maxime bernier et le parti conservateur

Difficile divorce à l’horizon ?

Ottawa — L’irritation au sein des troupes d’Andrew Scheer envers le député de Beauce Maxime Bernier, dans la foulée de ses récents gazouillis critiquant « le multiculturalisme extrême » de Justin Trudeau, est telle qu’on l’invite désormais à réfléchir sérieusement à son avenir au sein du Parti conservateur.

À quelque 12 mois des prochaines élections fédérales, et alors que le Parti libéral et le Parti conservateur sont coude à coude dans les intentions de vote et que les conservateurs ont arraché la circonscription de Chicoutimi- Le Fjord aux libéraux en juin, un divorce entre Maxime Bernier et la formation politique dont il est venu près de prendre les commandes l’an dernier apparaît, en effet, de plus en plus comme la seule option aux yeux d’un nombre croissant de Tories. À moins, évidemment, que le bouillant député de Beauce accepte de rentrer dans le rang et cesse de laisser libre cours à ses pensées sur les réseaux sociaux sans consulter ses collègues.

Certes, Maxime Bernier a réussi à obtenir l’appui de 49,05 % des membres du parti qui ont voté lors de la course au leadership en mai 2017 et son départ pourrait causer des blessures qui pourraient ne pas guérir complètement avant le scrutin fédéral d’octobre 2019. Mais les nombreuses collisions entre lui et son chef au cours des dernières semaines dans des dossiers comme l’abolition de la gestion de l’offre ou « le multiculturalisme extrême » sont devenues une source de distraction qui pourrait permettre aux libéraux de Justin Trudeau de décrocher un deuxième mandat de suite sans coup férir si elles continuent.

« Maxime Bernier devient de plus en plus notre Martine Ouellet au sein du Parti conservateur. Il ne veut pas jouer en équipe. Il fait des choses sans nous avertir. Il doit décider s’il veut travailler avec le chef ou non », , a laissé tomber hier une source conservatrice, visiblement exaspérée.

« Il se comporte en ce moment comme s’il était à la tête d’un groupe de réflexion qui veut influencer le parti de l’extérieur. Ça ne marche pas comme ça, un parti politique. »

— Une source conservatrice

Cette source, qui a requis l’anonymat afin de pouvoir s’exprimer plus librement sur l’avenir de Maxime Bernier, faisait allusion au cas de l’ancienne chef du Bloc québécois, Martine Ouellet, larguée au début de l’année par la majorité des 10 députés bloquistes qui l’accusaient de n’en faire qu’à sa tête. Elle a par la suite perdu de façon écrasante un vote de confiance des militants en juin.

Selon des informations obtenues par La Presse, plusieurs députés ont fait pression sur M. Scheer au cours des derniers jours pour qu’il prenne les moyens pour expulser Maxime Bernier du caucus conservateur. Or, à la suite de l’adoption d’une série d’amendements à la Loi sur le Parlement, en 2015, le chef d’une formation politique n’a plus le pouvoir de montrer la porte à un de ses députés. En effet, un député ne peut être expulsé d’un groupe parlementaire que si deux conditions sont réunies. D’abord, le président du caucus doit recevoir un avis écrit, signé par au moins 20  % des députés du groupe parlementaire, demandant l’expulsion du député en question. Ensuite, l’expulsion du député doit être approuvée, au scrutin secret, par la majorité des députés du caucus.

« Andrew Scheer n’a pas le pouvoir d’expulser Maxime Bernier », a-t-on répété hier dans les rangs conservateurs, expliquant aussi qu’il n’y a pas pour le moment de mouvement pour lui imposer cette sanction.

À une semaine du congrès national du parti, à Halifax, le torchon a continué de brûler entre M. Scheer et M. Bernier hier après que le chef conservateur eut désavoué mercredi soir les propos de son ancien rival de la course au leadership en affirmant que ce dernier ne parle pas au nom de la formation politique qu’il dirige « sur quelque question que ce soit ».

Dans une déclaration émise mercredi soir, M. Scheer a laissé entendre que le député de Beauce fait partie de la liste d’élus qui épousent la politique de la division au pays.

Il s’agissait d’un désaveu sans appel de sa part, lequel s’ajoutait à sa décision au printemps de le dépouiller de son rôle de critique en matière d’innovation au printemps après que M. Bernier eut réitéré son appui sans réserve à l’abolition de la gestion de l’offre, alors que la position officielle du Parti conservateur demeure favorable à ce régime.

Mais dans une autre salve de gazouillis dans les deux langues officielles, hier, Maxime Bernier a répondu à Andrew Scheer en soutenant qu’il ne fait pas de la politique identitaire, contrairement à tous les partis politiques, y compris le Parti conservateur.

« Faire de la politique identitaire signifie cibler des groupes spécifiques sur la base de leur origine ethnique, religion, langue, sexualité ou autres caractéristiques, au lieu de leur parler en tant que Canadiens intéressés au bien-être de la société entière », a-t-il affirmé dans le premier de ses trois messages.

« La politique identitaire est devenue omniprésente et est pratiquée par tous les partis qui tentent ainsi d’acheter des votes. Le débat politique a dégénéré en un conflit entre différentes façons de racoler des groupes spécifiques au lieu de faire appel à nos intérêts communs », a-t-il ajouté.

« J’ai dit à plusieurs reprises que la politique identitaire est réductrice, source de division et destructrice de notre cohésion sociale. Je fais LE CONTRAIRE en me concentrant sur des solutions politiques qui concernent TOUS les Canadiens. Et je continuerai à le faire », a-t-il encore dit.

Cette nouvelle sortie a forcé Andrew Scheer à interrompre ses courtes vacances familiales afin de tenir un point de presse à Regina où il a répété que Maxime Bernier ne parle pas au nom de son parti. M. Bernier n’a pas accordé d’entrevue hier.

S’exprimant sur les ondes de la radio de Radio-Canada dans le cadre de l’émission Midi info, le lieutenant politique d’Andrew Scheer au Québec, le député Alain Rayes, a dit tout haut ce que plusieurs de ses collègues pensent.

« On voit un gars qui roule tout seul et qui fait sa cabale. […] C’est bien plus Maxime Bernier qui a une réflexion à faire, histoire de voir s’il veut travailler avec le Parti conservateur pour battre Justin Trudeau lors de la prochaine élection, ou s’il souhaite plutôt mettre en place un ordre du jour à lui. »

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