Rosette Pipar, éditrice francophone de Hallmark

La caméléon des cartes de vœux

Bien installée à son bureau, dans sa coquette maison blanche à tourelles, Rosette Pipar manie la plume – ou, plus précisément, tape sur son clavier ! – du matin au soir. Elle écrit des cartes de souhaits pour une multitude d’occasions et de célébrations. D’abord pour le plaisir des mots, mais aussi parce que c’est son boulot. Rencontre.

Comme un rêve

« Être payée pour écrire des cartes de souhaits, c’était pour moi un rêve. Depuis que je suis toute petite, j’ai toujours adoré les livres, adoré écrire », confie Rosette Pipar, 64 ans. L’auteure, d’origine belge, a tour à tour été journaliste, agente d’artistes, organisatrice d’événements, animatrice, biographe d’artistes peintres. Depuis l’an dernier, elle est l’unique éditrice francophone du géant américain Hallmark. Peut-être recevrez-vous, dans une carte en papier, ses mots pour la Saint-Valentin ?

Son quotidien

Jour après jour, cette résidante de Saint-Sauveur rédige des mots de son cru ou traduits en français des textes en anglais venant de l’énorme catalogue de l’entreprise. « J’adapte alors le message en français pour qu’il corresponde à l’esprit de la carte, à l’émotion recherchée, pour qu’il parle aux francophones. » Tantôt, elle doit composer un souhait très concis qui tient sur une ligne. Tantôt, elle doit rédiger une longue tirade sur deux pages. « Ce ne sont pas toujours les messages les plus courts qui sont les plus faciles à composer. Ça peut être difficile de transmettre une émotion, d’arriver à une belle sonorité, en quelques mots », explique-t-elle.

Du shower de bébé...

« Une carte, c’est une façon de célébrer ou de souligner tous les moments importants que vit l’être humain durant son existence », dit l’auteure. Elle écrit sur un large éventail de thématiques : shower de bébé, anniversaire, amour, maladie et condoléances. « Je me sens comme un caméléon. Je dois me mettre dans la peau de la personne qui offre la carte et dans celle de la personne qui la recevra. » Sa riche expérience humaine lui est essentielle, avance-t-elle, pour trouver les mots justes. 

... aux condoléances

Rédiger un texte pour une personne en deuil peut être particulièrement délicat, précise-t-elle. « J’ai été mariée, j’ai eu des enfants, j’ai vécu un divorce, j’ai accompagné ma mère comme proche aidante. Je suis passée par toute une gamme d’émotions, de sentiments. Ça me permet d’être sensible, empathique. » Les cartes humoristiques sont sa petite bête noire, admet-elle. Pas parce qu’elle n’aime pas rigoler, mais bien parce que l’humour est fait de subtilités et de repères culturels marqués qui diffèrent d’une langue à l’autre.

Éviter la redite

« C’est important de ne pas écrire de façon répétitive, c’est un beau défi », dit-elle. Quand elle écrit un mot, elle le laisse reposer pendant quelques jours avant de le relire. « Il faut prendre le temps. Après, je me retrempe dans l’essence de la carte. Ça aide à trouver quelque chose d’unique, qui colle bien. » L’auteure s’inspire d’abord du design de la carte. « Je n’emploierai pas le même ton dans une carte d’amour élégante et très romantique que dans une carte d’anniversaire humoristique au design moderne. »

Dans la peau des autres

Les vœux sont pensés de façon à représenter une variété de destinataires. « Je peux écrire des vœux d’anniversaire de la part d’une petite-fille à son grand-père. Si elle est très jeune, je peux lui faire dire qu’elle aime jouer au soccer avec lui. Si elle a grandi, je peux lui faire dire qu’elle apprécie les valeurs qu’il lui a transmises. » Passionnée de poésie, elle insiste aussi sur les rimes, la musicalité des mots. « Quand on lit une carte avec des rimes, c’est plus agréable. Une fois la rédaction d’une carte terminée, je la lis à voix haute. »

L’importance du geste

« À l’ère des réseaux sociaux, l’envoi de cartes en papier se perd de plus en plus, déplore Mme Pipar. Or, il n’y a rien de plus agréable que de recevoir une jolie carte par la poste. Ça prouve que la personne a pensé à vous longtemps d’avance, qu’elle s’est rendue en boutique choisir une carte, qu’elle a acheté un timbre et qu’elle est allée la poster. De prendre tout ce temps, c’est déjà tout un cadeau en soi de nos jours. » Toute sa vie, elle a écrit et envoyé des cartes de souhaits à ses proches. Elle sait que tous n’ont pas cette facilité ni cet intérêt pour l’écriture. « Je me sens parfois comme un écrivain public. Juste de savoir que quelqu’un va offrir mes mots à un être cher, ça fait ma journée. »

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