Chronique

Le prodige Mbappé

Kylian Mbappé est un prodige. L’attaquant de 19 ans du Paris Saint-Germain est devenu hier le plus jeune buteur français de l’histoire de la Coupe du monde en inscrivant le but qui a qualifié la France pour la ronde éliminatoire du Mondial russe.

Mbappé n’en est pas à ses premiers exploits. À 13 ans déjà, il était convoité par les plus grands clubs d’Europe, parmi lesquels le Real Madrid et le Bayern Munich. Il a plutôt choisi l’AS Monaco, une pépinière de jeunes talents en Ligue 1 française, où il a fait ses débuts professionnels à seulement 16 ans, éclipsant un record de plus de 20 ans d’un autre ancien prodige, Thierry Henry.

C’est dans la Principauté que le nouveau numéro 10 des Bleus a été sacré une première fois champion de France, à 18 ans, en plus de se démarquer en Ligue des champions, compétition phare où il a inscrit six buts. Les yeux de tous les dirigeants de grands clubs européens étaient alors rivés sur ce diamant brut, aussi rapide que doué techniquement.

C’est finalement le club de sa région natale qui a remporté la mise : un prêt avec option d’achat… de 145 millions d’euros. Une bagatelle, comme on dit en banlieue parisienne. Un nouveau championnat de France remporté en mai avec le PSG en poche, Kylian Mbappé affiche en Russie l’assurance et l’audace de la jeunesse à qui tout réussit.

Ce fils d’un entraîneur de soccer camerounais et d’une ex-joueuse de handball d’origine algérienne, sans conteste l’un des joueurs les plus surdoués du soccer mondial, semble garder la tête froide au Mondial, à l’image de sa célébration très sobre après son but face au Pérou.

Mbappé a une bonne tête – et pas seulement pour taper sur un ballon.

Le précédent record de précocité pour un buteur français au Mondial était détenu par David Trezeguet, qui avait marqué en phase de groupe contre l’Arabie saoudite en 1998, en France. Kylian Mbappé n’était pas encore né. Trezeguet – le vrai, pas le joueur égyptien que l’on a ainsi surnommé en raison de sa ressemblance avec le « goaleador » franco-argentin –, était d’ailleurs sur place hier, à Ekaterinbourg, dans l’Oural, pour voir Mbappé effacer sa marque.

C’est davantage à Thierry Henry, l’ancien complice de Trezeguet chez les Bleus, que l’on compare le plus souvent Mbappé. Même pointe de vitesse, même façon de déborder l’adversaire sur l’aile avant de couper au centre. Comme Trezeguet, Henry avait lui aussi seulement 20 ans à la Coupe du monde de 1998 – où il a été le meilleur buteur des Bleus avec trois réalisations – et jouait en club à l’AS Monaco.

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On a beaucoup parlé depuis quelques jours de l’hésitation de Didier Deschamps à choisir une formation type. Le sélectionneur et ex-capitaine de la France en 1998 est revenu hier au 4-2-3-1 de sa campagne de qualification, avec Olivier Giroud en pointe d’attaque, plutôt que de déployer un trident offensif avec Antoine Griezmann en fer de lance, comme au premier match face à l’Australie.

La stratégie a réussi aux Bleus, surtout en première période. Olivier Giroud, souvent raillé par les partisans français, a apporté une nouvelle dimension, plus physique, au jeu collectif hexagonal, rabattant des ballons pour Antoine Griezmann, plus libre derrière, en léger décalage. Il y avait plus de variation dans le jeu, alternant entre le long et le court. La titularisation de Blaise Matuidi, à gauche, aux dépens d’Ousmane Dembélé, décevant au premier match, a du reste cimenté le milieu français.

La France a entamé le match avec plus de tonus, Griezmann s’offrant quelques occasions dès le premier quart d’heure. Les Français ont démontré leur vitesse sur la contre-attaque, avec Mbappé et Griezmann. Lucas Hernandez aurait dû marquer à la fin de la première mi-temps, mais a pris une touche de trop avant de tirer.

Paul Pogba a été le catalyseur de l’attaque française, soutirant le ballon à Paolo Guerrero à l’extérieur de la surface, avant de distribuer une passe parfaite à Olivier Giroud qui a mené au but de Kylian Mbappé (le seul du match). Une minute plus tôt, Mbappé s’était montré un peu trop fantasque en tentant une talonnade renversée, seul devant le but, sur un ballon lobé de Pogba.

Le Pérou, qui n’avait rien à perdre après sa défaite en ouverture, avait titularisé son capitaine Guerrero, qui était rentré comme remplaçant face au Danemark. Il a forcé un arrêt de la jambe de Hugo Lloris, juste avant la demi-heure de jeu. Le Pérou a d’ailleurs dominé la deuxième mi-temps. Lloris, dont c’était la centième titularisation en équipe de France, semblait battu à la 50e minute, mais le ballon a percuté l’extérieur du cadre.

À l’heure de jeu, le Pérou se montrait de plus en plus menaçant, alors que le milieu de terrain français avait soudainement cessé d’attaquer, laissant la possession du ballon à l’adversaire. Que veut l’adage ? L’attaque reste la meilleure défense…

Paul Pogba, impérial en première période, a été beaucoup plus effacé en deuxième mi-temps, comme l’ensemble de l’équipe tricolore. Mais le bloc défensif, extrêmement solide autour de Samuel Umtiti et Raphael Varane, n’a jamais paru sérieusement inquiété par les attaquants péruviens. « On a souffert en deuxième mi-temps », a déclaré à l’issue du match Didier Deschamps, qui a pourtant tardé à apporter des changements à son effectif. Tu m’étonnes, Didier…

Les supporters péruviens, particulièrement nombreux, se faisaient très bien entendre à l’intérieur et à l’extérieur (où des tribunes temporaires ont été installées) du stade d’Ekaterinbourg. Plusieurs n’osaient plus regarder lorsque Paolo Guerrero a tiré un dernier coup franc, trop peu appuyé, à la 88e minute. On sentait l’immense déception chez ces partisans ayant parcouru la moitié du globe pour voir leur équipe nationale en phase finale de la Coupe du monde pour la première fois depuis 1982. Cruel.

Les Péruviens, volontaires et engagés, sont éliminés. Les Français, un peu plus convaincants, passent au prochain tour. Reste à déterminer si les Bleus finiront premiers ou deuxièmes du groupe C. On le saura mardi, à l’issue du match final de cette phase de groupe contre le Danemark, qui a fait match nul hier, 1-1, contre l’Australie. L’adversaire de la France en huitième de finale sera connu le même jour. Et il est bien possible que ce ne soit pas l’Argentine, battue 3-0 hier par la Croatie dans le groupe D…

D’ici là, la France aura encore des efforts à faire pour convaincre les sceptiques – ils restent nombreux – qu’elle vaut davantage, collectivement, que la somme de ses parties.

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