Diane Bergeron

Ne jamais baisser les bras

Diane Bergeron, 52 ans, n’a jamais eu froid aux yeux. Ceux-ci, d’un bleu pétillant, ne perçoivent plus rien. Que du noir. Jeune, elle a mis du temps à accepter sa condition. Puis, elle a décidé de foncer et, depuis, elle mène une vie trépidante, haute en couleur. Ce matin, elle sera sur la plage, à Mont-Tremblant, au départ de l’Ironman 70.3 de Mont-Tremblant.

« J’aime repousser mes limites, tenter des choses qui me semblent impossibles. J’ai fait du rappel sur un gratte-ciel, alors que j’ai peur des hauteurs. J’ai fait un saut en parachute. J’ai aussi conduit une voiture de course, fait du bateau-dragon », énumère-t-elle.

Aujourd'hui, elle nagera, pédalera et courra en compagnie de sa guide, Kory McDonald. C’est sa deuxième participation, mais le défi reste extrême.

Une loupe, pas de canne

Diane est complètement aveugle. Native d’Écosse, elle a grandi à LaSalle. Atteinte de rétinite pigmentaire, elle a progressivement perdu la vue, et ce, dès l’enfance. À 5 ans, sa mère l’a surprise à balayer le plancher de sa main. La fillette était à la recherche de sa brosse à cheveux, là devant elle, qu’elle n’arrivait pas à voir. Elle a été déclarée aveugle à 10 ans. « Ça a été très difficile à accepter à cet âge. Je ne voulais pas être différente. Mes amies jouaient à des jeux auxquels je ne pouvais pas participer », confie la résidante d’Ottawa.

En vieillissant, Diane a appris à vivre avec une vision défaillante, sans jamais baisser les bras. Elle a poursuivi ses études à l’école ordinaire, à l’aide de ses amies, de livres imprimés en gros caractères et d’une loupe. Elle a néanmoins refusé la canne blanche. « Ce n’était pas pour moi. Même aujourd’hui, je préfère de loin mon chien-guide. »

Sa vue a décliné jusqu’à la cécité, à 30 ans. Ça ne l’a pas empêchée d’être maman, d’étudier à l’université, de voyager aux États-Unis, en Europe, en Australie et en Afrique. Directrice nationale des relations gouvernementales de l’Institut national canadien pour les aveugles, elle prend l’avion deux fois par mois pour représenter l’organisme à l’international. « C’est important pour moi de faire valoir les droits des personnes aveugles, de travailler à améliorer leurs conditions. Saviez-vous que les personnes non voyantes ne peuvent voter de façon confidentielle au Canada ? Il reste beaucoup à faire. »

Adrénaline et détermination

Le triathlon est arrivé dans la vie (déjà bien remplie) de Diane il y a cinq ans. Elle a accepté de relever le défi lancé par une amie. « Je n’avais jamais été sportive, je me considérais âgée et je suis aveugle. Ça n’avait pas de sens de faire un triathlon, mais je me suis lancée tête première. »

À sa première compétition, elle a goûté à l’adrénaline, aux endorphines. « J’ai terminé avant-dernière, mais j’étais tellement heureuse. Quand j’ai fini, j’ai confié à mon mari que je ne savais même pas comment j’avais réussi. Je n’en revenais pas. C’est un accomplissement à tout coup. »

« Diane est une personne incroyablement déterminée, elle est très enthousiaste », raconte son amie Kory McDonald.

« Elle ne voit pas les obstacles, elle se demande plutôt comment elle les franchira. »

— Kory McDonald

« Dans la cohue du départ à l’eau, il faut éviter de se faire bousculer par les autres nageurs. Je nage, reliée à Kory par une corde, explique Diane. Parfois, certains tentent de s’immiscer entre nous deux, on doit nager serrées. En tandem, ce n’est pas plus dangereux qu’en vélo simple, mais les ascensions sont plus difficiles. Par contre, quand on descend, on prend beaucoup de vitesse ! »

Un duo gagnant

Kory accompagne Diane avec plaisir, malgré l’ampleur de la tâche. Tout au long du parcours, elle décrit ce qu’elle voit. En course à pied, elle lui tient la main. « J’informe Diane sur la distance qu’il reste à parcourir, sur le relief, sur ce qui se passe autour. C’est beaucoup de stress, de pression. Je dois m’assurer d’être forte en tout temps, d’être présente pour elle, d’assurer sa sécurité. Mais c’est tellement motivant. Et on s’amuse. Diane est très drôle, elle a toujours des histoires à raconter. »

Dans l’eau, ça se complique un peu. « Comme on ne peut parler, on a développé des codes », dit la guide. Deux tapes sur l’épaule de Diane et le duo fonce à droite. Une tape ? Diane sait qu’il reste 200 mètres à franchir, qu’elle peut ouvrir la machine.

« On a une très belle complicité, une bonne communication, souligne Diane. Pour une personne aveugle, c’est difficile de trouver un partenaire sportif. Avec Kory, ça va très bien. Comme c’est une amie, on peut jaser, s’encourager. Ce sont de longues journées. » Les deux femmes souhaitent franchir le fil d’arrivée en moins de 7 h 30 min.

« Je ne suis pas rapide, mais je le fais avant tout pour moi, précise-t-elle. Les gens sont fascinés, ils me questionnent, me félicitent. Si une personne en difficulté sur le parcours a un regain d’énergie en me voyant, je suis contente. Si je change la perception des gens, que j’aide à éliminer les préjugés et à faire tomber des barrières, c’est encore mieux. »

Il lui arrive encore d’être refusée à des courses, mais de moins en moins. « Diane fonce, elle est une pionnière. Ce sera plus facile pour les prochains », dit son amie. Son ami Richard, aussi aveugle, sera de la partie aujourd'hui. Il est membre de l’équipe Won with One, dont la mission est d’aider les non-voyants à participer à des triathlons.

125 km à relais

Pour Diane et Kory, le demi-Ironman est un passage obligé, avant leur participation à l’Ironman présenté en août à Mont-Tremblant. Il y a deux ans, Diane s’y est attaquée, sans succès. Elle a dû abandonner à 21 km de l’arrivée en raison d’un coup de chaleur. Elle veut maintenant boucler la boucle… avant de relever un nouveau défi.

« J’aime le triathlon. J’aimerais en faire dans d’autres pays : en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Mexique ? Pourquoi pas ? » Avant, elle participera à la mythique Death Race, dans les Rocheuses albertaines. Un parcours de 125 km, avec un dénivelé de 5000 m, qu’elle fera à relais. « Nous serons le premier groupe de personnes aveugles à tenter le coup », se réjouit-elle. C’est une autre barrière qui tombera.

Karine Toledano

42 ans, Montréal

Anesthésiologiste, Karine Toledano est mère de deux paires de jumeaux de… 7 ans et 5 ans ! Concilier entraînement, travail et famille n’est pas une mince affaire. « Quand je travaille 24 heures de suite à l’hôpital, ou que je fais des nuits, je dois être flexible. Sans mon conjoint, je n’y arriverais pas. Je m’entraîne tôt le matin, alors que les enfants dorment. Je veux passer le plus de temps avec eux, ils sont ma priorité. » Son approche ? « Je donne mon 100 %, comme dans tout ce que je fais, ce que je suis. » L’an dernier, elle a terminé 13e (40-44 ans), étonnée. Remise d’une fracture de stress, elle compte faire de son mieux, sans pression.

Jean-François Quesnel

39 ans, Saint-Jean-sur-Richelieu

Pendant plusieurs années, Jean-François Quesnel a chanté dans un groupe de punk-rock, Subb. Il a présenté des spectacles à travers le Canada, au Japon, en Europe. « J’ai savouré chaque moment. Mais la vie nocturne et ses vices, ça ne pouvait pas durer. » Il a tout arrêté pour devenir enseignant au primaire. « Quand j’ai cessé la musique, je me suis retrouvé avec un grand vide. J’ai retrouvé une drive dans le triathlon. » Au début, il était incapable de franchir 200 m, jusqu’à sa boîte aux lettres. Papa d’un garçon de 5 ans et d’une fille de 3 ans, il en sera à son deuxième demi-Ironman. « Je sais à quel point c’est difficile. Ma préparation a été très mentale, je suis prêt à affronter mes démons sur le parcours. »

Isabelle Savard

35 ans, Mont-Tremblant

Elles sont trois infirmières praticiennes des Laurentides. Ensemble, elles forment l’équipe Iron Nurse 2017, nom qu’elles portent avec humour, sans prétention. « Notre but est de sensibiliser notre entourage, nos proches ainsi que nos patients à adopter de saines habitudes de vie », résume Isabelle Savard, de la Clinique du Village de Mont-Tremblant. C’est elle qui nagera pour le trio. Laura Lazzara, infirmière à la Clinique de Saint-Jovite, participera à la section vélo, tandis que Vicky Cowan-Cyr, infirmière en GMF à Saint-Hippolyte, courra jusqu’au fil d’arrivée. Après avoir été bénévoles pour l’événement, des fourmis dans les jambes, les trois femmes passent à l’action. Aujourd'hui, 56 équipes (formées de deux ou trois personnes) seront de la compétition.

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