Opinion  UberX et Taxi

Les cowboys 2.0

Québec ne doit pas autoriser UberX

Les jeunes libéraux veulent légaliser l’économie du partage, dont UberX. Pour le moment, le ministre des Transports du Québec, Robert Poëti, s’oppose ouvertement à une telle légalisation, tout comme le maire de Montréal, Denis Coderre. Il est primordial que le gouvernement de Philippe Couillard maintienne cette position.

L’industrie, pour des raisons historiques, a mis en place un mécanisme de gestion de l’offre de taxi. La Ville donnait des permis aux chauffeurs, et ceux-ci ont eu la possibilité de revendre leur licence à d’autres personnes. Un marché secondaire s’est créé. On peut débattre ad nauseam de la justesse des décisions passées, mais il est plus porteur de prendre acte de la réalité : bien des chauffeurs ont dû payer jusqu’à 225 000 $ pour leur licence, et s’endetter pour le faire. Dans bien des cas, il s’agit là de leur unique actif de retraite ; allons-nous en cautionner la destruction au seul profit d’actionnaires étrangers ?

Passons par-dessus le fait qu’Uber ne paie ni taxe de vente ni impôt au Québec. Précisons ensuite qu’il existe une importante différence entre Uber et UberX (appelé UberPop en France et qui vient d’en être chassé), qu’Uber noie finement dans toutes ses communications. Il est vrai qu’Uber a apporté un vent de fraîcheur, permettant au client de commander son taxi par téléphone intelligent, d’en suivre le tracé et de payer rapidement, le tout dans le cadre réglementaire montréalais et québécois. J’ai utilisé Uber et rapidement compris ses avantages.

UberX, de son côté, permet à tous d’utiliser leur voiture personnelle à titre de taxi. Du taxi amateur : pas d’encadrement, une couverture d’assurance floue et surtout pas de permis à payer.

On ne parle pas de voisins qui partagent les frais d’une voiture pour se rendre au travail, on parle de commerce sauvage.

On parle d’un mépris ouvert des lois, des cowboys 2.0. Nous sommes loin de l’économie sociale.

Certains argueront que je viens d’acquérir Taxi Hochelaga et que je prêche pour ma paroisse. Au contraire, c’est parce que je crois au développement économique de Montréal que j’ai décidé d’investir pour moderniser l’industrie. À mes yeux, le covoiturage, BIXI, le transport en commun, Communauto et les taxis s’avèrent une réponse au même problème : la présence d’une deuxième voiture dans les foyers. Je crois profondément qu’offrir un cocktail de transports diminuera l’utilisation de la voiture et, par conséquent, l’émission de gaz à effet de serre et la congestion dans les rues de Montréal.

Il existe, c’est vrai, un problème dans l’industrie du taxi montréalaise. Un enjeu fondamental doit être réglé : améliorer les conditions socio-économiques des chauffeurs. À Montréal, on compte 11 625 chauffeurs de taxi pour 4436 voitures, soit environ un taxi par 400 habitants. À New York, le ratio est d’un taxi pour 1600 habitants ! On ne manque donc pas de taxis à Montréal.

Il est important de comprendre la raison derrière des quotas. Ils existent pour que les gens qui veulent travailler dans une industrie ayant une faible barrière à l’entrée puissent vivre décemment de leur emploi. Malgré tout, afin de joindre les deux bouts, un chauffeur de taxi se retrouve derrière son volant de 6 à 7 jours par semaine, à raison de 12 à 14 heures par jour. Son salaire moyen ? De 7 à 8 $ de l’heure, bien en deçà du salaire minimum de 10,55 $. A-t-on vraiment besoin de plus de taxis à Montréal ?

Les Montréalais veulent un service courtois et efficace, un chauffeur qui connaît le chemin et des voitures propres et en ordre. On rêve même à une signature homogène. UberX n’apporte rien de ça. L’industrie, avec du retard, est en train de s’ajuster. J’en appelle au premier ministre Couillard à interdire fermement UberX. Il faut en fait que l’État soutienne et défende l’industrie du taxi. Autoriser UberX ne fera que diminuer davantage les conditions précaires dans lesquelles vivent les chauffeurs et, par ricochet, empêcher les Montréalais d’obtenir le service auquel ils rêvent.

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