SANTÉ

Quand les parents hésitent à faire vacciner les enfants

Les parents qui ne font pas vacciner leurs enfants ont généralement des raisons religieuses au Canada anglais. Mais au Québec, il s’agit d’un héritage de l’époque hippie. Telle est l’une des conclusions d’un nouveau livre sur la question, qui vient d’être publié en anglais et est en cours de traduction.

« On parle maintenant d’hésitation plutôt que de rejet des vaccins », précise d’abord Maryse Guay, spécialiste de la question à l’Université de Sherbrooke et au Centre de recherche de l’hôpital Charles-Lemoyne, qui est l’auteure de l’un des essais du livre Public Health in the Age of Anxiety. « Au Canada anglais, les sources de cette hésitation sont différentes. »

Les adeptes des médecines dites alternatives sont-ils donc moins susceptibles de faire vacciner leur bébé ? Il y a un lien statistique au Canada anglais, mais pas au Québec, malgré la culture « grano » qui sous-tend l’hésitation face aux vaccins, selon la Dre Guay. « Au Québec, la médecine alternative, c’est plutôt en complément avec la médecine, tandis qu’au Canada anglais, c’est davantage en remplacement », dit la Dre Guay.

Cela fait qu’au Canada anglais, les bébés qui ne sont pas vaccinés ont souvent des parents adeptes de la naturopathie et d’autres médecines « naturelles », alors qu’au Québec, le seul lien entre les deux phénomènes est le recours aux sages-femmes. Une étude menée par la Dre Guay il y a une dizaine d’années en Estrie montrait que ces mères faisaient beaucoup moins vacciner leurs bébés.

Difficulté à obtenir un rendez-vous

Toutefois, le dernier rapport de l’Institut national de santé publique (INSPQ) sur la question notait que la principale raison des retards de vaccination était la difficulté à avoir un rendez-vous. Est-ce que les restrictions concernant les frais accessoires en clinique privée et en pharmacie empireront la situation ? « Dans la plupart des cas, les bébés sont vaccinés en établissement, en région, souvent en CLSC, dit la Dre Guay. La vaccination dans le cabinet du médecin est un phénomène montréalais. Dans ce cas, il pourrait y avoir un impact. »

Le rapport de l’INSPQ concluait que 90 % des parents jugent les vaccins efficaces et 70 %, qu’un retard dans la vaccination est dangereux. En 2014, seulement 1 % des enfants de 2 ans n’avaient reçu aucun vaccin et 85 % avaient reçu tous leurs vaccins, une proportion qui tombe à 71 % si on tient compte du nouveau vaccin contre le rotavirus, introduit en 2011. Toutefois, seulement 20 % des bébés de moins de 2 ans avaient reçu le vaccin antigrippal.

Les difficultés à avoir un rendez-vous sont particulièrement importantes pour les parents pauvres.

« La vaccination n’est pas moins fréquente dans les milieux défavorisés. Mais la vaccination incomplète est plus souvent liée à des problèmes organisationnels que dans les milieux plus aisés. Ça veut dire qu’il s’agit moins souvent d’hésitation. »

— La Dre Maryse Guay

Un débat fait rage en ce moment touchant le vaccin antigrippal pour le personnel soignant. Le taux national n’est que de 68 %, selon le livre, alors que l’objectif est de 80 %. « En général, au Québec, il y a un taux plus faible que dans le reste du pays, parmi le personnel soignant, dit la Dre Guay. Nous suivons les innovations dans le domaine. En Colombie-Britannique, une nouvelle mesure oblige le personnel soignant qui refuse le vaccin antigrippal à porter un masque. Ça a permis d’augmenter le taux de vaccination à 90 %. Mais en Ontario, les syndicats s’y sont opposés. »

Y a-t-il de nouvelles approches pour convaincre les parents qui hésitent à faire vacciner leur bébé ? « On ne se limite plus seulement à parler des preuves scientifiques, dit la Dre Guay. On fait un entretien motivationnel, on s’intéresse aux raisons que les gens ont de refuser un vaccin. Souvent, les gens hésitent à en parler de peur de se faire chicaner. S’ils sentent que le médecin ou l’infirmière s’intéresse à eux, ils vont lui faire davantage confiance. »

1,8 

Les enfants québécois de 2 ans ont 1,8 fois plus de chances d’avoir une vaccination incomplète à 2 ans si leur mère avait moins de 20 ans à la naissance.

1,3 

Les enfants québécois de 2 ans ont 1,3 fois plus de chances d’avoir une vaccination incomplète à 2 ans s’ils ont un grand frère ou une grande sœur (deuxième rang dans la fratrie).

Source : INSPQ

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