ENJEUX

À plein régime

Mon trouble de déficit de l’attention pense toujours trop, toujours trop loin, mais j’ai appris à me contrôler

Je suis entrepreneur depuis 2008. Il y a les jours faciles, et il y a les autres.

Étant de nature organisée, il est facile pour moi de suivre à la lettre un échéancier ou de rester à jour dans mes tâches quotidiennes. Ce n’est pas tant dans la structure, dans la volonté ou dans la rigueur professionnelle que j’ai un problème, mais la majeure partie de mon épreuve de tous les jours réside presque entièrement dans la concentration. Par exemple, j’ai commencé à écrire ce texte il y a 20 minutes, j’en suis encore au premier paragraphe et je dois me relire constamment.

J’ai su, il y a seulement quelques années, que j’étais atteint du trouble de déficit de l’attention (TDA). Ça a expliqué bien des choses.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu de la difficulté à rester concentré. J’entretenais toutefois une excellente moyenne à l’école, mais je le dois à mon désir constant d’apprendre et à ma persévérance inébranlable. J’aime apprendre. J’aime m’attarder à comprendre les choses, mais mon cerveau est toujours sur le high cycle spin, ce qui fait que j’ai constamment la tête ailleurs dans les 15 000 projets que je prends soin d’alimenter.

Mêlé à tout ça, je suis également victime d’effets cognitifs touchant ma mémoire, ma vivacité et plusieurs autres fonctions de mon cerveau ayant subi un grave traumatisme crânien, à la suite d’un accident de planche à neige lorsque j’avais 17 ans. Rien de bien grave vu comme ça ; je suis encore capable de marcher et de parler, mais à l’intérieur, c’est d’une tout autre envergure.

Chaque matin, je me réveille avec le cerveau qui tourne déjà à plein régime. Des idées, des images et des flashs de génie. Constamment.

Chaque soir, je me couche avec une idée bien précise de ce que je vais faire dès que j’ouvrirai l’œil le lendemain matin et, qui sait, si je suis bien en forme, peut-être même un planning pour l’année à suivre au complet !

Mes difficultés de concentration ne m’ont jamais arrêté dans mes élans ambitieux. Parfois même, la frustration liée à un déficit d’attention me donne le kick nécessaire pour redoubler d’ardeur. Je documente, je répète et je travaille de la façon la plus claire et évidente possible, juste au cas où demain, tout ça serait encore à reprendre.

Je dois dire que ça n’a pas toujours été de tout repos. J’ai lancé mon entreprise sans aucune notion, sans l’aide de quiconque, seulement avec une idée en tête et de la volonté. Béni soit Google pour tout ce qu’il m’a appris et béni soit le café de m’avoir donné l’énergie de m’abreuver de tout ce savoir-là. Mais surtout, je dois mon succès entrepreneurial à ma nature autodidacte et autonome, à ce désir incessant de me surpasser.

SAVOIR M’ARRÊTER

Je dirais que la plus grande difficulté à laquelle je suis confronté, c’est moi-même. Je dois savoir m’arrêter et apprendre à mettre des choses de côté pour me concentrer sur le principal. Prendre des notes. Faire des listes de tâches, et les mettre par ordre de priorité. Mais surtout, y aller au jour le jour. Mon TDA pense toujours trop, toujours trop loin, mais j’ai appris à me contrôler.

Une autre clé du succès qui m’aide à lutter contre mon déficit d’attention ? Je n’ai aucune routine dans mes tâches quotidiennes. La routine est le pire ennemi du TDA. C’est ennuyeux, c’est redondant. Il est amplement possible de conserver une rigueur exemplaire dans son quotidien sans nécessairement avoir à entrer dans une routine plate et monotone.

Bref, tout ça pour dire qu’il ne faut jamais se décourager. Il est beaucoup trop facile d’abandonner la lecture d’un livre après avoir lu à trois reprises le même paragraphe, mais il est très gratifiant de redoubler d’ardeur et de finir le premier chapitre. Le deuxième sera tout aussi éprouvant, mais la satisfaction de la réussite est incomparable.

Je ne suis toujours pas capable de lire un livre sans décrocher toutes les cinq lignes, mais… regarde-moi bien faire ma fin d’année fiscale.

Ma maman m’a toujours dit que j’étais spécial.

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