vendeurs. Par exemple, ils peuvent leur certifier qu’ils achèteront leur maison si jamais aucun acheteur ne se pointe, ou encore leur promettre un rabais si la résidence n’est pas vendue à l’intérieur d’un délai prédéterminé.

Certains contrats peuvent aussi prévoir que le courtier diminuera sa commission si l’acheteur n’est pas représenté et qu’il peut donc conserver la commission en entier plutôt que de la partager avec un courtier collaborateur. Toutefois, ce genre de clause sera annulée si le vendeur reçoit des offres simultanées.

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Mais au-delà de la commission, les propriétaires ne doivent pas perdre de vue la stratégie de mise en marché, un élément qui passe trop souvent sous silence dans les discussions entre le courtier et son futur client.

Quelle énergie va-t-il déployer pour mettre la maison en vente ? Où sera-t-elle affichée ? Combien de visites libres seront prévues ? Quel sera le taux de la commission versée au courtier collaborateur ? Mine de rien, la rémunération du courtier de l’acheteur peut jouer un rôle clé dans la conclusion d’une transaction.

Si le vendeur négocie trop serré la commission, il risque de se retrouver avec une mise en marché déficiente… et une maison qui ne se vend pas facilement. Tout est une question d’équilibre.

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