Vent de changement dans l’autocueillette

La clientèle des consommateurs qui vont cueillir des fraises et des framboises à la ferme est en pleine mutation, révèle une étude réalisée pour une quinzaine de producteurs de l’Estrie. De plus en plus de visiteurs viennent davantage pour faire une sortie en famille au grand air que pour faire provision de grandes quantités de fruits. Un changement qui demande de l’adaptation.

Les producteurs de petits fruits qui ouvrent leurs champs à l’autocueillette sont aux premières loges de deux tendances de fond au Québec, le changement des pratiques culinaires et l’engouement pour l’agrotourisme.

Des particuliers qui viennent se chercher de très grandes quantités de fraises pour les transformer en confitures ou en desserts, et ce, plusieurs fois dans la saison, il y en a encore, mais ils sont souvent âgés de plus de 60 ans. Le reste de la clientèle est surtout composé de parents dans la trentaine accompagnés de jeunes enfants, ou de campeurs et de villégiateurs qui séjournent dans les environs. Ceux-là ne repartent pas avec des dizaines de livres de petits fruits. La firme Papilles a interrogé plus de 800 clients-cueilleurs dans l’Estrie l’été dernier. La facture moyenne tournait autour de 25 $ et la moitié de la clientèle avait dépensé moins de 20 $.

Les producteurs de petits fruits ne se reconnaissent peut-être pas dans le terme « agrotourisme », mais c’est de ça qu’il s’agit quand on considère une visite à la ferme comme une activité familiale. « Et ceux qui sont habitués de faire de l’agrotourisme commencent à avoir des références de qualité. Ils sont plus exigeants. Il faut s’adapter », dit Emmanuelle Choquette, spécialiste en agroéconomie et associée chez Papilles.

Le jeu en vaut la chandelle. Parmi les quelque 500 plus gros producteurs (plus de 1000 plants de fraises ou plus de 250 plants de framboises), les deux tiers tirent au moins une partie de leurs revenus de l’autocueillette. Pour certains, c’est une petite source de diversification. Pour d’autres, toutefois, c’est, avec leur kiosque de vente à la ferme, le moyen de rester indépendant des grands réseaux de distribution et d’avoir une entreprise rentable de plus petite taille, qui nécessite moins de main-d’œuvre.

Si certains ont évolué vers une formule rappelant celle des vergers, avec une aire de jeu, des animaux et une grande variété de produits du terroir, il n’est pas obligatoire d’investir autant, note Mme Choquette.

Par contre, une clientèle familiale en quête d’une belle expérience s’attend à davantage qu’un champ où cueillir des petits fruits accroupi en plein soleil : un accueil agréable, un endroit où s’asseoir à l’ombre, un accès à de l’eau et des toilettes, une personne capable de répondre aux questions sur les variétés cultivées, des recettes…

Une présence sur le Web n’est jamais une mauvaise idée. Certaines exploitations ont leur page Facebook, ce qui est une bonne idée quand on offre une activité dont les heures d’ouverture sont dépendantes de la météo et de l’évolution des champs. Et la carte interactive lancée cette année par l’Association des producteurs de fraises et framboises du Québec semble faire une grande différence : les producteurs signalent un regain de l’autocueillette, nous dit-on à l’association.

La faiblesse de notre devise, qui a incité beaucoup de Québécois à prendre leurs vacances dans la province, n’est sûrement pas étrangère au phénomène. Cependant, des producteurs voient aussi une nouvelle clientèle dans la vingtaine et le début trentaine pour qui il semble tendance de cueillir ses fruits, témoigne l’association.

La grande popularité des marchés fermiers qui se multiplient dans les villes et les villages montre que les Québécois ont repris goût aux produits frais et locaux. Il faudra voir s’ils iront jusqu’à retrouver l’habitude de les cuisiner et d’en conserver pour la saison froide, comme le faisaient leurs grands-parents.