Photographie

L’égalité, un papa à la fois

Exposer des photos, c’est bien plus que de montrer son art pour Johan Bävman. Avec Papas / Swedish Dads, il souhaite surtout faire parler d’égalité entre les sexes et… changer le monde.

« Ce ne sont pas que des photos. Ce ne sont pas que des histoires en photos », dit d’emblée Johan Bävman, à propos de son exposition Papas / Swedish Dads, présentée à la Place des Arts (PDA). Il a décidé de braquer son objectif sur des pères qui ont pris plus de six mois de congé de paternité avec un objectif ambitieux : « L’idée est de lancer le débat sur l’égalité des sexes autour du monde et de montrer combien c’est important. »

L’exposition a, au premier coup d’œil, quelque chose d’anecdotique : elle montre une quarantaine de papas en train de s’occuper de nourrissons ou de très jeunes enfants. L’un donne le bain dans l’évier de la cuisine, l’autre brosse les dents d’un de ses trois petits assis sur le plancher de la salle de bains et un autre brosse les cheveux d’une fillette en pleurs. Des scènes quotidiennes, souvent tendres, jamais magnifiées.

Aucun de ces papas n’est en effet présenté comme un superhéros. « Je trouve que les hommes en congé de paternité reçoivent des louanges imméritées parce qu’ils restent à la maison et sont disponibles pour leurs enfants ; des louanges que les mères ne reçoivent pas », signale d’ailleurs Ale, 29 ans, sur le carton qui accompagne sa photo. 

« On ne devrait pas applaudir les pères qui restent à la maison. C’est une chose qu’on devrait tenir pour acquise. »

— Le photographe Johan Bävman

Même en Suède, pays considéré comme l’un des plus égalitaires du monde, ce n’est pas gagné. Seuls 25 % des hommes prennent la totalité des 90 jours de congé de paternité auxquels ils ont droit depuis 1974. Johan Bävman, qui a passé neuf mois avec chacun de ses garçons, a d’ailleurs été étonné de cette statistique. « Ça dit quelque chose de la Suède… et du reste du monde, conclut-il. On a du chemin à faire. »

Les raisons pour lesquelles seule une minorité de papas choisissent de prendre un congé de paternité sont complexes et variées, selon le photographe. Il songe entre autres à l’écart salarial entre hommes et femmes, aux stéréotypes masculins et au courage qu’il faut pour nager à contre-courant. La plupart de ces enjeux sont nommés, plus ou moins directement, sur les écriteaux qui accompagnent les photos et contribuent à leur donner beaucoup de relief.

« Provoquer un changement »

Johan Bävman précise que de prendre un congé de paternité va de soi dans la classe moyenne. « Ne pas le faire serait mal vu », précise-t-il. Ce n’est pas le cas dans toute la société suédoise, encore moins dans la soixantaine de pays où ses photos ont été exposées jusqu’ici. Montrer ces papas qui donnent des soins à leurs petits s’avère confrontant pour bien des visiteurs, qu’ils soient pères ou mères.

« Ma compagne est croate et, quand on va là-bas [en Croatie] et que j’essaie d’aider en cuisine ou que je dessers la table, ça contrarie les hommes, car ils trouvent que c’est très bien comme ça. Pourquoi gâcher une situation qui fonctionne ? C’est parfois le genre de réactions que mes photos provoquent », raconte-t-il. Inversement, il a aussi croisé des mères qui estiment que les femmes sont bien mieux placées que les hommes pour prendre soin des enfants.

Il s’étonne parfois des réactions des gens, mais s’en réjouit. « J’essaie de provoquer un changement, ces discussions constituent un point de départ », juge le photographe. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il tente, lorsque c’est possible, d’exposer ses photos dans des lieux publics plutôt que dans des galeries d’art. C’est le cas de la salle d’exposition de la PDA où Papas / Swedish Dads est présentée dans le cadre du FIKAS, festival d’art et de culture scandinaves. Johan Bävman participe demain à une discussion gratuite au sujet des congés parentaux.

Papas / Swedish Dads, jusqu’au 21 avril, salle d’exposition de la PDA. Entrée libre.

« Congés parentaux et équité – Les modèles du Québec et de la Suède », demain à 17 h, à l’Espace culturel Georges-Émile Lapalme de la PDA

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