Programme canadien masculin

Les défis d’Octavio Zambrano

Prénom : Octavio. Nom : Zambrano. Missions : sortir le soccer masculin canadien de son marasme, lui donner un souffle nouveau à tous les étages et, à terme, faire en sorte qu’une participation à une Coupe du monde ne soit plus une lointaine chimère.

Le projet est vaste, voire pharaonique, tant ses prédécesseurs ont lamentablement échoué dans leur tentative de remettre le programme sur les rails. Aujourd’hui, le Canada croupit au 117e rang du classement de la FIFA, coincé entre le Botswana et le Nicaragua. Alors, par quoi le nouveau sélectionneur canadien, natif de l’Équateur, doit-il commencer ? Il n’y a pas une unique bonne réponse, mais plusieurs pistes à explorer. 

Le jour de sa nomination, le principal intéressé a résumé ses axes de travail par trois concepts : la passion, la fierté de porter le chandail rouge et la création d’une identité propre au Canada (« Ce ne sera pas une copie du football allemand ou anglais »). Par-dessus tout, il souhaite un changement radical de mentalité. Par des barrières psychologiques, tant de rêves d’une présence à un Mondial se sont brisés dans des stades d’Amérique Centrale au cours des dernières années.

« Il faut vraiment commencer à axer toute la préparation et la formation des joueurs en fonction des qualifications de la CONCACAF. À long terme, il y a plusieurs défis, et je sais qu’il souhaite la création d’un championnat au Canada pour que les joueurs aient du temps de jeu. Mais, avant tout, il faut surtout les préparer à la mission de jouer au Honduras ou au Mexique », souligne l’ancien joueur Patrick Leduc. 

« D’un cycle à l’autre, on est de plus en plus loin de rivaliser avec des équipes qui, au départ, n’avaient pas les mêmes ressources. »

— Patrick Leduc

« Nos jeunes U15, U17 ou U20 doivent avoir disputé 100 ou 150 matchs dans la CONCACAF, ajoute l’entraîneur-chef des Carabins, Pat Raimondo. Jouer en Angleterre, ça ne nous aide pas dans cette situation. Peut-être doit-il créer une structure pour que nos jeunes soient exposés à ce type de match. »

L’héritage de son prédécesseur, Benito Floro, n’a rien de très emballant, mais il a, au moins, accéléré l’arrivée de joueurs binationaux comme Scott Arfield, Junior Hoilett ou Tesho Akindele, rappelle Leduc. Mais quelle empreinte a-t-il laissée dans le développement des jeunes joueurs ? Aucune, pointent rapidement nos intervenants. Zambrano, lui, a déjà clamé que cet aspect du métier était une « passion » et qu’il souhaitait travailler à la base de la pyramide.

« Il y a de bons jeunes joueurs, dont certains qui sont avec nous, précise Patrice Bernier. J’espère qu’on lui donnera le temps de pouvoir travailler, d’autant plus qu’il va le faire avec toutes les sélections de jeunes. Une identité de jeu va pouvoir se créer à travers ça. La Gold Cup arrive, et il y a beaucoup de travail sur la planche, mais cela se fait en fonction de la Coupe du monde 2022. »

« Il semble se poser les bonnes questions, notamment au niveau du complexe d’infériorité qui est très flagrant avec l’équipe canadienne. »

— Patrice Bernier

Au-delà de son rôle de sélectionneur, Zambrano a donc aussi été nommé à la tête d’un programme intégré regroupant toutes les équipes masculines, des moins de 14 ans jusqu’à la sélection senior. Cette décision rappelle forcément ce qui avait été fait avec le volet féminin. 

« Ça pourrait être mieux pour les deux côtés si tout le monde arrêtait de travailler en vase clos et que la division était moins grande, soutient d’ailleurs Raimondo. Zambrano devrait avoir une grande discussion avec [le sélectionneur de l’équipe féminine] John Herdman pour qu’il lui présente son modèle et qu’il s’en serve pour aider les gars. Les réalités entre les deux ne sont pas les mêmes, mais il y a des choses qui peuvent être copiées. »

« Ça ne peut pas être pire »

En grande partie, le travail de Zambrano devra être jugé à long terme. Mais son CV autant que le contenu de sa présentation, la semaine dernière, ont été perçus favorablement aux quatre coins du pays. 

« Il a une formation américaine, il connaît la MLS et la culture latino-américaine, qui est différente de la nôtre. J’espère qu’il va apporter une nouvelle perspective au programme, lance Leduc. Cette nomination va nous amener quelque chose de neuf. Est-ce que ce sera bon ? Je ne sais pas, mais je vois mal comment ça pourrait être pire, même si tout se peut. »

L’objectif ultime reste évidemment de participer à la Coupe du monde pour la première fois depuis l’édition mexicaine de 1986. Classé 14e dans la zone CONCACAF, le Canada part de loin. Sa dernière qualification pour la dernière ronde des éliminatoires (« Hex ») remonte à 1997. « Si la Coupe du monde va à 64 équipes, il y a plus de chances, rigole Raimondo. Non, ce sera difficile parce que le Mexique et les États-Unis ont une grande avance. Puis, on a de la difficulté avec des pays comme le Honduras ou le Costa Rica. » 

Zambrano sait, au moins, par où commencer son travail.

« Facile d’approche »

Zambrano est loin d’être un inconnu dans le petit monde de la MLS. Il pointe même au 12e rang de l’histoire au chapitre des victoires (80) après ses passages à la barre du Galaxy de Los Angeles (1997-1999) et des MetroStars de New York (2000-2002).

Il a cependant vécu sa dernière expérience en Amérique du Nord en tant qu’adjoint de Peter Vermes à Kansas City (2009-2011). « Peter était responsable de toutes les facettes, et ça semblait un peu difficile pour Octavio de trouver sa place parce qu’il souhaitait devenir le manager, a raconté le troisième gardien de l’Impact, Eric Kronberg. Mais il avait une bonne relation avec tous les joueurs et c’était un entraîneur facile d’approche. »

En raison de sa position, Kronberg n’est pas forcément celui qui a le plus côtoyé Zambrano durant ces deux saisons. Mais il se souvient de la pertinence de son travail tactique, dont on retrouve encore des traces dans le pressing soutenu du Sporting. 

« Il était efficace avec les attaquants, pour leur faire comprendre quand et comment presser l’adversaire. Il voulait que nos attaquants soient la première ligne de défense et que cela soit facile, pour le reste de l’équipe, de bien défendre. L’équipe canadienne compte sur des joueurs qui travaillent fort et Octavio va apporter la même chose : déterminer le bon moment pour presser, regagner le ballon haut sur le terrain et faire en sorte que, derrière les attaquants, les autres joueurs puissent bien lire le jeu. »

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