Chronique

Trump et le démantèlement des règles bancaires

Vous vous rappelez ce qui a provoqué la mégacrise financière des dernières années ? Mais oui, voyons, cette mégacrise qui a fait fondre la classe moyenne, surtout américaine, et décimé l’emploi partout dans le monde, notamment en Europe ?

Rappelez-vous, les banques américaines faisaient des prêts hypothécaires à des clients incapables de rembourser. Ces mêmes banques n’en avaient pas grand-chose à cirer, de toute façon, puisqu’elles rétrocédaient ces mêmes prêts à risque à des investisseurs internationaux sous forme de papiers « subprimes ».

Rappelez-vous encore, les banques s’endettaient pour faire des investissements spéculatifs et gonfler leurs profits, ce qui engraissait les bonis des courtiers de façon indécente. Ces banques prenaient parfois même des positions inverses à celles de leurs gros clients – autrement dit, elles leur recommandaient d’acheter des titres, pendant qu’elles les vendaient sans vergogne pour empocher l’argent. Parmi ces banques, Goldman Sachs, qui a lourdement été mise à l’amende.

Alors, ça vous revient ?

En 2007, petit à petit, les marchés ont constaté le très haut niveau de risque des institutions bancaires et en septembre 2008, boum, la banque Lehman Brothers a dû déclarer faillite, provoquant une crise mondiale.

Malchanceux, Barack Obama a été porté au pouvoir au même moment, en 2008, et a été contraint de gérer la pire crise financière depuis les années 30. Son administration a injecté des centaines de milliards de dollars en fonds publics pour sauver le système financier. Et en parallèle, une réglementation contraignante a été mise en place pour empêcher les banques d’être à nouveau tentées par l’excès de risque et la course aux profits à court terme.

Or voilà, en campagne électorale, Donald Trump a promis de « démanteler » les mesures mises en place par l’équipe Obama, spécifiquement la loi Dodd-Frank (visant la réforme de Wall Street et la protection des consommateurs).

La promesse de Trump fait craindre à certains un retour des abus des banques. Pour d’autres, la loi Dodd-Frank, qui fait 2300 pages, mériterait qu’on y apporte certains aménagements sans pour autant être complètement démantelée.

Depuis son élection, Trump n’a pas clarifié sa position à ce sujet, mais ses nominations économiques laissent peu de doutes sur ses intentions.

D’abord, deux ex-dirigeants du Groupe Goldman Sachs occupent des postes stratégiques au gouvernement. Gary Cohn a été nommé chef du National Economic Council, tandis que Steven Mnuchin est maintenant secrétaire du Trésor. Enfin, le militant Carl Icahn, qui juge le secteur bancaire trop réglementé, a été nommé conseiller spécial de Trump sur les réformes réglementaires.

Essentiellement, quatre éléments de la loi Dodd-Frank irritent plus particulièrement les banquiers américains. D’abord, il y a la règle Volcker, qui limite les investissements spéculatifs que les banques peuvent faire pour leur propre compte (par opposition aux investissements pour leurs clients). Les banques voudraient avoir plus de latitude à ce sujet, comme c’est le cas ailleurs dans le monde, notamment au Canada.

Récemment, les banques ont reçu un appui de taille, celui de l’illustre Réserve fédérale américaine (l’équivalent de notre banque centrale). L’institution constate que l’absence des banques dans ce marché a pour effet de raréfier les liquidités durant les périodes de stress financiers, nuisant ainsi au bon fonctionnement du marché.

Deuxième motif de mécontentement pour les banques : l’agence de protection financière des consommateurs (Consumer Financial Protection Bureau). Les républicains voudraient réformer cette agence qui traite des plaintes des consommateurs concernant leurs hypothèques, cartes de crédit et autres produits bancaires. Ils souhaiteraient que sa direction soit bipartisane et que son budget soit soumis au Congrès, selon une analyse du Financial Times.

Troisième élément : la taille des banques à partir de laquelle les règles deviennent plus sévères compte tenu de leur risque systémique. Les banques de taille moyenne soutiennent qu’elles ne devraient pas être soumises à de telles règles.

Enfin, quatrième élément : les conditions que doivent imposer les banques aux emprunteurs pour un prêt hypothécaire. Les banques jugent ces règles trop sévères. Depuis la loi Dodd-Frank, les emprunteurs ne peuvent obtenir une hypothèque si l’ensemble de leurs paiements, incluant ceux pour l’auto, dépasse 43 % de leurs revenus bruts.

À court terme, pas de changement majeur en vue, puisque la réforme de la réglementation financière ne figurerait pas en tête de liste des priorités du clan Trump, contrairement à l’Obamacare. Surtout, des changements à bien des aspects de Dodd-Frank nécessiteraient l’appui de 60 des 100 sénateurs. Or, les républicains comptent actuellement 52 sénateurs à la Chambre haute – par conséquent, ces changements exigeraient l’appui de huit sénateurs démocrates, ce qui est loin d’être acquis.

Quoi qu’il en soit, il faut avoir à l’œil ces volontés de déréglementation bancaire. Certains éléments pourraient être justifiés, mais il faut garder à l’esprit que le laisser-aller des banques fut l’une des causes de la pire crise financière de l’histoire, qui a chambardé l’économie mondiale.

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