France

« Libérez Jacqueline »

Hollande appelé à gracier une femme condamnée pour le meurtre de son mari violent

PARIS — En 2012, la Française Jacqueline Sauvage a tué son mari de trois coups de fusil dans le dos. Le meurtre est survenu au lendemain du suicide de leur fils qui, comme sa mère et ses trois autres sœurs, avait subi la violence de son père pendant de nombreuses années. Condamnée à 10 ans de prison, Jacqueline Sauvage devrait-elle bénéficier de la grâce présidentielle ? 

François Hollande, qui a reçu hier ses filles, se donne le « temps de la réflexion » avant de prendre sa décision, selon son entourage. Sylvie, Carole et Fabienne Marot, qui réclament une grâce pour leur mère âgée de 68 ans ont rencontré le chef de l’État hier après-midi, pendant une heure, avec les deux avocates de Jacqueline Sauvage, Nathalie Tomasini et Janine Bonaggiunta. 

À l’issue de l’entretien, l’entourage de M. Hollande, a fait savoir que celui-ci se donnerait « le temps de la réflexion avant de prendre sa décision ». Le président « a été particulièrement sensible à l’existence de circonstances exceptionnelles » dans cette affaire, a affirmé Me Tomasini à la presse en sortant du Palais présidentiel. 

Selon Me Bonaggiunta, il a fait savoir qu’il rendrait sa décision « très prochainement ». 

« Il ne nous a pas dit oui, il ne nous a pas dit non, mais il nous a vraiment écoutées. »

— L’une des filles de Jacqueline Sauvage

« Libérez Jacqueline ! » : ce slogan s’est propagé à partir du 3 décembre en France avec l’appui d’associations féministes, de personnalités et de responsables politiques, qui dénoncent « un déni de justice », jusqu’à avoir recueilli 398 000 signatures hier sur le site internet change.org. 

Jacqueline Sauvage a tué son mari en septembre 2012 de trois coups de fusil dans le dos après qu’il lui eut fait subir pendant 47 ans des violences, notamment sexuelles, dont ses quatre enfants ont également été victimes, au lendemain du suicide de leur fils. 

La confirmation en décembre de sa condamnation à 10 ans de prison par la cour d’Assises du Loir-et-Cher a révolté ses trois filles. « Notre mère a souffert tout au long de sa vie de couple, victime de l’emprise de notre père, homme violent, tyrannique, pervers et incestueux », plaident Sylvie, Carole et Fabienne. Un témoignage qui fait écho aux accusations de laxisme portées à l’encontre de la justice dans les affaires de violences faites aux femmes. 

Un comité de soutien réunissant en particulier la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo et l’écologiste Daniel Cohn-Bendit s’est à cet égard constitué, tandis que des militantes féministes des Femen ont manifesté seins nus il y a une semaine devant la prison de Saran où elle doit théoriquement purger sa peine jusqu’à juin 2018. 

LÉGITIME DÉFENSE ? 

Droit régalien des anciens rois de France, supprimé par les révolutionnaires, puis rétabli par Napoléon Bonaparte et repris dans toutes les Constitutions depuis 1848, la grâce présidentielle s’apparente à une suppression ou à une réduction de la peine, et non à une amnistie, la condamnation restant inscrite au casier judiciaire. 

L’entourage de M. Hollande avait rappelé récemment qu’il n’était par principe pas favorable à la grâce présidentielle, rare en France. Depuis son élection en 2012, il ne l’a d’ailleurs exercée qu’une fois, en permettant en 2014 une libération conditionnelle du plus ancien détenu de France. 

La légitime défense est au cœur du combat mené par les proches de Jacqueline Sauvage. Une femme battue, acquittée en 2012 pour le meurtre de son mari, est montée au créneau cette semaine pour souligner que la sexagénaire « n’a fait que riposter à toutes ces attaques pendant 47 ans ». 

« LUI OU MOI »

« Ils auraient préféré quoi ? Qu’elle fasse partie des 118 femmes qui meurent chaque année sous les coups des maris violents ? », s’est interrogée Alexandra Lange. 

Cette femme avait tué d’un coup de couteau à la gorge son mari qui tentait de l’étrangler. Au cours de son procès, elle avait déclaré : « C’était lui ou moi » et la légitime défense avait été retenue en sa faveur. 

Mais au procès de Jacqueline Sauvage, l’avocat général avait au contraire estimé que la légitime défense n’était « absolument pas soutenable ». 

« Aux violences de son mari, elle aurait dû répondre par un acte proportionné, immédiat et nécessaire. Face à un coup de poing (…), elle tire trois balles », avait-il clamé. 

L’avocate de Jacqueline Sauvage avait au contraire demandé aux jurés de « prendre la mesure des conséquences irréversibles des violences faites aux femmes ». 

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