Festival Mode & Design Exposition

La féminité plus forte que le cancer

Huit femmes âgées de 26 à 60 ans qui ont été touchées par le cancer du sein ont posé devant l’objectif de Julia Marois avec des tenues hautes en couleur et des foulards sur la tête, symbole de la perte des cheveux lors des traitements de chimiothérapie. 

Chaque photo est accompagnée d’une jolie illustration de Lili Sohn, qui a elle aussi eu un cancer du sein. « J’ai appris que j’avais le cancer du sein en février 2014, à 29 ans. C’est important pour moi de sensibiliser les femmes de tous les âges au cancer et de montrer une autre image de la maladie. On peut être belle et garder sa féminité malgré tout. J’avais besoin d’alléger mon quotidien, de dessiner, de rire et de transformer la maladie en quelque chose de positif », affirme Lili Sohn, bédéiste et instigatrice du projet.

Pour Jenn Pocobene, directrice artistique et styliste de l’exposition, il était évident qu’elle ne souhaitait pas prendre des mannequins d’agence, mais plutôt des femmes qui ont eu le cancer et qui, à travers la photo, montrent leur personnalité et racontent un moment plus léger de leur épreuve.

« Ces femmes sont belles et chacune, à travers le choix des vêtements qu’elle porte, révèle qui elle est. Je voulais montrer quelque chose de joyeux et de ludique. L’univers des photos est pop et très coloré, ce qui colle bien aux illustrations de Lili Sohn. »

— Jenn Pocobene, directrice artistique et styliste de l’exposition

Chacune des huit femmes a raconté une anecdote ou donné un conseil à Lili Sohn, qu’elle a mis en image. « C’était intéressant de travailler avec elles et d’arriver à trouver quelque chose de personnel et d’amusant en même temps sur la maladie. Par exemple, Maude m’expliquait qu’il était difficile pour sa petite fille de voir sa maman sans cheveux. Elle a donc acheté des perruques très colorées, roses et bleues, qu’elles portent toutes les deux pour pouvoir continuer à se ressembler et j’ai trouvé ça très beau comme histoire. France racontait à ses enfants que la chimiothérapie, c’était de la potion magique et qu’elle était en train de se transformer en superhéros », dit Lili.

« La mode peut nous aider et redonner le sourire. Le foulard, c’est vraiment le symbole de ce moment de ta vie lorsque tu fais de la chimiothérapie. Porter un foulard, c’est finalement le moyen le plus pratique et souvent le plus beau, et, en plus, il s’accorde bien avec les vêtements », confie Lili.

L’exposition Sein(s) est présentée en plein air à la Place des Arts jusqu’au 22 août, à l’angle des rues Sainte-Catherine et Jeanne-Mance.

EXPOSITION

Leçon de (street) photographie

ADAM KATZ SINDING

C’est un fait. Aujourd’hui, les invités des défilés de mode sont tout autant les vedettes – sinon plus – que les défilés eux-mêmes. Le succès des premiers blogues consacrés à la photographie de rue a poussé les photographes à réinventer le genre.

Certains se sont tournés vers les femmes plus matures. Des photographes recherchent plutôt les clichés pris sur le vif, non posés (c’est le cas notamment de Kamel Lahmadi, de @StyleandtheCity). D’autres optent pour une approche qui tient davantage du photojournalisme que de la photo de mode, et valorisent d’abord et avant tout le vêtement.

C’est le cas d’Adam Katz Sinding, un Américain de 32 ans qui s’est lancé dans la prise de vues autour des défilés il y a déjà plus de cinq ans.

Son blogue, Le 21ème (nommé en référence aux 20 arrondissements de Paris, où il a passé quelques mois), l’a imposé comme l’un des maîtres du genre aux États-Unis. Son compte Instagram, nourri de ses nombreux voyages, est suivi par plus de 390 000 abonnés.

On l’attrape au téléphone au saut du lit. Son humeur, d’abord un peu mauvaise, laisse rapidement paraître la passion qui l’anime. Comme son franc-parler. Adam Katz Sinding sera à Montréal pour la première fois le 17 août. Les Montréalais s’attireront-ils les faveurs de sa caméra ? Réponse ci-dessous.

C’est votre première fois à Montréal. Vous avez des attentes quant à la mode et au style d’ici ?

J’essaie de ne pas en avoir. Quand j’arrive quelque part, j’aime être surpris. Ceci étant, Montréal a une très bonne scène artistique et musicale, de très bons sites d’e-commerce. Je crois que les gens vont être assez ouverts d’esprit.

On retrouve sur Le 21ème deux sujets montréalais. Isaac Larose (cofondateur de Larose Paris) et sa compagne, Florence Proulx-Provencher. Vous les connaissez bien ?

Non. C’est toute l’idée de mes photos : ne pas connaître les gens. Me tenir à distance de la scène. Je préfère de loin faire de bonnes photos plutôt qu’avoir des connaissances dans le monde de la mode. Mais je parle quand même. En France, les gens disent bonjour, on leur répond, c’est comme ça.

Qu’est-ce qui attire votre regard ?

Cela change chaque saison. Mais mon travail parle de moins en moins de mode et de plus en plus de mouvement, de lumière. En fait, je réagis plus à ce que je vois que je ne choisis mes sujets. Je ne pense pas vraiment en avance à ce que je fais. Si je vois quelqu’un à l’entrée d’un défilé, mais que je ne peux pas l’avoir pour une raison ou une autre, je vais attendre qu’il sorte. Mais autrement, les choses arrivent très naturellement.

Vous ne demandez donc pas à vos « sujets » de poser.

En général, non. Cela m’arrive occasionnellement avec des mannequins, parce que j’aime prendre leur portrait. Mais j’évite, car les gens sont dans leur mouvement, et je les interromps. Si je m’approche à un mètre d’eux, je ruine aussi la photo des autres photographes.

Le 21ème est, selon votre mot, « NOT a street-style blog ». Quelle est la distinction que vous faites alors entre votre travail et la photo street-style ?

Bien sûr que c’est du street-style. Je dis que cela n’en est pas, mais c’est pour souligner que je veux montrer quelque chose au-delà du street-style, qui est souvent très commercial. Ma proposition est différente. Je vois mon travail plutôt comme du photojournalisme. Je m’intéresse aux gens qui sont bien habillés, mais aussi à ceux qui ont un style ridicule. Le fait de s’habiller de façon outrancière en dit aussi beaucoup.

Comment ce genre a-t-il changé depuis vos débuts ?

C’est devenu gros. Beaucoup de gens sont là seulement pour faire de l’argent. Si je faisais des photos plus commerciales, je pourrais moi aussi faire 10 fois plus d’argent. Mais je prends des photos d’abord pour moi. Gagner de l’argent n’est pas la raison pour laquelle je me suis lancé là-dedans. J’ai décliné un boulot à Miami pendant la dernière semaine de mode de Paris où je pouvais gagner beaucoup d’argent. Mais cela n’aurait pas été honnête avec ceux qui me regardent et mes éditeurs. De me voir réagir comme ça, je vois que je le fais pour les bonnes raisons. Aujourd’hui, la plupart des gens qui font des photos de mode ne sont pas là pour les bonnes raisons et pour la mode. Je vais peut-être avoir l’air snob, mais cela me dérange.

On dit beaucoup que la présence massive de photographes autour des défilés a changé la façon dont on s’habille pour s’y rendre. C’est justifié, selon vous ?

Les gens posent plus en effet. Si je vois quelqu’un qui s’habille de façon excentrique, cela va attirer mon œil. Mais on peut reconnaître assez facilement qui s’habille de façon artificielle, sans authenticité. Eux, je ne les prends pas en photo. Il y a aussi beaucoup de blogueurs qui sont « célèbres » sur l’internet et qui pourraient faire l’objet d’une bonne photo, mais je n’aime pas leur style, ou ce qu’ils font, alors je ne voudrais pas les promouvoir. Je préfère prendre des photos de gens que j’aime. Et je n’ai aucune envie de plaire à quiconque d’autre que moi-même.

Vous postez énormément sur Instagram. Qu’est-ce que ce réseau social a changé ?

Je dois attribuer la majeure partie de mon succès à Instagram. Et je n’ai aucun problème à leur céder l’usage de mes photos, car on en bénéficie mutuellement. Le seul problème, c’est que tout va très vite. Je peux prendre une photo géniale, et en deux secondes tout le monde l’aura oubliée.

Instagram permet-il un nouvel âge d’or de la photographie de rue ?

Le trafic sur mon site n’a pas augmenté depuis des années. Je ne crois pas que les gens naviguent sur l’internet alors qu’ils peuvent juste « scroll down » [faire défiler vers le bas] pour voir tout ce qui les intéresse. Pourquoi iraient-ils encore sur des sites ?

Quand vous voyagez, trouvez-vous que la mode s’est uniformisée sous l’effet d’Instagram, justement ?

Pas vraiment. Paris est assez unique. New York et Londres aussi. Mais c’est vrai que quand tu vas dans des semaines de mode de villes plus petites, tu vois que des tendances sont les mêmes. Tu te retrouves au Kazakhstan en te disant : comment c’est possible que les gens portent cette tendance ? Oui, il y a les mêmes magasins partout, mais cela ne veut pas dire que tu sais comment porter la tendance. Alors comment ? Ce n’est pas juste en voyant les magazines. Il y a des tendances où tu peux te dire : aucune chance que cela ne soit arrivé autrement qu’avec les médias sociaux. Mais il y a des villes qui ont vraiment quelque chose d’unique. Je pense à Copenhague : les gens là-bas ont de quoi faire passer les Parisiens pour des fainéants.

Adam Katz Sinding est l’invité du FMD, dans le cadre duquel il donnera une conférence demain de 17 h 30 à 18 h 30.

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