La chute du ministre
Au cours des 14 mois où Stéphane Dion occupe le poste de ministre des Affaires étrangères, il ne rencontre pas une seule fois le premier ministre Trudeau en tête-à-tête afin de discuter de la politique étrangère du Canada.
John Baird, l’ancien ministre de Stephen Harper, avait un tout autre rapport avec son patron. Il rencontrait régulièrement le premier ministre et il n’hésitait pas à lui téléphoner le week-end pour discuter de certains dossiers. Les échanges étaient parfois vigoureux.
En France, au moment de la présidence de François Hollande, son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, prenait le petit-déjeuner avec lui tous les mardis à 8 h 30 afin de faire le point sur les affaires du monde. La France, il est vrai, prend très au sérieux la politique étrangère et nourrit des ambitions planétaires.
Dion ne cherche pas à copier le modèle français. En fait, tout au long de son mandat, le ministre demande à plusieurs reprises l’organisation d’une seule rencontre afin de discuter en profondeur des grandes orientations de la politique étrangère. À titre de ministre, c’est lui qui doit articuler le retour du Canada sur la scène internationale, retour tant souhaité par le premier ministre pendant la campagne électorale et décrit en détail dans la lettre de mandat que le ministre reçoit de Trudeau au lendemain de son assermentation, en novembre 2015.
Il cherche l’écoute et l’assentiment de Trudeau. Étrangement, toutes les tentatives pour organiser un rendez-vous échouent. Les raisons officielles sont multiples : conflits d’horaires, calendriers chargés, voyages, mauvaises communications.
L’histoire de ce rendez-vous manqué est difficile à décrypter. Une chose demeure : le premier ministre ne manifeste jamais une envie débordante de rencontrer son ministre.
Pourquoi ? Je formule une hypothèse : l’explication se trouve au confluent de la psychologie et de la politique. Afin de comprendre, il faut remonter le fil du temps, examiner le passé et le présent, et analyser le comportement de l’un et de l’autre.