COMMANDITÉ

Profession : chasseur d’héritiers

Tsé, le courriel à propos de votre tante Cécile qui est morte en France sans laisser d’héritier ? Vous n’auriez peut-être pas dû l’effacer. Car il y a une chance — infime, il est vrai — que ce message ait été envoyé par Christophe Savary, et que l’héritage en question ait réellement existé.

Christophe Savary n’est pas un spammeur nigérian, mais un « généalogiste successoral ». Un beau mot pour dire « chasseur d’héritiers ». Son travail, c’est de retrouver des gens à qui on a légué de l’argent, généralement à leur insu.

Christophe fait ce boulot depuis bientôt 25 ans. Son travail commence lorsqu’un notaire sollicite son aide. Les cas sont tout aussi variés qu’il existe de situations familiales tordues. Un richissime homme d’affaires a déshérité sa femme et ses enfants gâtés pour tout donner à une maîtresse sans préciser ses coordonnées ? On appelle Christophe. Une immigrante lègue son restaurant à un cousin qui est mort en Italie 10 ans avant elle ? Christophe.

Mais souvent, c’est une personne seule qui meurt sans testament et sans famille connue. Les héritiers, en vertu de la loi, sont alors établis selon les liens du sang. Christophe commence donc en fouillant les archives pour identifier les parents éloignés. « Ensuite, c’est un travail de détective. Je dois trouver les personnes, puis les contacter. »

Avec Facebook, c’est facile, right ? Pas vraiment. Dans bien des cas, les héritiers sont des personnes âgées. « La plupart du temps, ils ne sont pas sur les réseaux sociaux. » Et ceux qui y sont, qu’ils soient jeunes ou vieux, « ne répondent pas aux messages parce qu’ils sont méfiants ».

Parfois, le chasseur d’héritiers n’a d’autre choix que se déplacer. Quand il suffit de retrouver une fonctionnaire retraitée à Sainte-Foy, ce n’est pas si mal. Mais le Code civil permet de « remonter jusqu’au huitième degré pour trouver un héritier », explique Christophe. Il a déjà eu un dossier avec des gens se trouvant dans neuf pays, dont la France, l’Espagne, l’Afrique du Sud et l’Inde. Et un autre avec 90 héritiers.

Les héritages ne sont pas nécessairement énormes. Oui, il y en a « quelques-uns de plusieurs millions », mais ce n’est pas la norme.

Quel que soit le montant du chèque, ce ne sont pas tous les gens qui sont heureux de se faire contacter par Christophe. « J’ai déjà annoncé à une personne qu’elle avait un demi-frère. Elle en a eu un malaise. Et là, je viens de retrouver une personne à qui je dois dire que son père est décédé. Elle n’était plus en communication avec lui depuis des années. »

Pour que Christophe soit payé, l’héritier retrouvé doit prendre rendez-vous avec le notaire. Et ce n’est pas tout le monde qui souhaite le faire. « Parfois, je retrouve une personne ; je sais qu’elle est en vie, je lui ai parlé. » Sauf qu’elle n’est pas intéressée. « Quand quelqu’un passe des années à se faire oublier de sa famille, il y a des raisons. Je ne juge pas. »

TEXTE Marc-André Sabourin PHOTO DOMINIQUE LAFOND

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